C’est une affaire de famille qui a atterri à la barre des flagrants délits de Dakar, hier. Tisserand de profession, le vieux Modou Faye, né en 1949, a été traduit en justice par son neveu Touba Faye pour des faits d’abus de confiance et de faux et usage de faux en écriture privée. Il sera fixé sur son sort le 06 juillet prochain.
Cet acte ignoble que le vieux Modou Faye a fait subir à son neveu va davantage attiser la méfiance que les émigrés nourrissent à l’encontre de leurs familles établies au pays d’origine. Âgé de 73 ans, la vénalité et la mauvaise foi de ce septuagénaire à la barre ont choqué plus d’un à l’audience des flagrants délits d’hier. Même le tribunal était stupéfait. Âgé de 73 ans, Il s’est emparé, avec témérité, de tous les biens de son neveu, Touba Faye, alors que ce dernier avait une confiance aveugle à son endroit en lui confiant tous ses investissements réalisés au Sénégal.
Jeune et ambitieux, Touba Faye s’est lancé dans l’émigration pour gagner sa vie. Ainsi, en 1995, il s’est rendu en Argentine où il s’adonne à la vente d’œuvres artistiques. Déjà en 1996, il a envoyé à son oncle la somme de 12 millions pour que celui-ci lui achète une maison à Cambérène. Chose que le prévenu a faite. Mais quelques temps après, Modou Faye a changé le nom sur l’acte de vente pour y mettre le sien afin de s’approprier la maison. Pour ce faire, il a imité la signature de son neveu sur les papiers de la maison. Loin de se douter des intentions perfides de son oncle, Touba a encore envoyé à son oncle 22 millions de francs pour qu’il lui acquière une autre maison.
Après avoir reçu des sous de son neveu, le prévenu l’a achetée pour son propre compte et s’est attribué cette maison. L’émigré qui est venu en vacances mainte fois ne s’est jamais rendu compte car n’étant jamais intéressé par les papiers des maisons, croyant qu’ils étaient dans de bonnes mains. C’est lors de ses dernières vacances, en novembre 2020, qu’il a eu la surprise de découvrir la malhonnêteté de son oncle et homme de confiance. En effet, le jour où il a abordé, le prévenu lui a, sans coup férir, signifié qu’il n’avait aucun bien immobilier au Sénégal. Mieux, lui renseigne-t-il, toutes ces maisons lui appartiennent.
Le prévenu a maintenu ses propos qu’il avait déclarés à l’agence immobilière qui avait en charge la location des maisons. « Touba est mon neveu et c’est moi qui l’ai éduqué. J’ai acheté une maison en son nom. Mais il ne m’a jamais donné d’argent. Au contraire, c’est moi qui lui envoyais de l’argent parce qu’il était dans des difficultés », dit-il à la barre.
Quant à la partie civile, il était ahuri par les déclarations faites par son oncle. Le seul reproche qu’il se fait c’est de ne pas avoir gardé les éléments de preuve. « Si je n’ai pas gardé les preuves, c’est parce qu’il est mon oncle et je lui faisais entièrement confiance. C’est avec mes propres moyens que je me suis rendu en Argentine. Je suis revenu au Sénégal en novembre 2020. Je ne me suis jamais retrouvé dans des difficultés pour qu’il me vienne en aide. Je lui ai envoyé 22 millions et 12 millions », dit le plaignant.
Assurant les intérêts de la partie civile, Me Abdou Dialy Kane estime que les infractions pour lesquelles le prévenu comparaît sont incontestables en dépit de ses dénégations. «Il est indéniable qu’il y a une relation entre le prévenu et la partie civile. Ce sont des faits choquants. Compte tenu de son âge, je ne lui souhaite pas un séjour carcéral prolongé. Son neveu a placé en lui une confiance aveugle mais cette confiance n’a pas été méritée. Mon client était à l’étranger et il s’est battu contre vents et marées, loin de sa famille. Ce monsieur a pris tout son patrimoine. C’est injuste ! C’est un acte répréhensible tant du point de vie du droit que du point de vue de la religion», a déploré la robe noire. Par voie de conséquence, la partie civile a demandé au tribunal de condamner le prévenu à lui allouer la somme de 100.000.000 de francs à titre de dommage et intérêt et de fixer la contrainte par corps au maximum.
Même s’il a estimé que les faits sont établis tant dans leur matérialité que dans leur imputabilité à l’encontre du prévenu, le représentant du parquet s’est tout de même rapporté à la décision du juge compte tenu de l’âge très avancé du prévenu. « Avec son âge, on n’a pas envie de le faire encore retenir dans les liens de la prévention. Donc, je me rapporte à votre sagesse », dit-il. À la suite des avocats de la défense qui ont sollicité une application bienveillante de la loi au profit de leur client, le tribunal a mis l’affaire en délibéré au 06 juillet.