Le processus électoral, l’organisation d’élections libres et transparentes par une structure autonome, la loi électorale du parrainage et le respect du calendrier électoral républicain, ont été l’objet d’une controverse publique récurrente souvent violente entre le pouvoir et ses adversaires au cours du premier mandat présidentiel de 2012-2019.
Le dialogue politique amorcé, devrait naturellement traiter ces questions majeures de la démocratie pluraliste apaisée, après les résultats contestés de la dernière présidentielle de février 2019. Tout laisse croire que le pouvoir républicain a des intentions de détourner son opposition de ses batailles. Le report des élections locales de décembre 2019, constitue un aveu de taille qui annonce, entre ces lignes, un probable calendrier électoral taillé sur mesure aux épaules du Benno bokk yakaar.
Le dialogue politique est un exercice régulier dans le fonctionnement du jeu démocratique au Sénégal. Il constitue un héritage de la gouvernance du premier Président de la République, Léopold Sédar Senghor. Les successeurs de ce dernier, en l’occurrence, les Présidents Diouf et Wade, ont préservé ce legs. L’actuel chef de l’État poursuit et consolide cet esprit du dialogue républicain. La concertation entre le gouvernant et ses adversaires fait ainsi partie des règles établies de la démocratie pluraliste apaisée.
Le dialogue politique, syndical ou social est souvent le résultat de ce consensus qui obéit naturellement à la recherche consensuelle de solutions à des divergences significatives d’une gouvernance des affaires publiques. L’initiative du Président de la République en exercice, Macky Sall, de mener un dialogue politique avec son opposition et un dialogue national ouvert à toutes les composantes de la société, participe à un processus indispensable au renforcement de la gouvernance démocratique et à la recherche de sortie de crise de confiance entre le pouvoir et ses opposants.
Le chef de l’État a fini par accepter de renouer le fil du dialogue politique. Il semble de plus en plus évident que les questions au centre de la controverse publique, depuis sept ans, risquent de faire les frais de calculs partisans. Le dialogue politique tarde à apporter des réponses importantes aux questions urgentes touchant au processus électoral, à l’organisation des élections par une autorité indépendante autre que le ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique, la loi du parrainage fortement contestée dans sa conception, son équité et sa mise en œuvre. Le report des élections locales prévues en décembre 2019 à mars 2021 est, pour le moment, une des décisions-phares du dialogue politique, entérinée par l’Assemblée nationale hier.
Le dialogue politique, par essence destinée à trouver des solutions aux problèmes fondamentaux d’un scrutin libre, transparent et démocratique et son organisation, se focalise, consciemment ou non, sur la date des élections locales. Au-delà de la critique à l’adresse du gouvernement et du Parlement, du fait de la date approximative de la prochaine élection locale, il faudrait interroger les intentions réelles du maître du jeu. L’idéal aurait été de traiter tous les aspects liés aux élections au cours du deuxième mandat présidentiel, à l’organisation des élections, pour enfin, fixer un calendrier républicain soutenable. Le calendrier électoral républicain devrait être, dans le contexte actuel de controverses sérieuses au sujet des élections transparentes, une conséquence de la maîtrise du processus électoral, son organisation et son déroulement affranchi de toutes les influences partisanes et des calculs politiciens.
En mettant la charrue avant les bœufs, le gouvernement pourrait être tenté par un calendrier électoral à sa mesure et à sa taille. La majorité politique n’est point apparemment intéressée par des consensus politiques au sujet du processus électoral global et d’un calendrier électoral républicain. L’obsession du report des locales suggère, entre ses lignes, une volonté programmée de reporter de nouveau les élections des législatives ou dans le cas extrême, d’envisager des élections législatives couplées à la prochaine présidentielle de 2024. Certains partisans du régime distillent d’ailleurs cette hypothèse.
Ce calendrier présidentiel potentiel présente évidemment un avantage politique non négligeable. La majorité aura le temps de se préparer suffisamment en direction des Locales, des Législatives, de la Présidentielle et de créer les conditions de sa victoire écrasante. L’opposition participationniste au dialogue politique pourrait être alors clouée dans le débat national en cours, car il sera à terme, vidé de tout son sens et de ses enjeux. Et ce ne serait guère une première. Le classement sans suite des Conclusions des Assises de l’ancienne opposition au pouvoir libéral ou les Recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions du président Amadou Makhtar Mbow par le président de la République en exercice est un antécédent récent sous la seconde alternance. Les conclusions du dialogue politique ou national sont une chose. L’applicabilité des décisions en est une autre.