Yaxam Mbaye : «Nous ne méritons pas Macky Sall, qui ne mérite pas toute cette pagaille»

C’est connu de tous, le Directeur général de la SSPP Le Soleil, membre du Secrétariat exécutif national (Sen) de l’Alliance pour la République (Apr), n’est pas dans la langue de bois, et surtout lorsqu’il s’agit de défendre son mentor,

le Président de la République, Macky Sall. Une fois encore, il a choisi d’aller au charbon après les déclarations de ses camarades sur «le troisième mandat» et les tensions au sein de l’Apr. Au regard de la tonalité et du contenu de cette interview exclusive qu’il a accordée à Libération, il est aisé de comprendre, sans nul doute, que le Président Macky Sall est loin d’apprécier le spectacle qu’offrent certaines figures de son régime aux Sénégalais.

Dans des situations moins ou tout autant tendues au sein de la majorité présidentielle, vous n’aviez pas hésité à vous exprimer. Cette fois-ci, on a senti une certaine réticence lorsque nous vous avons sollicité pour recueillir vos impressions sur les tensions non négligeables qui secouent votre famille politique. Pourquoi ?

J’aurais préféré ne pas m’exprimer par ce canal, le journal Libération, et dans ce contexte de polémiques stériles et vaines, mais préjudiciables à notre cause. D’une part, j’ai toujours eu une ligne de conduite en croyant que c’est gauche que je me serve de relai pour mes prises de position politiques d’un journal, Libération, auquel tout le monde m’identifie, parce qu’il est notre bébé ; finalement, j’ai cédé face à votre insistance. D’autre part, depuis quelques jours, constatant l’amplification de ces polémiques extrêmement nuisibles à notre cause, et sachant l’effet qu’elles font au Président de la République, j’avais été tenté de prendre la parole. Ensuite, j’y ai renoncé, en me disant que ça pourrait être perçu comme un effet aggravant. Mais, les choses ont empiré, sans que je ne m’en mêle. Mais, là, trop, c’est trop !

Vous semblez faire allusion aux propos tenus, mercredi soir, par le ministre d’Etat Mbaye Ndiaye, théorisant un troisième mandat pour le Président Macky Sall.

Le ministre d’Etat Mbaye Ndiaye est une très bonne relation. Je lui voue respect et considération pour, entre autres, la qualité de son compagnonnage avec le Président Macky Sall auprès de qui je l’ai connu en 2008.

Mais, ce qui est en jeu, aujourd’hui, est supérieur à nos deux pauvres personnes. Il a eu tort, et gravement, d’avoir dit tout ce qu’il a dit. Il n’a pas le droit de tenir de tels propos, et pour plusieurs raisons, mais, je n’en citerai qu’une, qui est fondamentale : lorsqu’on est à un tel niveau de responsabilité, dans la proximité directe d’un Président de la République, il faut apprendre à se taire, se garder d’émettre des opinions.

Cette sorte d’épidémie de diarrhée verbale qui nous a pris et nous poursuit, afflige et meurtrit le Président Macky Sall. Sur ce plan, à savoir l’impérieuse nécessité de la retenue en permanence, fondamentalement, je n’ai pas de grande leçon de bonne conduite à enseigner à Mbaye Ndiaye, car, il m’est arrivé de gaffer, de pécher par excès, en prenant position pour défendre le Président Macky Sall.

Mais, je peux affirmer avoir fait beaucoup d’efforts pour causer moins de gêne à notre leader, et ainsi me prévaloir de cet acquis pour dire, aujourd’hui, à mes camarades, responsables politiques de premier plan, que nombre de leurs prises de position sur certains sujets à polémique qui alimentent nos détracteurs, sont fâcheuses et catastrophiques.

Nous tous qui sommes dans la proximité du Président, nous devons avoir conscience que nous avons perdu, et tant que nous serons au pouvoir et à ses côtés, le droit d’exprimer nos opinions en public, en dehors des cadres dédiés. Parce que, lorsque nous ouvrons la bouche, tout le monde se dit : «C’est Macky Sall qui est derrière».

Alors, qu’il n’y est pour absolument rien, car, au premier rang des vertus du Président Macky Sall, figurent deux qui sont familières à tous ceux qui le pratiquent, femmes et hommes : d’une part, il a le verbe austère, n’est pas un bavard, même avec ses plus proches collaborateurs ; d’autre part, il n’est pas un couard qui se planque pour envoyer au charbon des seconds couteaux. Il est un chef et un vrai chef.

Il s’y ajoute qu’en ce qui concerne le ministre d’Etat Mbaye Ndiaye, sa posture est impardonnable à plusieurs égards : il a accès à celui qui l’a mis là où il est ; il sait pertinemment ce que pense le Président de cette opinion exprimée ; il a un lieu indiqué, le Secrétariat exécutif national, pour exprimer, face à ses autres camarades membres de cette instance de décisions présidée par le Président de notre parti, cette opinion qu’il n’a sans doute pas eue en entrant dans les locaux de la Tfm, mercredi soir ; il ne l’a pas fait, il y a quelques jours, lors de notre dernière réunion qui a duré plus de cinq tours d’horloge durant lesquelles moult sujets ont été débattus sous la présidence de notre leader.

J’ai entendu Mbaye Ndiaye dire dans cette émission : «Moi-même, j’ai des ambitions». Eh bien, je suis tenté de le renvoyer à Napoléon qui nous enseigne que «l’ambition dont on n’a pas les moyens est pire qu’un crime.» Autrement, lorsqu’on a des ambitions, on ne se planque pas derrière son bienfaiteur ou une façade pour les mettre en œuvre. Pourquoi toutes ces attitudes ambiguës, pour dire le moins, à l’endroit d’une personne qui ne cesse d’œuvrer pour nous mettre dans les meilleures conditions aux fins de lui être utiles et au Sénégal et aux Sénégalais ?

On vous sent dépité…

Je suis indigné. Les ambitions, les schémas et autres calculs n’autorisent pas tout cela. Absolument rien ne justifie que nous sciions la branche sur laquelle nous sommes tous assis.

Pourquoi ce bavardage intempestif qui nuit à notre Président, paralyse notre action politique, pollue nos rapports et projette, au niveau des opinions nationale et internationale, l’image d’une majorité qui serait une sorte de pétaudière ?

Je vais vous dire mon sentiment, et n’allez pas croire que j’exagère : nous ne méritons pas le Président Macky Sall ; il ne mérite pas tout ce qu’il subit de nos faits ; il ne mérite pas de subir, à longueur de sorties médiatiques, nos gaffes récurrentes qui sont autant d’insultes à l’intelligence des Sénégalais finalement amenés à nous mépriser.

Le 31 décembre 2019, au cours d’une excellente prestation médiatique, qui a laissé sans voix ses pires détracteurs, le Président Macky Sall s’est exprimé sur l’essentiel des sujets qui préoccupent ses compatriotes et a clairement explicité ses postures. Le débat devait être clos à notre niveau. Et libre à ceux qui s’opposent à nous de croire autre chose, c’est leur droit le plus élémentaire.

Mieux, il y a quelques jours, lors de la dernière réunion du Secrétariat exécutif national de notre parti, le Président Macky Sall a formulé de fortes recommandations : cessez le bavardage intempestif ; méfiez-vous d’être arrogants ; soyez solidaires ; vulgarisez mes politiques publiques et défendez-les avec intelligence et fermeté. Pourquoi ceux qui sont souvent muets comme des carpes lorsque nous sommes en Sen, sont les plus bavards au niveau des médias ?

Au finish, face aux spectacles que nous offrons aux Sénégalais, je me demande qu’est-ce qui nous arrive ou bien qu’est-ce qui arrive à certains d’entre nous ?

Car, faut-il le dire, l’écrasante majorité des nôtres qui s’est battue avec abnégation et courage pour élire et réélire Macky Sall, cette majorité constituée de militants et de responsables de base attachés au Président, elle est silencieuse et travailleuse, et pour la plupart délaissée par nous autres qui sommes dans la proximité de Macky Sall, bénéficiaires de tellement d’avantages et de privilèges, mais, acteurs permanents d’un cirque qui nous coûte cher ?

Manifestement, vous vous posez des questions avec inquiétude ?

Mais, qui serait dans ma posture, uniquement soucieux de la juste gloire du Président Macky Sall, et ne se poserait pas mille questions ? Le Président Macky Sall nous demande d’être solidaires. Mais, il suffit, par exemple, que des camarades ou alliés soient présumés – je dis bien présumés et non coupables – avoir mal géré des biens publics, que d’autres des nôtres se ruent devant les micros et caméras pour faire le travail de Ousmane Sonko : les lyncher. Ensuite, on apprend que certaines vérifications de tel corps de contrôle ne se sont pas déroulées dans les règles de l’art, parce que parfois les avis des mis en cause n’ont pas été pris en compte dans les rapports définitifs.

Le Président Macky Sall nous demande de cesser le bavardage intempestif et de nous méfier de l’arrogance, mais, nous provoquons une pollution sonore qui indispose les Sénégalais, et leur donne une perception négative de notre gouvernance.

Le Président Macky Sall nous demande de défendre son bilan avec intelligence et fermeté, mais, vous voyez, nous voyons, certains des nôtres défiler devant les médias pour débiter inepties sur inepties. Alors que l’humilité commande qu’ils se taisent parce que n’étant pas des sachants.

Mais, pour être juste, au chapitre des querelles politiciennes qui indisposent, Yakham Mbaye n’est pas blanc comme neige…

Jamais, pas une seule fois, on ne m’a vu ou entendu dans des postures attentatoires à

l’autorité du Président de la République, ou m’engager dans des querelles politiciennes au sein de notre parti pour tel ou tel camp. Je ne suis d’aucun clan et n’ai aucun autre patron que Macky Sall. S’il est ciblé, de l’intérieur ou de l’extérieur, je ne prends pas de gants et ne lui demande point la permission pour agir.

Certes, des fois, la forme, pour ne pas dire ma manière de m’y prendre, peut ne pas agréer certains et je le leur concède. Mais, dans le fond, je ne regrette aucune de mes prises de position, qui ont toutes le même fondement : donner un sens à mon engagement.

La vraie trahison consiste à user et abuser de tous les privilèges et avantages que vous procure une position de pouvoir grâce au Président Macky Sall, sans avoir le souci de partager avec des militants démunis, mais, être toujours prompt à dire des inepties qui portent préjudice à votre leader et bienfaiteur.

Je vais rebondir sur votre dernier propos pour aborder une autre affaire qui pollue ces derniers jours votre majorité : les attaques contre des «traîtres», en l’occurrence Mimi Touré et Amadou Bâ… (ndlr : il nous coupe)

Il faut arrêter !

J’invite mes jeunes frères et sœurs de parti qui se signalent dans ce cirque, à faire preuve d’intelligence et de raison, car, je ne doute point qu’ils en sont dotés, et surtout à se méfier de certains commanditaires. Je ne vais pas leur faire la leçon, je n’ai pas cette prétention, car je suis intimement convaincu qu’ils ignorent énormément de choses. Est-ce qu’ils se rendent compte qu’en tenant de pareils propos qui sont gros de théories fumeuses, ils se positionnent en authentiques fossoyeurs de l’image de notre Président, et non en défenseurs de ses causes ? Je m’explique…

Quels enseignements le moins initié des lecteurs, auditeurs, téléspectateurs peut tirer de leurs affirmations ? Que le Président Macky Sall ne tiendrait pas sa maison infestée par des comploteurs omnipotents. Qu’en somme, il est à l’image d’un chef faible. C’est ça défendre son Président, son leader ?

Le Président Macky Sall, par la force de son décret, a eu à faire de Aminata Touré son ministre de la Justice, puis Premier ministre. Avec ce même décret, il l’a défaite, avant de la choisir comme Envoyée spéciale et finalement Présidente du Conseil économique, social et environnemental. Idem en ce qui concerne Amadou Bâ, d’abord ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur. Donc, ces deux hauts responsables, dans le dessein de trahir, comploteraient impunément au vu et au su de l’homme le plus renseigné du Sénégal, grâce à la détermination duquel nous sommes tous là à nous prévaloir de je ne sais quelle légitimité ? Et je ne parle même pas de ce que serait l’attitude de ses défenseurs véritables et permanents.

De qui se moque-t-on ? Ça va finir où toute cette pagaille ? Après Aminata Touré et Amadou Bâ, à qui le tour ? Finalement, on va faire croire aux Sénégalais et aux citoyens du monde qui nous observent que le Président Macky Sall est à l’image de César, au crépuscule de son règne, sur les Ides de mars, entouré de Sénateurs armés de poignards sur le point d’abréger sa vie, pour ne pas dire son magistère ?

Notre Président mérite mieux des siens que cette perception dégradante et ce vaudeville ou comédie de comiques de situation qu’ils entretiennent.

A supposer que Aminata Touré, Amadou Bâ, Yakham Mbaye ou d’autres soient des comploteurs et des traîtres, une constante demeure : tous, nous connaissons qui est le

Président Macky Sall. Passés les bravades et les voyez-moi, tous ceux qui prennent part à la direction du pays par la grâce du Président Macky Sall savent très bien les limites qu’ils ne peuvent franchir. Même, si on verra toujours certains contrevenants subir des sanctions radicales, parce que tout simplement, gagnés par l’arrogance et prenant la magnanimité du Président pour de la passivité, ils se sont lourdement mépris.

Pourtant, il est dit que ces attaques ont fusé juste après une audience que le Président Macky Sall a accordée à ceux qui sont montés au créneau.

La vraie félonie, c’est aller quémander une audience pour un groupe, en sortir pour s’attaquer à l’honorabilité de certaines personnes, en prenant le soin de distiller de manière lâche des propos du genre : «C’est sur commande du chef» ! Oui, il y a eu commande, et je peux l’affirmer eu égard à mon niveau d’information. Mais, le Président Macky Sall est étranger à tout cela, il est supérieur à ces basses besognes.

Attendez, vous dites que c’est sur commande ! Qui est le véritable commanditaire alors ?

Je ne suis pas du genre à dire des choses dont je ne suis pas sûr. Seulement, aujourd’hui, je ne suis nullement disposé à enfler des polémiques, à moins qu’on ne m’y oblige.

Ceux qui ont des comptes à régler avec tel ou tel responsable n’ont qu’à être courageux et arrêter de se planquer derrière des jeunes ou le Président Macky Sall pour parvenir à leurs fins. Ce n’est pas ce qui est attendu d’un responsable. Le Président Macky Sall, tout au long de sa vie, et face à l’ancien régime, dans une adversité où les peureux étaient d’office éliminés, ensuite, depuis huit ans qu’il préside aux destinées de notre pays, a démontré, avec constance, permanence et humilité, son souci de l’essentiel, son inégalable capacité de pardon, son refus des compromissions et sa juste fermeté devant les situations qui imposent qu’il se détermine.

Le Président Macky Sall peut accorder une dizaine d’audiences par jour à divers Sénégalais et étrangers, et vous voudrez qu’il soit comptable des menées de tous les perroquets qui sortiraient de ces rencontres en semant un peu partout du «Président m’a dit» ?

Cette pagaille artificielle l’indispose au plus haut point. Et croyez-moi si je vous le dis. Il est outré et exaspéré. Ce n’est pas manquer de modestie que de conseiller à ceux-là qui agitent ces histoires d’arrêter. Je les plains, car, le constat majeur qui se dégage de leur agissement est qu’ils ne connaissent pas le Président Macky Sall, ils sont enduits en erreur par des malins. Je ne prétends pas connaître notre leader, mais, j’ose dire que je sais et sens son exaspération lorsque j’ai le privilège d’échanger avec lui. Et tous ces bavardages et ce cirque l’exaspèrent. Ceux qui l’animent ont intérêt à se calmer. Je n’ai pas la prétention de menacer qui que ce soit, c’est plutôt un conseil et un appel au calme à leur endroit, parce qu’ils indisposent le Président. Sinon, lorsqu’il sévira, ils n’auront aucune aide de leurs commanditaires.

A vous entendre, il n’y a pas péril en la demeure à l’Apr ?

Nous sommes en politique et non dans un couvent. Des ambitions articulées autour de schémas et calculs, il n’en manque pas, aujourd’hui, dans la grande famille politique de

Macky Sall. Et c’est compréhensible. Le Président n’a-t-il pas dit : «Si je dis que je ne suis pas candidat, mon gouvernement et mon parti cesseront de fonctionner.»

Cependant, peut-on admettre que des gens tombent de leur lit un beau matin et s’écrient : «Yakham Mbaye est un voleur», ensuite «Diek est une comploteuse», enfin «Ngor est un traître», sans pouvoir dire quoi, où, quand et comment ils ont volé et comploté ? Pis, sans se préoccuper du fait que leurs propos provoquent un déchaînement verbal et installent une salle ambiance en notre sein.

Aminata Touré, Amadou Bâ et tutti quanti comploteraient dans la perspective de trahir le Président Macky Sall ? Soit ! Mais, que leurs accusateurs nous disent où, quand, comment et avec qui ils complotent pour trahir. Maintenant, s’ils en sont incapables, il est attendu d’eux, si vraiment ils sont préoccupés par la réussite du Président Macky Sall, qu’ils consacrent leur énergie débordante à vulgariser toutes ses politiques qui promettent l’émergence au Sénégal et à ceux qui y vivent, nationaux comme étrangers. En toutes occasions, depuis sa réélection, le Président nous a tracés le chemin. Et je peux résumer ses recommandations : se focaliser sur la vulgarisation de la phase 2 du Plan d’actions prioritaires (Pap2) du Plan Sénégal émergent (Pse) et de ses cinq initiatives, trois programmes, cinq accès universels communément appelés «5.3.5», et laisser à l’opposition tout ce qui relève des détails et débats politiciens.

J’aurais compris que cette dernière soulève ces détails et débats politiciens et que par réaction nous investissions ce champ, mais, malheureusement, c’est nous l’élément déclencheur, en sus d’installer la zizanie dans notre parti. C’est inadmissible et il faut que ça cesse.

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