À l’heure de la mondialisation, les murs persistent de se multiplier partout dans le monde contre les phénomènes migratoires. Souvent, les yeux sont braqués sur l’Occident. Mais le mal est jusque dans l’environnement « proche » africain. Le drame de Nador/Melilla rappelle à Mariama Ba son douloureux passage au Maroc.
Elle était partie pour un long séjour. Mais, très vite, la jeune maman a déchanté. Elle raconte :
« Quand je vois les femmes se ruer vers le Maroc, cela me fait de la peine. Moi, j’ai vécu l’enfer dans ce pays. Avec des salaires misérables, on nous assigne à des travaux très pénibles. Par exemple, j’ai travaillé comme baby-sitter. Non seulement je n’avais pas droit au repos, mais aussi, je devais poser l’enfant qu’il dormait. Et ce n’était pas pour me reposer. Je devais en profiter pour faire les autres tâches ménagères. Dès que l’enfant se réveille, je devais arrêter pour aller le prendre. On était les premiers à se lever, toujours les derniers à se coucher. Et ils ne nous permettent même pas de prendre une minute pour respirer. Tout cela, pour des salaires modiques.”
Fatiguée, Mariama a préféré fuir cet environnement hostile, pour revenir s’implanter dans son pays natal. Elle espère y trouver des conditions meilleures avec les supposées politiques de l’État en faveur des migrants de retour. Mais depuis qu’elle est rentrée, elle n’a même pas d’interlocuteur.
Elle déclare, ironique : « Ici, nous avons au moins la paix. Mais il n’y a pas de travail. Les gens parlent beaucoup, mais les migrants de retour sont laissés à eux-mêmes. Nous ne sentons vraiment pas une volonté étatique de nous accompagner à trouver l’emploi ou au moins des financements pour ceux qui ont des projets. Moi, je suis rentrée parce que je me suis dit qu’au moins, si je meurs, ce sera auprès des miens. Il vaut mieux souffrir ici que de mourir là-bas comme un esclave. Mais d’autres préfèrent retourner et pourquoi pas tenter par tous les moyens de regagner l’Espagne.”
Avant de se rendre au Maroc, l’ancienne actrice avait déjà fait la Gambie. Au pays d’Adama Barrow où elle a vécu pendant près de deux ans, elle a flirté avec plusieurs métiers. Finalement, c’est dans la restauration qu’elle avait réussi à se faire un lieu de choix, en se spécialisant dans les plats sénégalais. Hélas ! À l’instar de beaucoup de compatriotes, la pandémie à coronavirus est venue tout gâcher, selon ses termes. Elle se rappelle :
« Avant la pandémie, ça allait très bien en Gambie. J’avais commencé par de petites tables, mais j’avais réussi à avoir ma propre boutique. Avec la pandémie, nous avons été obligés de fermer. La situation devenait alors intenable et j’ai préféré rentrer, avant de tenter ma chance pour le Maroc. Mais si c’était à refaire, je ne l’aurais pas fait.”
Ancienne employée à la Lonase, ancienne gestionnaire d’une maison meublée à Dakar, connue pour son passage dans la série “Rup Tup”, Mariama Ba est aujourd’hui dans une activité de survie, pour pouvoir préserver sa dignité, subvenir aux besoins vitaux de son petit bout de choux. Mais les temps sont plus que durs, selon cette jeune brave dame qui a du mal à joindre les deux bouts.
« Au Sénégal, insiste-t-elle, l’exploitation est partout. J’ai eu à travailler pendant six ans à la Lonase. Mon contrat, d’abord de scène, puis de prestation, a été renouvelé six fois. Je faisais mon job, mais je n’ai pas été recrutée. J’ai finalement abandonné.
Par la suite, j’ai fait plusieurs jobs, avant d’aller en Gambie, puis au Maroc”. Aujourd’hui, celle qui se dit orpheline de sa tante, sa protectrice, ne demande qu’une chose : “Le soutien de l’État”. Mais pour rien au monde, elle n’envisage pas de retourner au Maroc
AVEC ENQUETE