Une grammaire pour comprendre les crises et conflits

Le géographe Lat Soucabé Mbow, professeur des universités, vient de publier aux Presses universitaires un ouvrage intitulé «Géopolitique – Une grammaire pour comprendre les crises et conflits» (349 pages), dans lequel il fait une radioscopie visant, dans l’analyse, à «avoir les faits clairs sur les faits géopolitiques, de disposer de certains». «Le contenu de cet ouvrage donne une synthèse de ce qu’il importe de connaître sur les rubriques suivantes : les doctrines géopolitiques connues ; les entités impliquées dans des rapports de rivalité… ; les enjeux qui opposent les acteurs (frontières, ressources économiques, enjeux environnementaux et cultuels) ; la guerre comme mode de résolution des conflits (guerres militaires et civiles, «guerres» de l’ombre) ; les conditions de l’instauration de la paix et de la société collective», écrit l’auteur dans l’avant-propos.

Le professeur Mbow souligne qu’en privilégiant l’approche analytique sur la présentation factuelle, «le livre se propose de présenter la géopolitique dans son épaisseur, en intégrant les apports de plusieurs disciplines des sciences sociales et humaines». «Il veut rompre avec la tendance cherchant à la réduire à un récit grand public qui met l’accent sur la forme dramaturgique des événements et les prises de position des acteurs les plus charismatiques», précise-t-il, ajoutant que l’ambition est d’offrir au lecteur une autre – mais certainement pas la première – grammaire de la géopolitique, c’est-à-dire un ensemble d’outils cognitifs permettant, en définitive, de comprendre les ressorts sur lesquels repose la marche du monde au lieu d’une narration de faits contingents.

Lat Soucabé Mbow expose une méthode d’analyse de l’évènement géopolitique, dont le but est de «pouvoir décrypter un conflit pour en indiquer soit l’issue dans une optique prédictive, soit la signification et les leçons apprises ou à apprendre des événements présentant la forme de cas d’école». À ce sujet, il relève que l’analyse du conflit peut obéir à «une demande émanant d’une autorité étatique faisant face directement ou indirectement à une situation de crise dont la compréhension exige une expertise destinée à une prise de décision», être «commanditée par un acteur économique désireux de se renseigner par exemple sur les risques qu’une crise de forte intensité ou ayant un caractère systémique fait peser sur ses activités», ou se justifier par «le besoin de produire de la connaissance sans un but utilitaire».

Dans les trois cas, poursuit-il, «l’exercice ne se limite pas à la narration d’une histoire passée ou écrite au présent», ajoutant : «Outre l’éclairage sur les différents épisodes du conflit, il importe de se placer en surplomb et de la trivialité d’un compte rendu descriptif pour adopter une attitude critique en réduisant autant que possible les biais liés aux débordements de la subjectivité. L’essentiel est de parvenir, à travers les péripéties, à faire apparaître la signification des faits généralement enchevêtrés et à première vue frappés d’incohérence».

Dans son argumentaire, l’auteur parle de la grille de lecture : «le procédé le plus simple pour démêler la complexité d’un événement géopolitique (étant) d’essayer de répondre aux questions suivantes : où, quand, qui, comment, pourquoi ?», en relevant, pour cela, le lieu du conflit (l’emplacement géographique, les caractéristiques naturelles, le contenu humain, les ressources disponibles, la gouvernementabilité), des acteurs (leur nombre, la place et l’identité dans leurs représentations, l’histoire des ethnies entre elles ou des groupes d’acteurs entre eux, les alliances nouées par les acteurs dans le conflit). L’auteur cite également les causes du conflit (les revendications – l’apparent – les intentions – l’implicite), la nature des enjeux (axiologique, économique, politique), les stratégies des acteurs (phase inaugurale, phase active, phase de règlement), l’ampleur du conflit (bilan de la situation post-conflit : les changements, leçons tirées d’un conflit).

Avant de proposer des annexes (liste des cartes, graphiques photos tableaux), Lat Soucabé Mbow estime, dans sa conclusion, que «tel qu’il fonctionne depuis un siècle, l’ordre international réussit à assurer une stabilité certes précaire, mais contrôlable dans une large mesure». «Il n’a pas encore instauré la paix qui transcende un simple équilibre des forces entre des entités géopolitiques», écrit-il, relevant que la paix est «un idéal dont la réalisation repose avant tout sur les vertus individuelles et un ordre public maintenu par les normes de la gouvernance de droit».

 

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