Les troubles psychiques touchent une bonne partie de la population. Ils peuvent être anxieux, dépressifs, bipolaires ou schizophréniques. Médecin psychiatre et enseignant à la faculté de Médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), le professeur Papa Lamine Faye fait le diagnostic de ces maladies psychiatriques, non sans livrer leurs thérapies.
C’est connu ! Une maladie psychiatrique est une maladie qui interagit sur l’équilibre psychologique de la personne. Généralement, elle peut entrainer des troubles du comportement qui font que la cible ne s’adapte plus à son environnement, mais surtout, elle n’interagit plus de façon efficace avec les gens avec qui elle vit.
«Au sein d’une famille, on voit quelqu’un qui a de l’agitation, qui se met à délirer. Il croit à quelque chose qui n’existe pas. Et ces délires peuvent être alimentés par des phénomènes perceptibles qu’on appelle des hallucinations. A partir de ce moment, son comportement est perturbé, de même que son adaptation à son environnement», a expliqué le professeur Papa Lamine Faye.
Médecin psychiatre et enseignant à la faculté de Médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) il soutient que le déficient mental communique très difficilement. Donc, la famille n’a pas d’autre alternative que de l’emmener à l’hôpital pour une consultation. Là, le spécialiste peut décider de l’hospitaliser ou bien de le suivre avec des médicaments très spécifiques, qui permettent de ramener son état à la normale.
Sur ce, le docteur est revenu sur les types de maladies psychiatriques. D’emblée, il a précisé qu’ils ont des caractères aigus (qui durent moins de six mois), chroniques (au-delà de six mois). «Nous avons ce qu’on appelle les psychoses. C’est quand le sujet perd le contact avec la réalité. Il y a aussi les maladies névrotiques ; c’est quand le sujet, en général, a conscience de sa maladie. Il y a quelque chose qui pose problème dans son comportement, son vécu. Il est en train d’en souffrir et il prend le courage d’aller se faire consulter. Les autres peuvent ne pas s’en rendre compte, mais lui oui. Il va aller se consulter, parce qu’il sait qu’il a un problème», dit-il.
A côté de cela, il y a des troubles qu’on voit régulièrement et qui sont très médiatisés : ce sont les troubles bipolaires, de rumeurs. Ce sont des personnes qui, quand elles font des crises, elles alternent des épisodes de dépression et d’excitation, entre desquelles il y a des périodes de relative-stabilité où le sujet mène sa vie tranquillement», a-t-il énuméré.
«Le surmenage peut être la porte d’entrée des maladies psychiatriques»
Toujours dans ses explications, le Pr. Papa Lamine Faye fait remarquer que le surmenage n’est pas à proprement parler une maladie psychiatrique. «Mais, signale-t-il, il peut être leur porte d’entrée».
«C’est-à-dire, quand vous sollicitez de façon excessive le cerveau qui ne dort plus, qui ne récupère plus, à un certain moment, on fait un surmenage intellectuel. Donc, on ne parvient plus à se concentrer ; on a des difficultés à retenir ce qu’on apprend et, du coup, cela génère une très grande souffrance», explique le spécialiste.
«Par exemple, c’est un étudiant qui a passé des nuits entières à travailler sans récupérer, à se doper avec de la caféine ou autre chose. Le cerveau a du mal à fonctionner. Il ne répond plus aux sollicitations. La personne a des troubles de la mémoire. Et à chaque fois qu’un effort intellectuel est fait, la crise peut apparaître. Le sujet est en souffrance et il a besoin de s’arrêter», renseigne le médecin.
Par ailleurs, les types de traitement dépendent de la maladie, car il y a des troubles de la personnalité qui ne sont pas des maladies de cette catégorie. Et que ce sont des perturbations dans le fonctionnement psychologique de la personne. Mais toutes ces entités ont un traitement assez spécifique qui va de la psychothérapie à la chimiothérapie et, parfois, on allie les deux.
«Quand, je parle de chimiothérapie, il y a des maladies comme les psychoses qui ont besoin de prescription médicamenteuse pour faire disparaître le délire, les hallucinations. Il y a des maladies qui ont besoin d’une psychothérapie, c’est-à-dire la personne a besoin d’être accompagnée, parce que sa façon aussi de percevoir la réalité est distordue, complètement erronée. On a tendance à avoir des interprétations négatives, à verser dans la paranoïa. Donc, la cible a besoin d’être écoutée, réorientée, être dans une relation thérapeutique assez solide, afin de retrouver l’équilibre», avance-t-il.
«Le taux de suicide est extrêmement élevé chez les dépressifs»
Pour l’homme de l’art, une personne qui est confrontée à un deuil difficile ou déstabilisé dans son équilibre, peut avoir un problème de santé mentale. Elle peut perdre son emploi, avoir des difficultés conjugales ou subir une incarcération. Bref, toutes les situations de la vie qui interpellent cette personne et qui dévorent ses capacités de défense.
Cependant, le Dr Faye avertit : «Généralement, nous évitons le terme folie, parce que c’est un terme qui est connoté négativement. Mais c’est quelqu’un qui ne reste pas avec la famille, il se met à errer dans les rues, qui ne prend plus soin de lui. On dit que cette personne verse dans la folie. Nous, on parle simplement de maladie et on essaye de la catégoriser, de la mettre dans un registre précis qui permet de voir la bonne démarche sur le plan thérapeutique.»
A propos de la tranche d’âge, il soutient que c’est souvent les sujets jeunes que ces maladies touchent le plus. Ils sont âgés entre 15 et 35 ans. Ils font fréquemment de pathologies psychiatriques, parfois même c’est de la schizophrénie. «Parce qu’il y a toujours des facteurs de risque pour les maladies mentales comme la drogue, les évènements de la vie. Il y a énormément de stress autour de nous, des chocs psychoaffectifs. Le risque de prendre la santé mentale est élevé», a-t-il signalé. Non sans indiquer que les dépressions sont multiples et variées. Et les plus graves rentrent dans le cadre des troubles bipolaires et ces formes de dépression peuvent provoquer un suicide.
«Le taux de suicide est extrêmement élevé par rapport à cette pathologie. Mais, de façon générale, une dépression arrive quand le sujet a perdu quelque chose, soit de façon réelle, soit de façon symbolique, comme perdre un être cher ou sa liberté. Toute situation de perte peut provoquer une dépression. C’est un sentiment de découragement, du pessimisme», avance le professeur.
Avant de poursuivre : «On a une vision de l’existence qui est très négative. On est triste tout le temps. On n’a plus envie de manger. On dort peu ou quand on dort, on se lève très tôt. Ou bien on dort, on se réveille et on ne se sent pas du tout reposé. On a du mal à se projeter dans l’avenir. On ne voit plus la vie en rose. Il y a des dépressions où c’est le facteur psychologique qui prédomine, comme lorsqu’on échoue à un examen, on peut faire une dépression. Tout dépend aussi de la structure de la personnalité.»
«Le coût d’un antidépresseur coûte plus de 10 000 F CFA»
En outre, il faut casquer fort pour se faire bien traiter et sur une courte durée. L’enseignant à l’Ucad s’explique : «Pour le coût du traitement médicamenteux ou le suivi, cela dépend du pouvoir d’achat de chacun. Je pense que ce sont des choses que les médecins prennent en compte dans leurs prescriptions. Les antidépresseurs ne sont du tout pareil, mais généralement, ceux qui sont plus efficaces et qui ont moins d’effets secondaires coûtent plus de 10 000 F CFA. Donc, pour une personne qui n’a pas beaucoup d’argent, qui vit un peu dans la précarité, cela peut être difficile, surtout que ce sont des traitements qui peuvent durer plusieurs mois.»
Plus loin, le Pr. Papa Lamine Faye assure que pour la durée, c’est comme dans toutes les pathologies médicales : il y a des maladies aiguës et d’autres qui sont chroniques. «Le premier cas, il peut guérir rapidement, mais pour le second cas, cela peut durer plusieurs années et même toute la vie. Cela dépend dans quel registre on se situe. Il y a des gens, par exemple, ils vont faire un épisode psychiatrique, ça va être l’accident unique dans leur vie et ils ne le referont plus jamais. Un sujet jeune peut commencer à faire une maladie et cette dernière s’installe de façon chronique qui va rester toute la vie», affirme-t-il.
Lançant son message de santé publique, le médecin psychiatre fait savoir : «Quand on voit un sujet jeune qui commence à avoir des troubles du comportement, il faut rapidement l’emmener à l’hôpital, parce que plus le délai est long (entre le moment où les symptômes débutent et le moment il est mis sous traitement) plus c’est un sujet qu’on aura du mal à récupérer. Car même si après les symptômes disparaissent, on se rendra toujours compte qu’il y a quelque chose qui reste. Sur ce, j’en appelle à la précocité de la prise en charge de la consultation pour que le diagnostic puisse se faire à temps et le traitement aussi.»
Comme dit l’adage, mieux vaut prévenir que guérir.