Heureux qui, comme le président de la République, fait de beaux voyages, en dépit du prix du kérosène. Il avouerait un faible pour le Moyen-Orient que ce ne serait pas étonnant… Quelques semaines après un périple qui le conduit en Arabie et en Turquie, le revoilà dans le Golfe.
Cette fois, c’est à Doha que la délégation présidentielle bivouaque… Selfie avec Karim Wade et poignée de mains en fixant le photographe, histoire de rappeler la consigne de vote du patron du PDS en mars passé : votez Diomaye ! Ils auraient également discuté de l’avenir du pays. Karim Wade aurait l’oreille —et la bonne !— de l’émir du Qatar en matière d’investissements : c’est peut-être le moment de prouver son amour inconditionnel pour le pays de la Téranga, et qu’il renonce définitivement à son autre nationalité, juste au moment où les bidasses français sont priés de se replier en Hexagone…
Il n’y a pas que ça dans la vie, n’est-ce pas ?
Selon les médias officiels, au Qatar, face aux émirs du pétrole et du gaz, par son discours, histoire de demander à dépanner le Trésor sénégalais en gardant toute sa fierté, Bassirou Diomaye Faye serait le visage, mine de rien, « d’un Sénégal et d’une Afrique décomplexés ».
De quels complexes peut-il bien s’agir ? Les spécialistes en évoquent de plusieurs sortes…
Il y a ceux liés au physique, concernant par exemple la peau noire assortie de cheveux crêpus, les bigleux, les oreilles d’éléphants, les nez épatés, les poitrines dramatiquement plates ou les extravagantes tétonnières, les popotins ratatinés ou les stéatopyges trop plantureuses, la bedaine tombante, la terrifiante queue d’âne ou la honteuse nouille molle, les jambes arquées, les onzièmes et douzièmes orteils…
Il y aussi ceux liés à la cervelle : les grands timides libidineux contrariés, les mal mouchés infréquentables, les incultes définitifs, ainsi que toute la faune interlope des crétins patentés qui se cachent derrière un clavier pour tester leur lexique des insanités.
Et, enfin, ceux liés à la condition sociale… Par exemple, les mondains qui ne se prennent pas pour de la petite bière, ne fréquentent ni fauchés, ni paumés, encore moins leurs ruraux de cousins, résident et travaillent dans les quartiers huppés de la capitale, ne passent jamais aux abords des bidonvilles, exhalent le parfum chic, se sapent précieux, roulent en bolide dernier cri et meurent de honte s’ils doivent voyager en classe éco sur Air Sénégal sans passer par le salon d’honneur.
Leurs pendants chez les prolétaires ne se défendent pas mal, non plus : ces gagne-petit ne s’aventurent jamais chez les riches, se parfument de sueur rance et s’habillent à la fripe meilleur marché, mènent une guerre sans merci au gaspillage sous leur toit, pleurnichent de la cherté de la vie comme de la smala composée de déchets scolaires et de chômeurs, se vantent de leur parenté avec une célébrité, sont d’une gratitude sans bornes envers les riches qui les saluent poliment, et leur marabout qui les reçoit une fois dans l’année pour leur postillonner dessus.
L’éventail des complexes, en effet, est large…
Retour sur terre. C’est reparti : la quinzième législature promet bien des émotions, comme la précédente. D’entrée, c’est le procès de Barthélémy Dias qui est au menu… Ce qu’il qualifie de délit, lequel lui vaut six mois de prison ferme, devient un abominable crime aux yeux de l’écrasante majorité de ses anciens collègues du Parlement, ce qui justifie sa radiation de l’agréable compagnie des députés.
Même pas mal, riposte-t-il, annonçant qu’il n’envisage pas une seconde de siéger dans ce machin…
De toutes manières, comme le dit l’ancien député Serigne Abo Mbacké Thiam dans les colonnes du quotidien Wal Fadjri, les députés sénégalais sont les miséreux, que dis-je, les va-nu-pieds de la sous-région. En clair, il faut revoir à la hausse les pitoyables cache-sexes qui leurs tiennent de salaires : un ridicule million trois cent mille francs CFA pour l’élu ordinaire et trois cent mille misérables CFA de plus pour un président de commission.
Si encore ils étaient payés en euros ou en dollars… Mais du vulgaire CFA : il est peut-être temps de sortir de cette zone comme le prophétise le Projet depuis une décennie !
À peine s’ils ont droit à un tape-cul, son carburant et son conducteur pour leurs épuisantes tournées aux quatre coins du pays afin de soulager la veuve et l’orphelin, réconforter le paysan, panser les blessures causées à l’environnement, inciter les sales bourgeois à créer des emplois et dissuader les familles dépenaillées à braver les océans pour finir au fond de l’estomac des requins.
C’est limpide : depuis l’affaire de décembre 1962, à l’occasion de laquelle le chef du gouvernement Mamadou Dia veut faire rapporter leur première augmentation de salaire de l’histoire, l’exécutif s’échine à les affamer… D’ailleurs, à la première occasion, Mai Soixante-Huit, les soldats auxquels Senghor remet le pouvoir, au lieu d’organiser leur putsch, présentent une liste de doléances, dont la baisse drastique des salaires des députés, qui seront ramenés au SMIG…
Pourquoi tant de haine ?
Quant à Barthélémy Dias, il est clair : s’il ne tient pas à siéger face à l’honorable Cheikh Bara Ndiaye contre lequel il lui sera impossible de croiser du verbe et des idées en français facile, pour ce qui est de la mairie de Dakar, le seul fromage digne de son standing, il faudra lui passer sur le corps pour la lui reprendre. Conclusion : ça va saigner…
Ça ne répond pas à la question de PASTEF : qui te rend si hardi de squatter la mairie de Dakar ?
Pour l’instant, la vie continue au Parlement et, pour commencer sous de bons auspices, l’occupant du Perchoir choisit de rendre visite à ses prédécesseurs : bien sûr, dans les chaumières, devant la photo de ce jeunot respectueux des anciens, ça écrase une larme sur la joue et renifle fort. Il fallait le faire, tout de même : déboulonner les vieux politiciens agrippés à leurs privilèges en les traitant de rapetous et de pillards pour ensuite aller respectueusement leur demander de sages conseils…
Quant aux députés, l’écharpe en bandoulière, ils doivent piaffer d’impatience de percevoir leurs premiers salaires et les clés de leurs rutilantes tous-terrains. Pendant que les 54 % des électeurs qui leur font confiance deux fois en cette annus horribilis, attendent les emplois promis, une chute du coût de la vie et que Macky Sall avec sa clique soient jetés en prison sans autre forme de procès.
Elle est pas belle, la vie ?
Les parlementaires de PASTEF et leur gouvernement devraient pourtant se faire du souci au sujet de leur Baobab Sénégal 2050 : la Banque Mondiale prédit à cette date, non pas l’émergence, selon Sud Quotidien, mais le plongeon sous le seuil de pauvreté de 55 % des ménages, tandis que deux millions de nos compatriotes barboteront dans une misère crasse. Juste une curieuse coïncidence, ce ne sont certainement pas le peuple des 54% d’électeurs qui font un million neuf cent mille voix : la punition serait trop cruelle…