Le train va siffler à nouveau entre Thiès et Touba à l’occasion du grand magal. En voilà une belle perspective à laquelle l’opinion entière devrait se réjouir. D’abord, parce qu’il est temps que le train dessert toutes les localités du Sénégal pour le bonheur de milliers de passagers. Ensuite, parce qu’avec le lot d’accidents habituels au magal, le train est un espoir de voir l’hécatombe se réduire.
Et pourtant, ce démarrage du train suscite plus méfiance, crainte et interrogation. Jusqu’à récemment, les autorités n’avaient jamais annoncé une date précise de la reprise des rotations du train. L’opinion s’attendait logiquement à une mise en circulation au plus tôt en 2024. Mais voilà qu’un beau jour, le régime de Macky Sall annonce le départ du train à l’occasion du magal.
A grand renfort médiatique, le gouvernement, en particulier, le ministre des transports Mansour Faye s’échine à convaincre sur le fait que le train est fonctionnel et peut drainer des milliers de voyageurs vers la cité de Bamba. Et pourtant, dans l’édition de ce jour du quotidien Besbi, les techniciens se montrent sceptiques, malgré les assurances des autorités. Ceux qui se sont confiés au journal soulignent que si les locomotives sont nouvelles, il n’en demeure pas moins qu’une partie des rails ne répondent pas aux normes. Le magal sera donc le test grandeur nature !
Or, il n’est point besoin d’être un expert pour savoir qu’on ne teste pas une infrastructure de ce type par une forte affluence. Le risque est donc grand et il n’est pas évident que le jeu en vaille la chandelle. Mais avec ces politiciens, rien n’est de trop pour séduire l’électorat mouride. Même au prix de leur sécurité ou de leur vie. Hélas !
Voir Mansour Faye à bord du train pour dire que tout est ok n’a rien de particulier au Sénégal. Des images de ce genre, les Sénégalais en ont vu à la pelle et au plus haut niveau de l’Etat. En février 2012, l’ancien président Abdoulaye Wade a débarqué l’avion présidentiel sur le tarmac de l’aéroport Blaise Diagne. A l’époque, c’est à peine si l’infrastructure était achevée à 70%. Il aura fallu attendre 6 ans après ce premier vol, pour que l’aéroport soit fonctionnel et inauguré le 7 décembre 2017. Entretemps, le groupe Saudi Binladin a été expulsé des chantiers suivi d’un atterrissage des turcs, Summa-Limak, en 2016.
Une fois devenu président, Macky Sall va pousser jusqu’au cynisme cette logique d’inauguration politicienne au mépris des avis et règles techniques. Candidat à un second mandat, Macky Sall va inaugurer le Ter le 14 janvier 2019. Deux ans plus tard, le lundi 27 décembre 2021, il inaugure à nouveau ce même Ter. Inauguration électorale en 2019 contre inauguration républicaine en 2021.
C’est d’ailleurs dans ce contexte électoral de 2019 que le pont dit de l’émergence a été inauguré, alors que le chantier n’était pas terminé. Dans cette même logique, l’inauguration du pont de la Sénégambie (farafenni) a eu lieu, sans que l’infrastructure ne dispose de rampe d’accès. Les camions ont dû attendre des mois après pour avoir droit à y accéder. Ces quelques exemples sont assez illustratifs de ce qui est devenu une règle chez Macky Sall.
Voir donc son beau-frère de ministre Mansour Faye faire pareille n’a rien de surprenant. A une différence de taille cependant. En effet, contrairement à toutes ces infrastructures citées, il est question ici de convoyer des milliers voire des dizaines de milliers de personnes. Le risque est donc énorme. Le moindre déraillement pourrait s’avérer catastrophique soit pour les victimes, soit pour l’image du régime déjà suffisamment écornée.