Tension institutionnelle : Les mises en garde du député Abdou Mbacké Ndao

Membre de plusieurs commissions de l’Assemblée nationale, dont la commission des finances, le député Serigne Abdou Mbacké Ndao estime que, dans le contexte actuel, « la dissolution de l’Assemblée nationale pourrait avoir des répercussions fâcheuses sur la gouvernance du Sénégal ». Dans un entretien accordé à la tribune avant-hier, au lendemain du rejet de la suppression du Hcct et du Cese, il a émis des mises en garde par rapport à la nouvelle donne qui se dessine.  Serigne Abdou Mbacké Ndao rappelle que si le président de la République décide de dissoudre l’Assemblée, cela implique automatiquement la convocation du collège électoral pour de nouvelles élections.

                                         « Les délais sont courts… »

Cette contrainte temporelle arrive à un moment crucial de l’année législative. « Le président de la République a la prérogative, après deux ans d’exercice de l’Assemblée nationale, de la dissoudre. Il sait mieux que moi que le décret qui dissout l’Assemblée nationale, c’est le même décret qui convoque    le collège électoral pour les élections à venir. La fourchette de temps que le gouvernement a pour organiser ces élections est de 60 jours minimum et 85 jours au plus. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que les délais sont courts. La rentrée unique de l’Assemblée nationale était censée se tenir au mois d’octobre. Juste après cette rentrée, il était prévu d’aller vers les commissions techniques pour examiner le budget, la loi de finances initiale de l’année 2025 » rappelle Serigne Abdou Mbacké Ndao.  Il est d’avis que la dissolution de l’Assemblée pourrait entrainer une impasse législative. « Si le président prend l’initiative de dissoudre l’Assemblée, qui va examiner ces projets de loi de Finances ? Nous sommes dans un pays organisé, l’État est organisé, les institutions sont organisées et ont un calendrier. Qu’il nous dise qui va examiner dans les délais impartis la loi de finances 2025 » déclare Abdou Mbacké Ndao. De son point de vue, cette dissolution fait peser une menace sur la mise en oeuvre des politiques publiques.

« Si on reconduit le budget 2024, il y a des projets de l’année prochaine qui ne pourront pas être exécutés »

L’ancien maire de Mbacké insiste sur l’importance du respect des délais budgétaires, particulièrement en raison du passage du Sénégal à un budget-programme, planifié sur trois ans. Il avertit que reconduire le budget de 2024 pourrait gravement perturber les projections pour l’année suivante. « Souvent les gens oublient que nous ne sommes plus dans le plan de budget à crédit. Nous sommes dans les budgets-programmes. Le budget programme c’est un budget qui est calé sur trois ans avec une possibilité de glissement. Avant les ministères avaient des crédits utilisés annuellement. Maintenant c’est dans un programme triennal qu’on établit un budget. Si par exemple la loi de finances prévue pour 2024-2025 est de 6500 milliards, et que la loi des finances de 2024 est de 5533 milliards, reconduire le même budget faussera la programmation de l’année prochaine car les prévisions pour 2025 sont différentes des dépenses engagées en 2024. S’il reconduit ce budget, il y a des projets de l’année prochaine qui ne pourront pas être exécutés. Le budget de l’année prochaine peut être largement supérieur à ce qui était prévu en 2024 » ajoute le parlementaire. Il insiste sur els conséquences potentielles d’une dissolution qui pourrait obliger l’État à fonctionner avec un budget inadéquat, mettant ainsi en péril la réalisation de projets essentiels.

« Le contexte n’est pas favorable à la perspective de gouverner par ordonnance »

Concernant l’éventualité de gouverner par ordonnance en cas de dissolution de l’Assemblée, Serigne Abdou Mbacké Ndao est catégorique sur les limitations afférentes : « Le contexte n’est pas favorable à la perspective de gouverner par ordonnance. Souvent les gens oublient que le budget programme a des contraintes et laisse une faible marge de manœuvre à l’État du Sénégal pour pouvoir utiliser cette possibilité » note Abdou Mbacké Ndao.  Il insiste sur l’importance de respecter les cadres institutionnels existants, même en période de crise, afin d’éviter des déséquilibres budgétaires et politiques.

« Il est possible d’économiser 116 milliards en rationnalisant les services de la Présidence »

Serigne Abdou Mbacké Ndao propose également des solutions pour une meilleure gestion des finances publiques, en ciblant des économies possibles au niveau de la Présidence. Selon lui, une rationalisation rigoureuse permettrait d’économiser un peu plus de 23 milliards de francs Cfa par an, soit environ 116 milliards sur 5 ans. Il évoque plusieurs structures de la Présidence, telles que la Délégation générale de l’entrepreneuriat, la Délégation générale au renseignement, le Programme d’Appui aux services de la présidence, le Bureau opérationnel de suivi du Pse (fraichement dénommé Bureau opérationnel de coordination et de suivi des projets et programmes)) et l’Agence nationale pour la promotion des investissements et des grands travaux (Apix). Ces structures précitées dit-il, cumulent plus de 23 milliards de francs Cfa par an.  Déplorant une « superposition fonctionnelle », Abdou Mbacké Ndao critique également la prolifération d’agences étatiques dont les missions se chevauchent. Il propose une réduction drastique de leur nombre pour améliorer l’efficience de l’État : « Lors de mes recherches, j’ai dénombré 42 agences. La majeure partie de ces 42 agences fait la même chose que d’autres structures de l’Etat. Cette superposition fonctionnelle des agences pouvait être rationalisée. On pourrait supprimer ou mutualiser tout cela pour garder 8 ou 9 agences dynamiques avec un fort impact dans la production administrative et des économies consistantes pour l’État » déclare-t-il.

«  Le président de la République n’est pas propriétaire du Sénégal  »
 
Dans un autre registre, Serigne Abdou Mbacké Ndao invite le Président de la République à adopter à l’avenir une démarche plus fédératrice, pour ne pas dire participative. « Le président de la République a été élu diriger le Sénégal, cela ne veut pas dire qu’il est le propriétaire du Sénégal. Il doit parler avec les institutions avec qui chemine en prenant en compte l’intérêt général des populations. Il est au-dessus de tout, il doit parler à tout le monde pour qu’il y ait une issue heureuse, pour pouvoir vraiment régler certains problèmes que nous sommes en train de vivre » déclare-t-il.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here