AU NOM DE DIEU LE CLEMENT, LE MISERICORDIEUX
LOUANGE AU SEIGNEUR DES MONDES QUI EST LE MEILLLEUR TEMOIN !
QU’ALLAH ACCORDE UN SALUT SANS FIN A L’ARCHETYPE DE L’HUMANITE ; LE PROPHETE MOHAMMAD, (SWS) AINSI QU’A SA FAMILLE ET SES COMPAGNONS HONORABLES. Qu’HONNEUR SOIT A PERRENITE A TRAVERS LE MAGAL SUR CELUI QUI EST SON SERVITEUR INEGALABLE ; CHEIKH AHMADOU BAMBA AL MBACKIYOU.
Chers talibés,
De prime abord, remercions le Seigneur qui nous a permis de participer encore une fois à cette action de grâce. Voila un Magal bien particulier, car il commémore les 100 ans d’appel pour une célébration. Nul doute alors que dans ce qui est caché, sa valeur est incommensurable. Je félicite derechef les talibés mourides d’ici et d’ailleurs qui n’ont ménagé aucun effort pour la réussite de l’évènement. Mais il ne peut qu’en être ainsi car l’homme du Magal était le seul à se constituer otage lorsqu’il s’agissait de porter ce lourd fardeau permettant de sauver son peuple de la géhenne. Au demeurant, la question qui mérite de se poser quotidiennement est de savoir ce que nous serions devenus si cet homme aux habits de blanc immaculé ne s’était pas dressé pour hisser Haut le drapeau de l’Islam dans les eaux troubles de la colonisation en son projet d’acculturation ?
Par ce 18 Safar, Cheikh Ahmadou Bamba a fini d’écrire les plus belles pages d’histoire de l’odyssée d’un esclave exalté du Seigneur qui se suffit à Lui ; ou de celle de la servitude de l’archétype de l’humanité jusqu’à la consécration avec le grade de “Khadimou Rassoul” ; ou encore de la singularité du Djahadoul Nafs comme moyen incontestable pour accéder à l’enceinte scellée de Dieu. Ainsi, les titres du Maître sont nombreux mais dénotent tous d’un caractère commun : la constance dans l’effort.
Si le Magal est un évènement qui échappe à l’usure du temps jusqu’au centenaire c’est qu’il consacre un homme de Dieu constant dans ses idées et dans sa pratique jusqu’à être hautement récompensé. Oui ! Cheikhoul Khadim se définit d’abord par la constance. Une constance dans la parole et les écrits ; de même que dans l’idéologie de paix et la reconnaissance réitérée au Seigneur qui l’a gratifié. En un mot, le Magal commémore une constance : celle synonyme de la persévérance dans l’action ; de la ténacité dans les idées ; de l’opiniâtreté dans la démarche ; de la fidélité face au pacte signé à Darou khoudoss d’avec le Prophète Mohammad (Psl).
Ce mot, «constance», semble jalonner sa vie entière et est le thème dont je voudrai m’entretenir avec vous.
A l’analyse de sa jeunesse à Mbacké Kadjor, du temps où il servit dans le Daara de son père comme assistant professeur, Serigne Touba semblait être différent de tous. Sa vie ne se résumait qu’à l’adoration du Seigneur. Evoluant dans un contexte de réelle corruption sociale, morale et politique, il comprit très tôt que le plus difficile serait de préserver la pureté de son idéal en ne transigeant jamais de la lettre de la Sunna pure. Pour cela, il choisit comme méthode la voie du Djihadul nafs qui se caractérise par des exercices de la mortification permettant de dominer ses passions. Il comprit que les vicissitudes d’une époque ne sauraient ex-nihilo transformer subitement la pureté de l’eau de Zam zam en acide. Dès lors, il s’arc-bouta dans les principes fondamentaux de la religion en entreprenant de faire de son wird principal le Saint Coran).
Ainsi l’on comprend mieux ses décisions révolutionnaires de l’époque comme celle de ne pas succéder à son père au poste de cadi du roi ou de son détachement de toute voie soufie pour choisir la sienne. Tout ceci démontrant, si besoin en était, qu’il ne transigerait jamais sur le concept de l’Unicité de Dieu.
Dès lors les prémices d’une confrontation d’avec les Toubabs se dessinaient, car ces derniers avaient une optique claire : faire douter les masses dans leur foi en essayant de ridiculiser les chefs religieux. Ne leur donnaient-ils pas le nom de cet oiseau oisif appelé Marabout ? Mais face à ce projet, Serigne Touba comme d’autres resta stoïque. La particularité ici c’est qu’en trente-trois dans de privation de liberté ils ne puissent avoir aucune preuve de l’amoindrissement de sa foi. La fermeté dans l’action devint alors son attitude face à cette action de terreur visant à faire douter un des plus saints.
A tout moment il sera prêt à proclamer l’unicité de Dieu. C’est dans ce contexte qu’il faut analyser la prière devant le conseil privé ou la lettre magistrale qu’il servit en Mai 1903 à l’administration coloniale qui le convoqua dans un délai de huit jours pour s’expliquer sur ses présupposés agissements de rébellion armée. Dans cette lettre conservée dans les archives du Sénégal, on note de sa réponse sèche que les sept ans d’exil n’avaient en rien attiédi sa constance. Il écrit à cet effet : «De la part d’Ahmadou fils d’Ahmadou au commandant de Diarème! C’est le captif de Dieu qui rend cette réponse. Un captif de Dieu qui se suffit de son Maître. Il fait connaître au commandant de Diarème que paix soit sur celui qui marche dans le sentier droit. Après ceci, il fait connaître qu’il a reçu sa lettre et lui fait savoir comme réponse qu’il est le captif de Dieu et ne reconnaît pas d’autre maître que Lui et ne rend hommage qu’à Lui seul, le Très haut, le Vénéré, le Riche, le Grand. Paix soit à celui qui marche dans le droit chemin.»
Une telle lettre équivalait au peloton d’exécution à l’époque. Mais il avait fini de démontrer du reste que s’ils tentaient de nouveau la garde rapprochée de Badr n’était jamais loin comme les îles du Gabon en furent témoins.
Aussi, l’assurance dans la démarche est symptomatique de cette constance. Etant certain que Dieu n’abandonne jamais celui qui est sur le droit chemin, le Cheikh des Cheikhs fit preuve d’une assurance extraordinaire. Cette maîtrise basée sur le concept Abrahamique du “Hasbounallah wanihmal Wakil”, il en fit étalage dès les premières heures de la rencontre de Djewol. Seul un homme armé d’une confiance totale à Dieu pouvait aller à l’encontre des agents de la mort avec un tel flegme. D’ailleurs,sur la route de Louga vers Ndar il se mit à éperonner son cheval si vite que les fantassins eurent du mal à le suivre. Quand ces derniers lui firent la remarque de marcher doucement pour ne pas se fatiguer, il leur rétorqua: “Mais venez ! Comment des hommes dépêchés par leur chef pour accomplir une mission se permettent-ils de marcher doucement ?» Il était monnaie courante chez lui de se remettre à chanter le Prophète par des écrits de reconnaissance après avoir fait subir une sanglante défaite aux ennemis qui juraient de sa perte. Pendant la crise de 1903 par exemple lorsque la rumeur d’une invasion pour détruire ses terres construites pour l’adoration de Dieu se répandit, Serigne Mouhamadou Lamine Diop Dagana,un témoin oculaire de l’époque, note dans l’abreuvoir du commensal que ce qui était étonnant c’est que le Cheikh demeurait si tranquille et leur répétait “Rassurez-vous ; je jure au nom de Dieu qu’il n’y aura pas de mal”.
La constance du Cheikh va de pair avec une certaine intransigeance dans l’action. Pour lui, il était contradictoire de s’opposer aux coloniaux, tout en attendant quelque chose d’eux. Dès lors il ne sacrifia jamais son idéal sur l’autel de la compromission. Cette intransigeance se manifeste à propos de «I ’affaire de la terre» de 1908. Quand le Cheikh eut connaissance qu’à son insu qu’une demande de terre s’était faite, il opposa un niet catégorique. La correspondance de l’administration du cercle du Baol au gouvemeur du Sénégal décrit bien cette attitude. L’administrateur confesse que:“(… ) dès sa réception le marabout m’a immédiatement envoyé un homme de confiance puis ensuite son frère Cheikh Anta pour me dire que cette demande de concession n’avait jamais été faite par lui, qu’il l’ ignorait et tenait à ce que le gouvernement sache que lui, Ahmadou Bamba ne songeait qu’a une chose “prier Dieu” et ne désirait rien d’autre”.(archives du Sénégal 0/61).
Serigne Touba fut le plus constant de tous les résistants. Si certains résistants combattaient en vertu du principe de la souveraineté, il est avéré que pour beaucoup d’autres il s’agissait surtout de conserver le trône ou de s’accommoder de la situation de fait de la colonisation. Serigne Touba restera toujours ancré dans ses positions,car la compromission même pour un instant était inconcevable pour lui. On note par exemple Lat Dior établit à partir de 1871 des relations cordiales avec les Français. Ahmadou de son investiture jusqu’a 1890 cherchera l’alliance avec ces derniers.Il signera du reste le traité de Gori le 12 mai 1887. Samory de même conclut le 28 Mai 1886 un accord en vertu duquel il admettait de faire revenir ses troupes sur la rive droite du Niger. Béhanzin accepta le 3 octobre 1890 la proposition du père Abomey et consentit à reconnaître les droits français sur Cotonou. Cheikhoul khadim étant dans une autre forme de lutte, ne pouvait faire de compromission. Au demeurant, sa lutte était dirigée contre toute forme d’oppression d’où qu’elle provenait. C’est ce qui explique d’ailleurs ces démêlées avec l’aristocratie royale de l’époque. L’idéologie motrice a toujours été la défense de son peuple noir contre toute forme d’agression. Dans son message de l’Unesco du 30 Juin 1979 à Paris, le Khalife Cheikh Abdul Ahad Mbacké décrit bien cette attitude quand il proclame : «(…) Notre maître n’éprouvait pas d’amour ou de haine pour des considérations raciales. Ses sentiments envers les créatures de Dieu n’étaient fonction que du degré auquel ces créatures se conformaient à la véritable mission de l’homme sur terre, l’adoration du Créateur Tout puissant.»
Par la constance, l’Apôtre de la race noire réussira à préserver la pureté de son idéal. Dès lors dans un monde en mutation, cette constance doit faire école. Un mouride se doit d’être constant dans l’action. Pour cela, il nous faut cultiver la patience dans l’effort. Quand les mourides se plaignaient des difficultés qu’ils rencontraient, Cheikhoul khadim avait l’habitude de leur rappeler la tenue des compagnons élus du Prophète. En effet, ils ont subi toutes sortes d’épreuves avant leur triomphe à Badr. Il en va des lapidations, de l’exil en Abyssinie, des tortures, des invectives. Avec la patience, la victoire se dénote de nos jours par le dynamisme de la communauté. En cela, le Magal en est une parfaite illustration.
De fait la seule moralité qui a été citée 90 fois dans le coran est la patience, synonyme de la constance. Et ceci, plus que d’autres vertus comme l’honnêteté ou la sincérité. Dans la sourate Baqara verset 153, Allah (Exalté soit-Il) dit : «Ya ayyuha al ladhina Amanu asta inu bis sabri wa as salaati inna Allaha ma’a sabirina – Ô vous les croyants ! Cherchez secours dans l’endurance et la Salat. Car Allah est avec ceux qui sont endurants»
Nous vivons des moments terribles d’épreuves et d’angoisses. Les problèmes sociaux s’aggravent de même que le gap économique. Devant une telle situation,il est facile de laisser nos moyens de vivre compromettre nos moyens de penser. Néanmoins, ne perdons jamais de vue ce verset 155 de la sourate Baqara qui proclame : «wa lanabluwannakum bishay ‘in mina al-khawfi wa al –ju i wa naqsin mina al amwli wa al anfusi wa thamarati wa bashri as sabirina. Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais la bonne annonce aux endurants».
Notons qu’en trente-trois ans de lutte ils ne parvinrent pas à faire de Cheikhoul Khadim un homme acquis à leur cause. Au surplus il refusa l’honneur aux honneurs. Cette réussite, le Maître le doit à sa ferme résolution. Ainsi on doit l’imiter en cela, car c’est là une attitude qui malheureusement fait défaut de nos jours ! Dieu dit bien dans la Sourate Tâ-Hâ, verset 115 du Coran : “wa laqad ahidna ‘ila Adama min Qablu fanasiya wa lam najid lahu azmaan. Nous avons auparavant fait une recommandation à Adam, mais il oublia et Nous n’avons pas trouvé chez lui de résolution ferme».
L’Islam souhaite voir ses adhérents persévérants et fermes. L’histoire de Jonas, l’homme au poisson, milite en cette faveur. Quelle que soit la difficulté ou l’injustice du moment, sachez que Dieu vous récompensera. Dans Assirul Mahal Abraari, Cheikhoul Khadim martèle : «Le Véritable payeur me paiera des troubles que les ennemis me causent et de tout cela le mal qu’ils me font. Dieu seul est Payeur Véritable.» V. 9
En définitive, faisons nôtres ces mots de Serigne Bbassirou : “le Cheikh savait supporter maintes douleurs, braver les plus graves périls avec calme et douleurs sans se laisser aller à la colère rien que pour plaire à Dieu. Il supportait 1’effort. C’était un plaisir pour lui que de travailler continuellement en se donnant à la tache corps et âme. Il faisait preuve de générosité et de bonté dans le bonheur, de patience et de fermeté dans le malheur. Il affrontait les obstacles sans se soucier de personne”.
Serigne KHADIM LÔ GAYDEL
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