Une grosse duperie du siècle autour des ressources nationales (Mamadou SY Albert)

La majorité politique laisse croire à l’opinion publique nationale que les ressources du Sénégal appartiennent aux Sénégalais. C’est le versant du discours patriotique pour rassurer les citoyens de la ferme volonté politique de gérer autrement, ce qui appartient à toutes les composantes de la Nation. Consciemment ou non, les responsables politiques au pouvoir, sont en train de semer une grosse illusion dans les esprits des citoyens.

La gouvernance économique et politique mondiale actuelle, impulsée par les multinationales et les États les plus puissants du monde, acquis aux règles et aux normes de fonctionnement du système capitaliste, s’inscrit dans une trajectoire antinomique au patriotisme ambiant. Une grosse duperie du siècle autour d’une souveraineté imaginaire se dessine à l’horizon de l’exploitation future du pétrole, du gaz et des autres énormes richesses sous terre.

Le Sénégal sera un pays producteur du pétrole, du gaz dans quelques années. Une première dans l’histoire du pays. Cet évènement est très attendu par les citoyens sénégalais. Il tournera la page multiséculaire d’un pays spécialisé dans la production et la commercialisation de l’arachide. La prochaine entrée dans l’univers des pays producteurs de ces liquides si précieux se conjugue à un nouveau discours patriotique des responsables politiques du parti présidentiel et de ses alliés.

Ce discours est construit autour d’une volonté politique de faire croire au peuple que les ressources nationales appartiennent au peuple. L’idée fait son cheminement nationaliste et pénètre dans la conscience collective et individuelle des Sénégalais. Tous croient mordicus que les ressources nationales seront en priorité au service des besoins des populations. On peut comprendre ce message dans le contexte de la controverse au sujet de la souveraineté nationale en matière de gouvernance des biens communs, singulièrement du pétrole et du gaz.

La mondialisation de l’économie est un fait établi. Il suffit simplement de prendre quelques exemples des télécommunications, de l’exploitation de l’énergie, de l’eau, pour se rendre à l’évidence de la prégnance du marché international. Ce sont des multinationales qui ont fini par s’accaparer de la gestion de ces secteurs stratégiques relevant du reste du domaine de la souveraineté et de la sécurité des États et des Nations.

Ceux qui ont les équipements techniques, les moyens financiers souvent colossaux – plus importants que les États et leurs sous-capacités à répondre aux règles et normes mondialisées dans l’exploitation de ces secteurs – contrôlent toute la chaîne de la recherche, de la production, de la commercialisation. Ils rapatrient des sommes colossales sous le nez des États réduits à la régulation du marché de l’exploitation des richesses produites localement.

Le pétrole et le gaz constituent un autre secteur soumis à l’influence et au contrôle des multinationales. Bien des pays producteurs de ces liquides précieux sont contraints de subir le diktat international depuis des décennies et des décennies. Les inégalités, l’injustice et la misère sociale sont souvent des corollaires de l’exploitation de ces richesses. Comment alors comprendre que les autorités sénégalaises, suffisamment averties de la logique du marché international du pétrole et du gaz et de la gouvernance de l’économie mondialisée, puissent faire croire que les ressources nationales du Sénégal appartiennent au peuple du Sénégal ?

On peut admettre que ces biens établis dans le territoire national appartiennent au Sénégal et à son territoire. Cette appartenance territoriale est symbolique pour des raisons simples. L’État du Sénégal n’a pas de moyens techniques pour faire des recherches, encore moins les capacités techniques et financières pour exploiter et commercialiser ces gisements. L’euphémisme de ce discours patriotique ambiant, acquis en réalité à la cause des multinationales, obéit à une logique de manœuvre politicienne autour d’une souveraineté et d’une propriété populaire et citoyenne imaginaire.

Une approche patriotique véritable de la gouvernance des ressources est pourtant possible, bien nécessaire et fort souhaitable. Elle consisterait à nationaliser les ressources nationales et à les faire exploiter par l’État se transformant en un acteur majeur de l’exploitation des ressources nationales, le patronat national, les organisations des travailleurs et les acteurs non étatiques du développement endogène. Ce patriotisme économique et politique ne mettra point les ressources du Sénégal entre les mains des multinationales, en raison du fait que ces entreprises ne sont guère dans une œuvre de charité. Elles sont préoccupées non pas par le développement endogène, mais par la rentabilité économique et le transfert rapide des profits des exploitations de “nos” ressources nationales.

 

 

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