Policiers et magistrats spécialisés se déchirent dans l’affaire François Thierry, l’ex-patron de l’office antidrogue, mis en cause pour ses méthodes.
Le torchon brûle entre la Direction centrale de la police judiciaire et les magistrats parisiens spécialisés. En dévoilant la face cachée de la lutte contre le trafic de drogue, l’enquête sur la découverte, en octobre 2015, de plus de 7 tonnes de cannabis en plein Paris ravive la méfiance réciproque entre police et justice.
Le 24 août dernier, le commissaire François Thierry était mis en examen pour complicité de trafic par deux juges d’instruction qui le soupçonnent d’avoir laissé faire son indic, Sophiane Hambli. Train de vie de l’informateur, conditions d’entrée de la drogue et de sa surveillance en France… Le policier devra répondre à une nouvelle série de questions. Mercredi, il affronte un nouveau rendez-vous judiciaire périlleux, cette fois avec la procureur générale de Paris qui envisage de lui retirer son habilitation d’officier de police judiciaire. Selon nos informations, une douzaine de griefs ont été retenus à l’encontre du fonctionnaire.
Échec d’un système
Pour autant, l’affaire Thierry ne se limite pas aux erreurs d’un homme qui, de son propre aveu, a fait «une confiance excessive» à un informateur au rendement exceptionnel. Elle illustre l’échec d’un système, somme toute artificiel, qui permet de réaliser de belles affaires en laissant prospérer d’autres trafics.
Que savait vraiment la justice du statut d’informateur d’Hambli ? A peu près tout. Le commissaire Thierry a livré les dates et lieux de ses rendez-vous avec des magistrats, jusqu’à la Direction des affaires criminelles et des grâces… Sophiane Hambli a d’ailleurs obtenu une remise de peine exceptionnelle de plus de quatre ans pour services rendus. Le plus extravagant reste cette garde à vue à l’hôtel, certes organisée par les policiers, mais avalisée par un juge des libertés et de la détention. Ce qui autorise Me Joseph Cohen-Sabban, avocat d’Hambli, à ironiser sur la «mémoire sélective et l’amnésie collective des magistrats». «L’enquête montrera leur rôle véritable», ajoute-t-il.
Pour autant, le chef de l’office des stups n’a pas totalement joué franc-jeu avec la justice dans l’opération d’importation de près de 20 tonnes de cannabis. Hambli lui a remis un téléphone dédié à leurs échanges. Téléphone qu’il a rendu à son indic aux premiers jours de l’enquête. François Thierry assure avoir envoyé deux SMS, les 17 et 18 octobre 2015, à deux hauts responsables du parquet de Paris pour les avertir que la drogue découverte était celle de son indic. Le parquet, lui, a toujours assuré avoir appris le rôle exact d’Hambli lors d’une réunion organisée à son initiative deux jours plus tard. Qui ment ? Qui dit vrai ?
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