Le décès tragique d’Evgueni Prigojine, le magnat à la tête de Wagner, et de son adjoint ainsi que huit autres passagers, dans le crash d’un avion privé le 23 août 2023, au nord-ouest de Moscou, a engendré une onde de choc dans les cercles politiques et sécuritaires russes. Cet événement annoncé par l’agence russe du transport aérien et un ministère, soulève avec une acuité préoccupante la question cruciale de la continuité et de l’avenir du groupe paramilitaire en Afrique, une entité solidement établie dans plusieurs nations du continent.
L’histoire de Wagner, le groupe paramilitaire russe, est indissociable de la figure charismatique d’Evgueni Prigojine. Sa personnalité dominante et la structure financière extraordinairement complexe qu’il a orchestrée ont profondément façonné l’identité de ce groupe, comme le souligne notre correspondant au Tchad, Carol Valade, co-auteur, aux côtés de Clément Di Roma, du documentaire éclairant « Centrafrique: le soft power russe ». Pourtant, bien que cette perte inattendue ouvre une période d’incertitude, les ramifications de Wagner s’étendent largement sur le continent africain. Les compétences opérationnelles des membres du groupe et leur capacité à se rendre incontournables auprès des gouvernements, devenant pour ainsi dire une sorte d’assurance-vie pour eux, ainsi qu’auprès du Kremlin, dont ils incarnent le rayonnement à moindre coût sur le continent, sont manifestes.
En réalité, Wagner revêt une nature plurielle, englobant une multitude de sociétés agissant avec une autonomie marquée. Ces entités, qui génèrent des profits considérables, semblent destinées à persévérer dans leurs activités, que ce soit sous la houlette d’un autre commandant de Wagner ou au sein d’autres sociétés militaires privées (SMP). Au sein de cette transition, deux SMP russes semblent déjà se profiler pour prendre la relève en Afrique, d’après certains experts. Cependant, des incertitudes subsistent quant à leur capacité humaine, logistique et à leur compréhension approfondie du terrain, comme le met en lumière John Lechner, un chercheur spécialiste du groupe paramilitaire.
La première de ces entités, Redut, a été originalement constituée pour sécuriser les ressources de phosphate en Syrie avant d’être ensuite déployée en Ukraine. On prétend qu’elle serait dirigée par le général Averyanov, en charge des opérations clandestines au sein du GRU, les renseignements militaires russes. La seconde, nommée Convoy, serait sous la direction de Konstantin Pikalov, un ancien collaborateur de Prigojine, qui a œuvré pour Wagner à Madagascar, en Centrafrique et en Ukraine. Contrairement à Wagner, ces nouvelles entités sont directement affiliées au ministère de la Défense russe et au GRU, laissant entrevoir une possible mainmise de l’État russe sur les activités autrefois dominées par Wagner.
Ainsi, l’avenir des opérations paramilitaires en Afrique se trouve à un carrefour critique, où des forces nouvelles cherchent à émerger dans un paysage jadis dominé par la présence indomptable d’Evgueni Prigojine et de son groupe, Wagner.