Une centaine de ‘’manifestants’’ déférés : Atmosphère de ‘’Pakétass’’ à la cave du tribunal de Dakar

La situation est intenable à la cave du Tribunal de Dakar, selon plusieurs témoignages. Pour cause : les manifestants déférés y sont parqués comme des animaux. Plongée dans l’enfer du « Pakétass » en plein tribunal.

« Une chaleur d’étuve, une odeur pestilentielle, une promiscuité animalesque », c’est avec ces éléments de description renversants que l’avocat, Me Khoureychi Ba raconte l’enfer insoutenable qui règne, depuis hier mardi 6 juin, à la cave du palais de justice de Dakar. Une centaine de manifestants arrêtés et déférés y croupissent en attente du traitement de leur dossier par le procureur de la République. La situation est inédite ! Des cellules bondées, des inculpés -dont des blessés plus ou moins graves arborant plâtres et bandages- entassés comme des sardines…ici on n’est pas loin du fameux « Pakétass » (paquetage) illustrateur de la surpopulation carcérale.

Durant toute la journée d’hier, les conditions de détention des manifestants interpellés font jaser au temple de Thémis. Auxiliaires de justice, avocats et magistrats sont tous consternés par cette situation infernale et ne s’en cachent point. « Ce qui se passe à la cave du tribunal de Dakar est exceptionnel. C’est tout simplement Inhumain » lâche, dépité, un auxiliaire de justice qui laisse exploser son amertume. « C’est le traumatisme chez toute personne qui voit comment les gens sont entassés. La cave n’a jamais été ainsi. Les gens s’entassent. Il fait chaud. Ça sent le moisi et l’humidité. Les jeunes hommes et femmes suent à grosses gouttes !  Je n’ai jamais vu autant de monde de ma vie, dans un environnement fermé », crache-t-il.

La cave c’est « Guantánamo »
Les avocats comme Me Khoureychi Ba qui ont pu faire un tour à l’intérieur de la cave, n’en reviennent pas. D’autres, la sensibilité à fleur de peau, n’ont pas pu retenir leurs larmes face à ce spectacle de désolation. « Je n’ai jamais vu ça. Et je n’ai pas pu retenir mes larmes lorsque je suis entrée dans la cave. La partie destinée aux femmes est remplie d’hommes en plus des violons. Les couloirs sont bondés. Certains sont debout, d’autres assis. Les femmes sont entassées à l’entrée. Si la prison est comme ça, c’est extrêmement grave », confie, dévasté, un avocat.

Un de ses confrères qui a requis l’anonymat assimile la situation actuelle de la cave “à la prison militaire de haute sécurité située sur la base navale américaine de Guantánamo, dans le sud-est de Cuba”, où des prisonniers de guerre (des djihadistes pour la plupart) sont détenus dans des conditions inhumaines. Beaucoup de Sénégalais venus s’enquérir de la situation de leurs proches arrêtés, rouspètent : « Il n’y a que des innocents dans la cave. Des gens qui n’ont rien à voir avec ces manifestations».

Un point de vue que ne partage certainement pas le doyen des juges Oumar Maham Diallo qui a inculpé et placé sous mandat de dépôt 11 personnes poursuivis pour incendie volontaire et acte de nature à compromettre la sécurité publique. Ce mercredi également, le successeur de Samba Sall a aussi envoyé 19 personnes dont 9 jeunes, souffle une source. Leur tort a été de s’être trouvés au mauvais endroit au mauvais moment. Du moins, d’après leur avocat qui est revenu sur les faits : « ils ont été trouvés dans leurs habitats de fortunes et arrêtés comme ça. Ils ont été envoyés en prison mais nous allons voir comme les sortir de là ».

Le doyen des juges Maham Diallo bouleversé

Le dossier le plus bouleversant c’est sans doute celui de Modou Fall Diakhaté. Le jeune homme a reçu plus de trois balles à blanc des FDS. Attendant à la cave comme tous les autres interpellés, c’est un peu après 20 heures que le doyen des juges s’est penché sur son cas, nous confie une source. Le patron du premier cabinet s’est lui-même déplacé à la cave puisque le mis en cause ne pouvait pas monter au bureau du juge à l’étage.

Devant le doyen des juges, Modou Fall Diakhaté a déclaré avoir été arrêté alors qu’il revenait de la mosquée de Poste Médine. « Il dit avoir été intercepté par les policiers qui l’accusaient de faire partie des manifestants. Il a nié. Il a dû résister et s’est retrouvé avec ces blessures par balle», raconte une source judiciaire qui ajoute que ses explications ont convaincu le juge et ce dernier lui a accordé une liberté provisoire. Notre source raconte d’ailleurs que le doyen des juges a pu constater les conditions insoutenables dans lesquelles les manifestants sont gardés dans la cave. Cette situation l’a profondément bouleversé, confie-t-elle.

Si Modou Fall Diakhaté a bénéficié de la clémence du juge, d’autres qui espèrent la même faveur devront garder leur mal en patience puisque les dossiers passent au compte-gouttes. En attendant leur tête-à-tête avec le juge, ces dizaines de prévenus devront d’abord faire face aux interminables retours de parquet.

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