Les investigations prouvent que les portables d’Alexandre Benalla et de Vincent Crase ont été localisés le 26 juillet dans le XVIe arrondissement de Paris. Au même endroit et au même moment que ceux de l’ancienne cheffe de la sécurité de Matignon et de son compagnon…
L’enquête sur les conversations captées entre Alexandre Benalla et Vincent Crase, puis diffusées par Mediapart, progresse à grand pas. Selon nos informations, les policiers de la brigade criminelle de Paris, chargés de faire la lumière sur les conditions dans lesquelles ces enregistrements clandestins ont été réalisés, ont découvert des éléments qui accréditent la thèse d’une rencontre au domicile de Marie-Élodie Poitout, l’ancienne cheffe de la sécurité de Matignon (GSPM).
C’est ce qui ressort de l’analyse comparative des données téléphoniques effectuée par les enquêteurs. Ainsi, le 26 juillet 2018, le portable de la commissaire Poitout émet depuis un relais couvrant son domicile du XVIe arrondissement de Paris. Or, à 12h01, la ligne d’Alexandre Benalla « borne » dans le même quartier. Le plus troublant intervient deux heures plus tard lorsque le téléphone de Vincent Crase active à son tour un relais situé à proximité de l’appartement de la cheffe de la sécurité de Matignon.
À 19h46, les policiers constatent que les téléphones d’Alexandre Benalla, de Vincent Crase et de Marie-Élodie Poitout émettent depuis cette même zone du XVIe arrondissement. Trente-sept minutes plus tard, c’est au tour de la ligne de Chokri Wakrim, compagnon de la commissaire et militaire des forces spéciales, d’être localisée près du domicile de cette dernière. Les quatre protagonistes se trouvent donc au même moment dans le même secteur.
La commissaire réfute connaître Vincent Crase
Est-ce ce jour-là que les enregistrements clandestins ont été réalisés ? C’est en tout cas ce qu’affirme Mediapart, à l’origine de leur diffusion. À cette date, Alexandre Benalla et Vincent Crase, déjà mis en examen pour les violences du 1er mai, n’avaient pas le droit de se rencontrer. C’est ce qui a valu à l’ancien collaborateur de l’Élysée et à son acolyte d’être placés brièvement en détention provisoire.
Interrogée par les enquêteurs le 5 février, la commissaire Poitout reconnaît avoir déjà accueilli à son domicile Alexandre Benalla à la fin du mois de juillet, évoquant sans plus de précisions la date « du 30 ou du 31 ». Elle réfute cependant connaître Vincent Crase et maintient que ce dernier n’est jamais venu dans son appartement. De même, elle assure avoir interrogé son compagnon sur l’hypothèse d’une rencontre organisée à son insu : celui-ci aurait nié catégoriquement.
Entendu à son tour le 15 février, Chokri Wakrim confirme les propos de sa compagne : une seule rencontre avec Benalla aurait eu lieu à la fin juillet, sans autre participant, dans le XVIe arrondissement. Le militaire, suspendu depuis, admet toutefois avoir fait la connaissance de Vincent Crase par l’entremise de Benalla. Quant à ce dernier, il a refusé de répondre aux juges d’instruction, le 19 février, à toute question sur ces enregistrements.
Les captations n’ont «pas transité par une ligne téléphonique»
Par ailleurs, les enquêteurs de la Crim ont reçu le premier rapport d’expertise des enregistrements, remis par Mediapart à la justice. Dans ses conclusions du 12 février, l’expert indique que ces captations n’ont « pas transité par une ligne téléphonique » (il ne s’agirait donc pas d’une écoute) et qu’ils « ont pu être réalisés par un microphone tel celui d’un smartphone ». Il n’exclut pas l’hypothèse d’une sonorisation de l’appartement en l’état, démentie toutefois par le site d’investigation.
Ces soupçons ont cependant été jugés insuffisants par la chambre de l’instruction de Paris pour maintenir en détention les deux principaux protagonistes : Alexandre Benalla et Vincent Crase ont été remis en liberté mardi et placés sous contrôle judiciaire.