Statue : Bamba Ndiaye le temps de «défaidherber» les esprits

Le retrait du statut du général Faidherbe et l’octroi du nom de Golbert Diagne au pont de Saint Louis sont des questions qui constituent une demande de la part de la population du Sénégal en général et de Saint Louis en particulier.

 

Par Bineta BÂ

 

Les préoccupations des habitants de la première capitale du Sénégal font l’objet d’une analyse profonde faite par Bamba Ndiaye, qui confie que «plusieurs personnalités saint-louisiennes ont demandé, ces derniers jours, le retrait de la statue du général Faidherbe et le baptême du pont éponyme du nom du célèbre artiste et homme de culture, Alioune Badara Diagne Golbert. Cette requête s’inscrit dans une actualité internationale marquée par le déboulonnage des statues dédiées à des personnalités esclavagistes ou colonialistes. Une Université belge a décidé de retirer une statue du fameux Léopold II à la demande d’une étudiante d’origine congolaise. Tout un symbole».

Selon l’ancien parlementaire, la réclamation des Saint-louisiens va certainement buter sur l’obstination du président français. Qui d’ailleurs, dans son discours à la nation de dimanche dernier, a formellement exclu une telle perspective en soutenant par ses mots que : «La République, a-t-il martelé, n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle ne déboulonnera pas de statues».

Ni à Lille ni à Saint-Louis, à en croire toujours Bamba, le vif intérêt pour ce monument de l’ancienne capitale du Sénégal témoigne de l’arrivée d’une nouvelle génération sensible aux thèmes de l’anticolonialisme et du panafricanisme, contrairement à leurs prédécesseurs immédiats dont certains ont pu proclamer publiquement, sans coup férir, que «Faidherbe est le véritable père de la nation sénégalaise».

Un peu comme certains de leurs grands-pères avaient cru comiquement que «nos ancêtres étaient des Gaulois avec des cheveux blonds et des yeux bleus», Selon toujours l’ancien parlementaire, si on remonte l’histoire il y avait des graines de contestations qui poussaient : «Ces jeunes contestataires renouent avec la tradition des «cinquante-huitards» et des «soixante-huitards» dont les combats ont été freinés par l’impact démobilisateur de l’assassinat de Thomas Sankara en 1987 et de la chute du mur de Berlin en 1989.

Bamba de dire qu’«il aura fallu l’émergence des réseaux sociaux pour voir de jeunes historiens porter à la connaissance du public que l’épopée sanglante et incendiaire du général Faidherbe véhiculait une idéologie raciste anti noire, non pas le racisme privé d’un aventurier, mais un racisme d’État codifié par une directive officielle du ministère des Colonies. Ceci n’exonère pas la responsabilité personnelle de Faidherbe, puisque certains administrateurs coloniaux dont Maurice Delafosse, ont, à travers de nombreux écrits, dénoncé ce racisme comme une manifestation d’ignorance pure et simple».

Il estime que ces rappels sont importants, car ils dénudent le racisme comme une construction intellectuelle, une idéologie politique chargée d’alimenter la guerre psychologique contre des populations à asservir et exploiter. L’ancien parlementaire soutient que la théorie d’une «race supérieure» a pour principale fonction d’inhiber la volonté des «races inférieures», de leur injecter le mépris de soi et la résignation. Tant que les rapports économiques inéquitables et le franc Cfa seront perpétués, le racisme d’État et ses icônes comme la statue de Faidherbe seront entretenus. Voilà certainement pourquoi la France officielle reste davantage attachée à ses reliques coloniales que ses voisins belges et anglais.

Le secrétaire général du mouvement selal de conclure par inviter les Sénégalais a un «défaidherbage». «L’édifice de la place Faidherbe mérite le déboulonnage, en dépit de l’énervement de quelques nostalgiques. Ce serait un symbole, un message puissant contre la haine et pour le respect mutuel. Mais seulement un symbole, dont la portée serait largement anecdotique. Oui, il faut déboulonner la statue de Faidherbe mais il faut aussi «défaidherber» nos structures politiques et économiques et surtout nos esprits.»

 

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