Il est inexact de dire que la caisse d’avances de la ville de Dakar est dépourvue de base légale en se fondant sur le décret du 14 août 2003
Par Mamadou Abdoulaye SOW
Inspecteur principal du Trésor à la retraite
mamabdousow@yahoo.fr
La lecture de l’article publié par le site web de Dakarmatin sous le titre « Mbaye Touré enfonce Khalifa Sall : « la caisse d’avance de la mairie n’avait pas de base légale » » et d’un autre article publié sur le site Yerimpost.com sous l’intitulé : « Procès caisse d’avance : l’aveu de Mbaye Touré qui crée une onde de choc », nous amène à apporter quelques éclairages sur « l’illégalité » de la caisse d’avances de la ville de Dakar que le gérant sus nommé dit avoir relevé.
Dans l’article précité de Yerimpost.com, il est prêté au gérant de la caisse d’avances de la ville de Dakar les propos suivants : « Après les accusations, j’ai fait des recherches qui m’ont permis de savoir que cette caisse pose un problème de légalité. Il y avait un décret de 2003 qui avait abrogé toutes les caisses d’avance. C’est le décret 657 du 14 août 2003…aucun texte ne prouve la légalité de cette caisse d’avance… ».
Il est inexact de dire que la caisse d’avances de la ville de Dakar est dépourvue de base légale en se fondant sur le décret du 14 août 2003 dont la référence exacte est : décret n° 2003-657 du 14 août 2003 relatif aux régies de recettes et aux régies d’avances de l’Etat.
D’abord, il faut préciser que les conditions d’organisation, de fonctionnement et de contrôle des régies d’avances des collectivités locales ne relèvent pas de la loi
La création et le fonctionnement d’une caisse d’avances au niveau du budget des collectivités locales et au niveau du budget de l’Etat relèvent du domaine règlementaire et non de la loi. On ne saurait au sens strict des termes parler d’illégalité à propos de la caisse d’avances de la ville de Dakar.
Ensuite, le champ d’application du décret du 14 août 2003 ne couvre pas les régies instituées au niveau des collectivités locales. Ayant à l’époque participé de manière très active à la préparation de ce texte et eu une influence décisive sur son contenu, nous affirmons que le décret susmentionné du 14 août 2003 ne concerne que les caisses d’avances de l’Etat, comme l’indique d’ailleurs son titre. De ce point de vue, l’article premier du décret est assez édifiant en énonçant clairement : « Le présent décret fixe les conditions d’organisation, de fonctionnement et de contrôle… des régies d’avances de l’Etat ». La lettre-circulaire ministérielle n° 0792/MEF/DGCPT/DCP/BR du 28 janvier 2004 (les maires ne figurent pas parmi les destinataires) ainsi que la lettre-circulaire du Directeur chargé de la Comptabilité publique n° 016/MEF/DGCPT/DCP/BR du 5 mars 2004 (les comptables des collectivités locales ne sont pas parmi les destinataires) en donnent une preuve supplémentaire. Voilà pourquoi la caisse d’avances de la ville de Dakar et celle des autres collectivités locales (non alimentées par des recettes du budget de l’Etat) ne figuraient pas dans le répertoire des régies d’avances de la Direction générale de la Comptabilité publique et du Trésor (Division de la Comptabilité publique/Bureau des Régies).
Enfin, contrairement à ce qui est affirmé dans les propos ci-dessus attribués au gérant de la caisse d’avances de la ville de Dakar, aucune disposition du décret de 2003 n’avait abrogé les caisses d’avances ; celles-ci ayant été créées par arrêté, c’est un arrêté et non un décret qui devrait les abroger pour respecter le parallélisme des formes.
Pour conclure, nous ne voyons pas en quoi les déclarations prêtées au gérant de la caisse d’avances de la ville de Dakar « enfoncent » le maire de Dakar. Certes, il est de la compétence de l’ordonnateur de la collectivité locale de contrôler les actes d’ordonnancement. Mais, la question est posée de savoir si tous les maires, en leur qualité d’ordonnateurs, vérifient par eux-mêmes la légalité ou non des textes administratifs et financiers concernant le fonctionnement de leur collectivité locale lorsqu’on leur présente dans un parapheur des dossiers d’ordonnancement à signer ? C’est à dire en somme s’instituent-ils « gendarmes financiers ». Par ailleurs, y’a-t-il des ordonnateurs principaux du budget de l’Etat (ministre, chef d’institution…) qui exercent des contrôles, à titre personnel, sur les pièces justificatives des dossiers d’ordonnancement soumis à leur approbation ou signature. Par exemple, revient-il au ministre chargé des Finances, en tant qu’ordonnateur principal, de vérifier en personne s’il existe une base légale ou règlementaire fixant les critères de choix des avocats de l’Etat par l’Agent judiciaire de l’Etat et déterminant le taux des honoraires à payer à ces derniers ? Revient-il au ministre de la Justice, Garde des Sceaux de contrôler lui-même l’illégalité ou non du fonds commun des greffes en place depuis plus de vingt années ?
Dans la pratique, au niveau des collectivités locales, ces contrôles sont exercés par les services administratifs et financiers chargés de préparer en particulier les projets d’actes en matière financière. Dans le cas de la ville de Dakar, ces compétences sont dévolues au directeur des services administratifs et financiers qui a une part de responsabilité importante dans une éventuelle illégalité de tout acte à caractère administratif et financier préparé sous le timbre de sa direction (DAF/DFC) et soumis à la signature de l’ordonnateur. En effet, à la différence de l’Etat qui dispose d’un système de contrôle a priori par des contrôleurs des opérations financières et d’un réseau d’ordonnateurs délégués et secondaires, les obligations des ordonnateurs locaux en matière d’ordonnancement des dépenses ne sont pas soumises à des contrôles a priori. Cette donnée est à prendre en considération dans l’analyse de la responsabilité financière des ordonnateurs locaux mais également dans le cadre, d’une réforme de l’actuel Code général des Collectivités locales qui présente beaucoup d’insuffisances et de l’édiction du décret régissant les règles particulières au budget des collectivités locales comme précisé à l’article 1 alinéa 2 du décret de 2003 (disposition reprise par l’article 1er alinéa 2 de l’actuel Règlement général sur la Comptabilité publique du 24 novembre 2011).
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