Rien n’y fait. Ni la déclaration de patrimoine à laquelle sont assujettis certains responsables en charge des affaires publiques, ni la traque des biens mal acquis. Encore moins la reddition des comptes prônée par l’autorité politique. Notre classe dirigeante a décidément des rapports délicats avec l’argent.
La gestion de la fameuse caisse d’avance de la Mairie de Dakar n’a pas encore révélé tous ses secrets qu’un fantasque député se fait prendre récemment à l’aéroport de Roissy par la douane française pour non-déclaration de devises d’un montant de plus de 25 millions Cfa, largement supérieur au seuil autorisé au transfert (6,5 millions Cfa).
Ancien ministre des Affaires étrangères et candidat malheureux à la dernière présidentielle, Cheikh Tidiane Gadio est empêtré dans une affaire de corruption aux Etats-Unis. Alors que Lamine Diack, icône du sport sénégalais et ancien président de l’instance dirigeante de l’athlétisme mondial se débat, en compagnie de son fils Massata, dans une affaire de corruption liée à l’attribution des JO 2016. Pour couronner le tout, le convoyeur d’une cargaison de faux médicaments d’une valeur d’un milliard 300 millions Cfa, a cru pouvoir passer entre les mailles du filet de la justice grâce à ses relations maraboutiques et politiques proches du pouvoir.
Toutes ces affaires ont fait hélas le tour du monde et donnent du Sénégal l’image d’un pays dont la classe dirigeante a une attirance pour l’argent facile. Il est vrai qu’entre la rhétorique sur la bonne gouvernance et la réalité des faits, il y a bien un fossé. Sous prétexte de veiller à la gestion «sobre et vertueuse» des deniers publics, Macky Sall a fait fouiller par l’Ige la caisse d’avance du Maire socialiste de Dakar pour en débusquer les cafards qui lui valent son emprisonnement. Et pourtant, Khalifa Sall aurait bien pu se permettre tous les excès avec les sous de sa mairie s’il était en phase avec Macky Sall. Si l’envie de contrarier, voire d’hypothéquer sa réélection, ne lui avait pas traversé l’esprit.
Combien sont-ils les responsables de la mouvance présidentielle à avoir trempé la main dans le cambouis ? Les exemples sont à foison. Outre le Maire socialiste de Dakar, l’Ige avait aussi épinglé les édiles de Guédiawaye, Aliou Sall, de Pikine , Abdoulaye Timbo et de Saint-Louis, Mansour Faye.
L’Ofnac et l’Armp ont aussi indexé le Directeur du Coud, Cheikh Oumar Hann, Ciré Dia de La Poste, Moussa Diop de Dakar Dem Dik, Khaly Niang de l’ASP, Mary Teuw Niane sur 17 DRP non conformes à la légalité, Khassimou Wone, l’ancien patron de l’ADIE sur la gestion de 9,5 milliards et Mamour Diallo pour la gestion pillarde du foncier Bertin de Rufisque. Mais qui, devenu militant l’Apr, a vite été bombardé directeur des Domaines et envoyé sur le front politique à Louga.
Ancien ministre de l’Intérieur, Mbaye Ndiaye y a battu le record des marchés de gré-à-gré avec pas moins de avec 51 dossiers passés sans avoir jamais été communiqués. Abdoulaye Bibi Baldé, alors ministre de l’Environnement, a été pris lui aussi avec une série de surfacturations frauduleuses sur les travaux de la piste Niokolo Koba – Wouroli. De même que l’Armp a eu à démasquer le Dircab de Macky Sall, Oumar Youm pour fractionnement de marchés, entre autres infractions, à l’époque où il était en charge de l’Aménagement du territoire. Les rapports jumelés 2013-2014 de l’Armp avaient aussi épinglé Serigne Mbaye Thiam du PS pour avoir confié un marché de restauration de 15 millions à une entreprise évoluant dans le bâtiment.
Leurs dossiers ont tous été déposés sur le bureau du procureur sans que cela ne tire à conséquence. Aux journalistes qui étaient curieux de savoir le sort qui leur serait réservé après celui du maire de Dakar, le procureur de la République avait servi comme réponse cette métaphore qui en disait long sur la mansuétude dont allaient bénéficier tous ces proches du président de la République. «Rassurez-vous, c’est comme du mauvais camembert ; il y a plus de trous que de fromage».
Hélas, la suite est venue confirmer ce que l’on craignait après cette sortie du procureur. On n’a pas touché à un seul de leurs cheveux. Alors que Khalifa Sall, le pauvre, va devoir boire le calice jusqu’à la lie pour avoir affiché son envie de s’engager dans la course à la présidentielle. CQFD : qu’importe que l’on s’autorise tous les excès avec les deniers publics pourvu que l’on travaille à la réélection du Président. Mais attention ! La roue tourne. Et l’on n’est jamais assez à l’abri d’une reddition des comptes.
(*) Consultant à Dmédia
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