Quand faire face aux décisions nous épuise

Comment remplir au mieux ce dossier, comment choisir le meilleur prestataire, quelle réponse adresser à ce client…? Toute la journée, au travail, vous avez dû prendre des décisions plus ou moins complexes, plus ou moins importantes, souvent dans l’urgence. Le soir, chez vous, alors que vous n’aspirez à rien d’autre qu’un repos bien mérité, ce sont les enfants qui vous sollicitent. «Le petit peut-il aller dormir chez un copain samedi ? Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?» Votre conjoint, de son côté, vous demande : «Où partons-nous en vacances cet été ?». L’idée même de devoir prendre cette décision vous épuise ? Vous souffrez peut-être sans le savoir de «fatigue décisionnelle». Comme Carine, 40 ans, mère de deux enfants. Il y a quelques années, elle monte son entreprise, une petite épicerie. En même temps, elle achète une maison à retaper. Très vite, les responsabilités s’accumulent. «La personne avec qui je m’étais engagée sur mon projet professionnel était une exécutante. Je prenais toutes les décisions, toutes les initiatives». Une situation qui ne s’arrête pas une fois le store baissé. «Dès que je quittais mon rôle de cheffe d’entreprise, je revêtais celui de maman et cette fois-ci, de cheffe de foyer. Je décidais des repas, des vêtements des enfants, des rendez-vous divers et de la logistique à la maison. Mon compagnon de l’époque ne prenait aucune initiative. Lorsqu’il s’est retrouvé au chômage, il voulait en plus que je l’aide à trouver du travail !» Une situation intenable, Carine arrive à saturation.

Un épuisement de l’ego

«Au début de la journée, je suis pleine de bonnes intentions ; le soir, je suis fatiguée d’avoir pris trop de décisions, c’est une source de stress», explique Léa, 25 ans. Comment expliquer cet épuisement ?

A la fin des années 1990, le psychologue américain Roy Baumeister a avancé une théorie selon laquelle le cerveau, comme un muscle, pourrait se fatiguer. Dans l’une de ses expériences, il a demandé à des personnes de résister à la tentation de manger d’appétissants cookies. Cet effort a affecté leur capacité ultérieure à réaliser certaines tâches requérant un nouvel effort mental. Il a appelé ce phénomène «épuisement de l’ego». Ce que décrivent Carine et Léa y ressemble beaucoup. «Notre cerveau dispose certainement d’une capacité décisionnelle consciente limitée, explique Gilles Lafargue, psychologue et docteur en neurosciences. Nous faisons des choix en permanence. Si votre nez vous démange, vous ne décidez pas de vous le gratter avec l’index ou le pouce. Cela se fait naturellement. La plupart de ces choix dans la vie de tous les jours sont faits de manière automatique et non-consciente. C’est la prise de décision consciente qui épuise, dès lors qu’il y a un effort de la volonté.»

Se fatiguer jusqu’à ne plus pouvoir choisir

Quand la fatigue est trop importante, il devient parfois impossible de décider. Céline, une mère célibataire de 40 ans, est mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Un métier qui implique de faire des choix très importants, qui concernent directement la vie quotidienne de personnes sous tutelle. Depuis quelques temps, la charge de travail a été augmentée, les décisions multipliées. Elle n’y arrive plus. En parallèle, elle doit s’occuper de sa mère qui a fait un infarctus soudain et de sa fille, qui se fait opérer du genou. Les choix s’enchaînent. Elle est arrêtée par son médecin, qui évoque un «trop plein de stress». «J’avais des doutes sur tout, raconte-t-elle. Je ne parvenais plus à hiérarchiser les décisions. J’ai déménagé une semaine après mon arrêt maladie et je n’ai rien pu gérer. Je ne savais même pas dire à mes amis où poser les meubles. Il m’était devenu impossible de choisir la couleur de mon papier peint, cela me réveillait la nuit. J’avais l’impression de perdre le contrôle».

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