Depuis le 25 mars, des associations de migrants subsahariens dénoncent sur les réseaux sociaux une vague d’agressions à leur encontre. Dans les quartiers de Kram et de La Soukra, au nord de Tunis, plusieurs ressortissants d’Afrique subsaharienne affirment avoir été agressés à l’arme blanche par des délinquants locaux. Ils réclament des mesures de sécurité de la part des autorités tunisiennes.
Des photos publiées depuis le 25 mars sur les réseaux sociaux montrent des migrants subsahariens ensanglantés et arborant un bandage sur le bras ou des compresses sur la tête. À en croire les légendes qui accompagnent ces images, ils seraient les dernières victimes d’une vague d’agressions “ciblées” contre les ressortissants des pays subsahariens qui vivent notamment dans les quartiers de La Soukra et de Kram situés au nord de Tunis, la capitale du pays.
“Ici, on ne respecte par les migrants noirs”.
Nous avons réussi à joindre Amadou, un migrant malien installé à Dar Fadhal (La Soukra) depuis neuf mois et qui affirme avoir été agressé par des inconnus, envoyés selon lui par son bailleur, après avoir été jeté à la rue par ce dernier. Il raconte sa mésaventure : “C’était le vendredi vers 20 h. Le propriétaire est venu frapper à ma porte alors que je dormais. Il voulait vérifier l’état de propreté de l’appartement, notamment les fenêtres qu’il trouvait très sales. Mais je lui ai répondu que les fenêtres étaient déjà dans cet état à l’emménagement. Le ton est monté très vite. II a défoncé la porte et la bagarre a commencé. Il m’a porté plusieurs coups mais je ne me suis pas laissé faire. C’est à ce moment que des personnes munis d’armes blanches sont venus le défendre. L’un d’entre eux m’a cassé une bouteille vide sur la tête. C’est ainsi que je me suis retrouvé à l’hôpital. À mon retour, nous avons retrouvé nos affaires au dehors. Nous étions sept dans l’appartement dont un nouveau-né. Ici, on ne respecte par les migrants noirs. Ici, les bailleurs abusent de nous. C’est du racisme !”
Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, le propriétaire affirme que ce sont plutôt les hommes du quartier qui sont venus à sa rescousse pour le sauver des mains d’Amadou et de deux autres locataires qui le frappaient. “Je voulais juste voir si mon appartement était bien entretenu. Je pensais louer l’appartement à quatre personnes. Mais ils sont près de huit à l’intérieur. Je n’ai envoyé personne les agresser. C’est plutôt eux qui m’ont porté des coups”. Des cas d’agressions et de vols à l’arme blanche ont été aussi signalés du côté de Kram, avenue 5 Décembre, où habitent beaucoup de migrants subsahariens, attirés par les loyers modérés des logements.
“Ils avaient des couteaux et voulaient nous poignarder”.
Mamadou, un ressortissant ivoirien qui y vit depuis plusieurs années, affirme avoir été agressé avec son frère, lundi 29 mars, par des “Arabes” qui voulaient leur arracher leur téléphone. “Ils avaient des couteaux et voulaient nous poignarder. Heureusement, ils n’ont pas pu prendre nos téléphones. Nous avons l’impression que c’est seulement les Noirs qui sont agressés ou volés dans notre quartier. Chaque jour, il y a des agressions commises par des délinquants arabes dans les quartiers. Ils agressent hommes et femmes. Ils prennent nos portables, nos portefeuilles. Alors que ce n’est déjà pas facile de vivre comme sans-papiers en Tunisie. Nous sommes en colère.”
“Le fait d’être sans-papiers nous rend vulnérable face à ces différents abus.”
Contactée par la rédaction des Observateurs de France 24, Ange Seri Soka, président de l’Union des Ivoiriens de Tunisie, dénonce des agressions “racistes et ciblées” et une passivité des forces de sécurité. “Les agressions vis-à-vis des Subsahariens en Tunisie sont de plus en plus régulières. Nous recensons les cas d’agression tous les deux jours par des délinquants, des voyous. Et la police ne fait rien pour que cela change. Nous ne sommes pas en sécurité. Et ceux qui nous agressent jouissent d’une grande impunité. Du côté de Kram, les agresseurs sont très dangereux. C’est une injustice que nous subissons en Tunisie. Il n’y a pas de respect des droits de l’Homme. Personne ne respecte les ressortissants de la communauté subsaharienne ici. Et même les ambassades de nos pays ne nous défendent pas. Il y a beaucoup de sans-papiers entre nous. Il n’est pas facile d’avoir un titre de séjour régulier ici en Tunisie. Et cela nous rend vulnérables face à ces différents abus. Parce que beaucoup ont peur d’aller à la police pour se faire justice. Il faut que les autorités tunisiennes nous garantissent plus de sécurité parce que les migrants contribuent aussi au développement économique de la Tunisie.”
Nous avons contacté les commissariats de police des quartiers de Kram et de La Soukra mais ils n’ont pas répondu à nos questions.
En décembre 2018, Falikou Coulibaly, président d’un autre groupe ivoirien, l’Association des Ivoiriens en Tunisie, avait été poignardé mortellement pour un simple téléphone portable. L’agression avait suscité la colère au sein de la communauté des Africains subsahariens et avait provoqué une série de manifestations dans la capitale tunisienne.
Avec France 24 et Infos migrants