Vacances scolaires: l’éternel casse-tête des parents

Les derniers sons de cloche ont sonné pour les enfants depuis quelques jours. C’est parti pour trois mois de vacances scolaires. Certains élèves sautent de joie, détruisant honteusement tout sur leur passage, juste à l’idée de ne plus aller à l’école pour acquérir le savoir. Pourtant, ils devraient plutôt être préoccupés par le calvaire qui les attend dans leur quartier. En tout cas, chez les parents, les grandes vacances constituent un casse-tête dans un pays où l’espace de distraction est quasi-inexistant.

Entre le réveille-matin, les longues journées de classe, les devoirs et les activités parascolaires, les enfants sont parfois soumis à de rudes épreuves au quotidien pendant l’année scolaire. Les vacances scolaires sonnent donc, pour eux, comme un moment de soulagement. Ils y sont depuis quelques jours voire des semaines. Mais si les petits écoliers sautent de joie à l’idée de raccrocher leurs sacs pendant les vacances et de souffler un peu, pour les parents, c’est une autre histoire. Pour cause, gérer les enfants en plein temps peut s’avérer fatigant et stressant, a fortiori quand les deux parents travaillent. Nombreux sont les parents qui ne savent pas où donner de la tête car ils cherchent de quoi occuper leur progéniture. Ils sont confrontés à de véritables cas de conscience.

C’est le cas de Khady Diop. « J’ai deux filles âgées de 8 et 10 ans. Pour le moment, je ne sais pas encore quoi faire car, je travaille tous les jours de même que leur père. Pendant l’année scolaire, c’est la bonne qui les gérait, mais là, elle doit partir pour la Tabaski et va rester au village pendant deux mois. Ça me tracasse vraiment», argue la comptable de profession. Khady Diop pense à se tourner vers ses parents qui vivent hors de Dakar mais hésite encore. « Mes parents sont âgées. Si j’emmène mes filles chez eux, je vais juste les fatiguer à cause du bruit et personne ne va s’occuper d’elles. Je suis en train de voir en tout cas », lance-t-elle, dépitée. Quant à Ousmane Sow père de famille résident à Scat Urbam, sa décision est prise depuis longtemps.

ENTRE ECOLES CORANIQUES, LES GRANDS-PARENTS ET LOISIRS…

«Trois mois de cris et de bruits, c’est parfois insupportable. J’ai déjà inscrit mes garçons dans une école coranique tout près de chez moi. Là, ils ont même commencé les cours parce que je ne veux pas non plus les laisser trainer dans la rue », dit-il. Comme la comptable, il en est de même pour Ndéye Touré. Mère de deux garçons qui faisaient la classe de CP ET CE2, cette habitante du quartier des HLM trouve comme alternatif d’amener ses enfants au «daara». Elle explique : «HLM est un quartier populaire. Il faut bien s’occuper des enfants sinon c’est la rue. Je les ai déjà inscrits dans un daara et ils ont commencé les cours du matin au soir. Je ne peux pas les laisser ici toute la journée dans la maison».

Chez la famille Tall dans le quartier Scat Urbam également, pendant les vacances scolaires, il n’est pas question de laisser les enfants tournaient les pouces à longueur de journées. Mais ici, ce sont les grands-parents qui viennent à leur secours et se proposent de garder les enfants. « C’est vrai que je ne travaille pas à temps plein mais je préfère envoyer les enfants chez mes parents dans la banlieue de Dakar pour que nous puissions reposer un peu, mon mari et moi car làbas, il y a d’autres enfants et ils pourront jouer ensemble», nous dit Madame Tall. Elle ajoute : « ils sont tellement turbulents que s’ils passent la journée sans rien faire dans la maison, c’est la catastrophe. Mais je leur fais venir les weekends pour qu’on en profite. Parfois, je planifie des sorties et des visites dans quelques lieux, de quoi les rendre le sourire ». Les vacances sont également pour certains parents une occasion de passer de bons moments avec leur progéniture même si les choses se compliquent parfois.

Enseignante de profession, Madame Fall va en vacances en même temps que ses trois enfants. «C’est vrai qu’ils ne peuvent pas rester tranquilles mais c’est ma seule occasion de vivre pleinement avec eux et j’en profite vraiment», soutient-elle. Mais la jeune dame est fort consciente de la vigilance accrue qui est nécessaire lorsque les enfants ne sont pas à l’école. « C’est un grand plaisir d’être avec mes enfants mais il m’arrive vraiment d’être à bout parce qu’il faut les surveiller constamment surtout le plus petit. Ce qui est grave, c’est que quand je crie, ils se moquent de moi», fait savoir l’enseignante. N’ayant personne pour s’occuper de son enfant de 9 ans, Amy Diouf se voit dans l’obligation de l’emmener avec elle au marché Arafat de Grand-Yoff où elle vend des poissons. «Cela ne me plait pas, bien souvent, je n’ai pas le choix. Je ne peux pas le laisser seul à la maison. Je suis donc obligée de l’emmener au marché pour que je puisse travailler en toute quiétude», soutient-elle. Toutefois, ajoute-t-elle, «heureusement que je rentre vers 14 heures».

ENFANTS LAISSES A EUXMEMES

Au moment où des enfants sont occupés ou gardés à la maison pendant les vacances scolaires, il y en a d’autres qui sont laissés à eux-mêmes ou qui profitent du manque de vigilance de leurs parents. A Grand-Yoff par exemple, et comme dans plusieurs autres quartiers populaires, il n’est pas rare de voir des enfants déambuler dans la rue, avec tous les risques qui les guettent comme les cas de noyades dans les plages, d’accidents ou encore de disparitions. Des cas qui interpellent les parents à plus de responsabilité en cette période de vacances. Les vacances scolaires constituent donc un éternel casse-tête pour les parents qui cherchent à meubler le temps des petits et surtout qui s’en occupera lorsqu’ils sont au boulot. Pis, face à la montée des contaminations au coronavirus, il faut aussi veiller au grain.

VACANCES SCOLAIRES : Des enfants occupés aux petits métiers

Si pour certains élèves, les vacances scolaires sont un moment de repos et de détente, pour d’autres, il s’agit d’un laps de temps pour s’adonner au petit commerce ou d’apprendre des petits métiers pour mieux préparer la rentrée prochaine.

Il est 15 heures au «garage Guédiawaye» de Dakar en allant vers le marché HLM. L’ambiance de la préparation de la Tabaski se fait sentir, à travers la foule et les vas-et-viens. On aperçoit une jeune adolescente du nom de Fatou devant la route, tenant un seau contenant de sachets d’eau. Soudain, un taximan, au milieu des embouteillages, lui fait signe sans se garer. Elle se faufile entre les véhicules et lui remet deux sachets d’eau moyennant une pièce. Depuis une semaine, cette activité marque le quotidien de cette élève en CM2 qui vient tout juste de subir son examen d’entrée en sixième. Chaque jour, elle se pointe sur la route à la recherche de clients pour écouler ses sachets d’eau sur initiative de sa maman qui n’est pas loin et qui lui jette un coup d’œil par moment. Vendeuse de repas à son état, Amy Faye a habitué sa fille à l’activité depuis l’année dernière. Trouvée en train de laver les vaisselles, elle explique : « je travaille ici et puisqu’elle est en vacances, je viens chaque jour avec elle. Je lui donne des sachets d’eau à vendre C’est mieux que de rester à la maison et de ne rien faire ». Si la mère de famille a choisi de faire travailler sa fille, c’est pour préparer la prochaine rentrée scolaire. « C’est une façon pour les enfants d’apprendre à être responsables. Avec l’argent, je lui achète des fournitures scolaires et des habits », confie-t-elle.

Toutefois, Amy Faye dit surveiller sa fille face aux mauvaises tentations. C’est la raison pour laquelle elle lui demande de ne pas aller loin. « Je lui ai dit de rester là à côté de moi. Comme ça, je serai au courant de tout ce qui se passe », dit-elle. Elle a aussi fait savoir qu’elle a une autre fille âgée de 15 ans qui travaille comme bonne au quartier Ouest-Foire. Là-aussi, l’objectif est le même. « Avoir une occupation, se faire un peu d’argent et payer les fournitures scolaires », faitelle savoir. Autre lieu, autre activité. Au marché HLM, difficile de s’entendre à cause du bruit des couturiers. Pas de répit pour les tailleurs submergés par les commandes pour la fête qui s’approche. C’est d’ailleurs le fait pour lequel nous trouvons sur place Abdou Sèye. Elève en classe de sixième, il a accompagné son papa qui est tailleur. Ici, il est hélé de toute part pour de petits services. « Je l’ai emmené avec moi pour qu’il m’aide sur les petites choses comme aller acheter des boutons, de quoi manger, des garnitures mais aussi pour lui apprendre la couture », dit Serigne Sèye. Le père d’Abdou Sèye prépare déjà l’avenir de son fils. « On ne sait jamais ce qui va arriver. Aujourd’hui, c’est difficile de trouver un boulot dans le pays même si tu es diplômé. Donc, autant lui apprendre mon métier. Ou bien même au cas où il abandonnerait les études, il saura quoi faire même je ne cesse de l’encourager à poursuivre ses études », argue-t-il.

Abdou Cissé va donc saisir l’opportunité des vacances scolaires pour apprendre la couture. « Ça va me permettre de ne pas trainer dans la rue, me forger et ce métier peut me servir dans l’avenir», explique l’élève en classe de cinquième. En effet, si certains enfants sont laissés à eux-mêmes pendant les vacances scolaires, d’autres, par contre, sont occupés à faire les petits métiers même si parfois certains dénoncent le travail des enfants.

Actunet avec SudQuotidien

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