Ino, diminutif d’«Innocent», né le 10 mars 1977 à Yeumbeul, est décédé à l’âge de 28 ans au Pavillon spécial de l’hôpital Aristide Le Dantec, suite à une «insuffisance rénale pour laquelle il était hospitalisé depuis le 20 février 2004». D’autres langues à la prison parlaient de «mort par bastonnade à la Maison d’arrêt et de correction de Dakar». Abdou Konteh, de nationalité sierra-Léonaise, interpellé en juillet 2003 par la police des Parcelles Assainies, est aussi mort, pratiquement deux mois après Ino, alors qu’il était interné au même Pavillon spécial de Le Dantec. «L’homme à la Kalachnikov», souligne-t-on, a succombé à un «problème cardiaque». Les deux sont morts avant la tenue de leur procès. Mais comment ont-ils réussi à s’échapper de la prison de Rebeuss ? Surveillant-chef à l’époque à Rebeuss, Waly Mbodji, à la retraite depuis 5 ans, a la réponse. Il raconte que Ino l’avait une fois approché pour lui dire ses intentions de vouloir s’évader. «Comme on avait cette affinité-là. Il m’avait dit un jour mais grand, moi, je voudrais m’évader.» Ainsi pour en savoir plus sur les circonstances et conditions d’un tel projet, Waly Mbodji engage une conversation avec le détenu. «Je suis prêt à mettre de l’argent», proposa Ino. «De l’argent ?», demande le surveillant. «Oui !», répond-il. «Combien?», lui rétorqua son interlocuteur. Et la réponse suivit : «Je peux donner jusqu’à 250 mille francs Cfa.» Mais «je lui ai dit mais toi là, tu es malade. Si j’avais l’intention de te faire évader, au moins tu m’aurais remis 5 millions de francs Cfa pour que je puisse obtenir mon passeport et quitter le pays. Parce que toi là, celui qui te laissera évader, restera à ta place ici, en prison». Assis sur un banc dans un couloir du Palais de justice Lat Dior de Dakar, masque sur le menton, lunettes sur le front, entre des tirs de cigarettes, Waly Mbodji continue son récit. Et d’après lui, il a été muté par la suite à la prison du Cap Manuel après des problèmes avec le directeur de la prison d’alors. Avant son départ, dit-il, «j’ai eu à dire au chef du personnel, Issa Thioune, que vous êtes en train de m’affecter mais il y a des évasions très spectaculaires qui sont en train de se préparer.» Et de renchérir : «Il m’a dit ah bon, tu ne peux pas le dénoncer, j’ai dit non. Moi, je quitte la prison centrale, il y a d’autres surveillants, ils n’ont qu’à creuser leur méninge et en lui disant ça, je faisais allusion à Ino qui m’avait parlé de ses intentions.» Par contre, Waly Mbodj reconnait qu’il n’a jamais dressé de rapport sur cette affaire et qu’il n’en avait pas non plus parlé au régisseur, parce que se défend-il, «je sais que tant que nous sommes là, on pouvait déjouer ce jeu-là, parce qu’on avait une brigade très active».
«Il y avait une complicité»
Après son départ, Ino a réussi son plan. Comment ? Le surveillant principal de classe exceptionnelle déclare que le surveillant en service ce jour-là avait affirmé qu’il a été agressé par Ino alors qu’il les aidait à mettre de l’espace dans la chambre. Il l’a assommé avec un gros cadenas. Il s’est évanoui. Ino va ensuite enfiler l’uniforme du surveillant à terre et son béret pour s’engager au niveau du poste de police et menacer les éléments qui étaient de garde et «qui ont été très nonchalants à ce niveau-là». A l’époque, des langues avaient soutenu que la bande avait des complices au sein de l’administration pénitentiaire. «C’est sûr qu’ils avaient bénéficié de complices au sein de l’administration pénitentiaire», affirme Waly Mbodji. Ce dernier pointe du doigt également le sous-effectif à ce moment-là à la prison centrale. Selon lui, il y avait une brigade de 18 surveillants toutes les 24 heures pour plus de 1000 détenus. D’ailleurs, il fait savoir qu’il avait sonné l’alerte en adressant une correspondance à l’Assemblée nationale, en évoquant les problèmes tels que l’insuffisance du personnel et que la prison n’était pas bien sécurisée. «En général, les grands bandits savent comment s’y faire en prison. Ils ne sont pas là pour créer des problèmes. Ils sont très corrects avec le personnel, avec leurs codétenus. C’est pour vouloir s’effacer, pour être un peu oubliés», remarque M. Mbodji. Ino et les autres ont toujours été corrects, il n’a jamais fauté avec le règlement, n’a jamais manifesté d’indiscipline à l’égard des surveillants. J’ai eu à côtoyer Ino, on a eu de très bons rapports. C’était un garçon qui montrait de la nonchalance. C’était quelqu’un qui était très réservé. Il avait un air très intelligent et il entretenait de bons rapports avec tout le monde, ses codétenus et même le personnel de surveillance», témoigne l’ex-surveillant, M. Mbodji. Il avait commencé la prison, dit-il, depuis l’âge mineur, il n’avait pas encore atteint les 20 ans lorsqu’il faisait la prison du Fort B. Ino a été formé dans le banditisme par Banda Dabo, qui a plusieurs fois séjourné en taule. Ce dernier est toujours en prison à la suite du braquage du Crédit mutuel de Yeumbeul. Lorsque Ino était avec Banda Dabo, il a été arrêté et conduit au Commissariat central de Dakar, où il a réussi à s’échapper avant de se rendre en Belgique. Rapatrié, il forma (sa) propre bande avec les Alex, Abdou Konteh et autres.