Sauf à honorer le sacrifice d’Ibrahim sur son fils aimé et aîné, la fête du mouton est réduite à n’être qu’une tradition commerciale. C’est le commerce du mouton plus que la fête du mouton. Si bien que rien de la bête ne parvient à Dieu, sauf la piété de la foi qui préside au sacrifice de la bête qui est agréée par Dieu.
On se soucie de manger, faire bombance et non honorer les valeurs cardinales de l’Islam qui s’expriment plutôt dans la solidarité dans la vie de tous les jours, loin de l’ostentation des faux dévôts, et ces spectacles de mode tendance qui se suivent et se répètent chaque année à chaque fête (Korité, Tabaski).
Sortons le jour de la fête, et regardons donc nos rues comme elles sont devenues : des détritus enfouis dans la terre par les trous creusés. Une matérialité de fait qui se déroule au nom de notre religion qui est toute de spiritualité comme nous le révèle Mame Cheikh Ibra Fall.
Souvent, pour justifier leur attachement au rite du sacrifice en dehors de la Mecque, les parents évoquent la nécessité de procurer de la joie à leurs enfants ; ce qui est légitime en Islam, cette religion étant l’ultime révélation divine qu’il faut rafraîchir pour la mémoire des enfants. Le geste du sacrifice, hors du pèlerinage, n’est donc qu’un prétexte tout trouvé pour mettre en évidence le potentiel sanguinaire du groupe sur la bête, et de donner à voir aux enfants, à qui ça amuse, comment on égorge un mouton. Sans se soucier si cela ne va pas les traumatiser, voire même les conditionner.
Il est bien temps de revenir au vrai Islam par des retrouvailles familiales empreintes d’affections sincères et de moments intenses de fusion, avec une saine compréhension de la fête du mouton. Hors cette compréhension, il faut se résoudre à passer la fête dans la piété, en donnant l’exemple par des qualités éminentes et un souci attentif à la solidarité communautaire. Car la célébration du geste du pèlerin reste strictement consignée dans l’enceinte de la Mecque et les pèlerins eux-mêmes n’exécutent plus le sacrifice, mais le laissent à d’autres.
Nos autorités, si elles entendent être au service de la religion, ont le devoir de ne plus se taire sur cette tradition devenue néfaste pour le pays et son cheptel, ainsi que pour la bonne compréhension de la religion. Elles doivent veiller à mettre en garde contre un tel dévoiement des préceptes de l’Islam et inviter les citoyens à se soucier en premier de l’intérêt général.
En temps de crise extrême comme celle que vit le pays, encourager au sacrifice d’un mouton, au prix prohibitif qui plus est, c’est non seulement violer l’esprit de notre religion, mais aussi ne pas respecter sa lettre. Celle-ci est explicite : «le musulman ne doit pas se faire du tort en honorant les préceptes de sa foi qui demeure indulgente». Cette fête n’a de raison d’être que dans l’intérêt du fidèle.
Comme le roi Hasan II du Maroc, souverain chérifien, qui avait demandé une année au peuple marocain de ne pas sacrifier le mouton pour l’Aïd al adha et son mouton à lui seul valait sacrifice pour tous les sujets du roi, à cause de la sécheresse et le besoin de permettre au cheptel de se reproduire pour les années suivantes. Nos autorités, s’il est vrai qu’elles se soucient de leur mission, doivent appeler à une authentique piété en prenant en compte, durant l’aïd, du gaspillage d’échelle et de la grande situation de pauvreté de la majorité des Sénégalais. Le lourd investissement que supportent les éleveurs ne sera jamais assez compensé par l’argent retiré de la vente des moutons ni par les œuvres pies des serviteurs d’Allah.
Il serait donc plus utile que les dépenses nécessaires à la Tabaski soient reportées pour la rentré scolaire et pour améliorer l’éducation de nos enfants, leur épanouissement individuel et leur assurer un bon niveau intellectuel, quand les indices sont au rouge vers une baisse de niveau, surtout en termes de capacitation et de civisme.
Parce qu’aujourd’hui, les valeurs qu’on leur inculque sur leur lieu d’enseignement, il n’est pas sûr que les futures générations ne puissent avoir une lecture rétrograde de la foi islamique, quelle qu’en soit la modernité ambiante dans laquelle on est tous plongés. Pourrons-nous renoncer au sacrifice cette année, pour décrocher la miséricorde divine qui seule est pourvoyeuse de pluies, dont ont tant besoin les agriculteurs actuellement ? Il est assurément bien trop tard !
Ce qui reste valable, après tout, dans cette modernité occidentale, c’est le prototype de l’arriération mentale symbolisée par la culture occidentale grégaire, avec ses prismes déformants. Surtout en ces temps de lutte contre le terrorisme international qui est parvenue à dépeindre des croyants musulmans sous les traits de parfaits terroristes au comportement bestial décrié, mais qui n’appartiennent pas qu’à l’Islam, comme on le voit en Amérique, en Australie, en Birmanie etc.
Il est donc impératif d’éviter de violenter ainsi l’imaginaire de nos enfants en évitant de transformer leur sommeil en cauchemars et nos cités en boucheries. Si l’on tient à une bonne pluviométrie et d’autres bienfaits du Créateur, omniscient, omnipotent et omniprésent, le Maître du jour de la Rétribution (SWT).