La spoliation de l’Afrique par l’endettement international doit cesser (Mamadou SY Albert)

 

L’endettement est un mécanisme institutionnel de la gouvernance économique et politique mondiale. Les États souverains ont toujours su actionner ce levier pour entreprendre de grosses œuvres de développement à court, moyen et long terme. Les pays occidentaux, singulièrement ceux de l’Europe, ont bénéficié de cet instrument. L’endettement des pays africains par contre revêt une dimension historique singulière. L’endettement des pays africains n’a point permis de relancer l’économie au cours des cinq dernières décennies post-décolonisation. Cet endettement suscite encore des interrogations majeures quant aux capacités d’endettement et de remboursement des anciens pays dominés et leurs priorités sociales et économiques pour les objectifs de développement. Ces questions fondamentales ont eu tendance à occulter – sciemment ou non – la dimension politique de cet endettement de l’Afrique au regard du cachet de l’endettement se transformant, au fil de leur évolution, en un instrument redoutable de domination politique et de pillage des ressources naturelles africaines.

La première puissance économique du monde, en l’occurrence, les États-Unis d’Amérique, est le pays le plus endetté du monde. Ce n’est guère, ni un secret, ni une absurdité économique. L’endettement est un mécanisme institutionnel au cœur de la finance internationale et du développement industriel. Ce levier a permis à l’Europe, à l’Amérique, au Japon et à tous les pays développés de relancer leur machine économique à des moments critiques de leur histoire ; sur le plan financier, en termes d’investissements productifs et de politiques de développement technologique et sociales. Ces États de pays dits développés, les banques d’affaires et organisations de la haute finance et du capital privé international ont fini par adhérer pleinement à l’esprit de l’endettement et l’ont intégré dans les mécanismes de l’économie capitaliste. Désormais, on ne prête de l’argent, et en priorité, qu’aux pays riches. C’est ainsi depuis les «trente glorieuses» de l’après-guerre avec le plan Marshall pour la reconstruction européenne.

Le cas de figure du continent africain revêt une dimension singulière. Les anciens pays dominés devenus souverains en accédant à la magistrature internationale et la reconnaissance de leur indépendance vont, pendant les trois à quatre premières décennies de leur existence, chercher à préserver des relations de partenariat et de coopération technique avec leurs anciennes tutelles coloniales. Ces anciennes puissances occidentales colonisatrices deviennent ainsi les principaux bailleurs de fonds de l’œuvre de reconstruction économique nationale. L’endettement massif auprès des organismes de financement international du développement fit son irruption au cœur du continent noir au cours des années 1980. Cette période mémorable correspond à une crise profonde des économies africaines. Ces économies sont soumises à l’ajustement structurel par les organisations de la finance internationale, les États des pays développés et par le capital du privé international.

L’Afrique entrera dans un cycle d’ajustement de son industrie, de son agriculture, de son commerce et de tous les secteurs sociaux, notamment la santé, le transport et l’éducation. Les anciennes puissances colonisatrices seront contraintes, sous l’effet conjugué de l’impact de l’ajustement et des nouvelles règles de la gouvernance mondiale imposant l’ouverture du marché et la compétitivité, de reconsidérer les relations privilégiées avec les pays africains. Ces derniers ne seront plus la chasse gardée des anciennes puissances colonisatrices.

L’endettement auprès de la finance internationale va prendre une tournure sans précédent. Les bailleurs de fonds découvrent que l’ère de l’ajustement des pays économiquement faibles, notamment celles de l’Afrique, se solde par des ravages : économiques, politiques, sociaux, culturels. L’endettement prendra alors des proportions gigantesques et compromet à la fois le financement et la stabilité du système commercial globalisé.

Les pays africains ne peuvent tout simplement pas payer les engagements de la dette et ses encours. La crise post-ajustement secrète partout en Afrique, la démocratisation et des alternances politiques. En dépit des changements de régimes, des alternances et des avancées de la démocratie pluraliste dans le continent africain, le développement lui n’est pas au rendez-vous avec l’histoire de l’ajustement, de la mondialisation de l’économie et de l’endettement l’Afrique. Les bailleurs annulent une partie de la dette. Pour autant, la pauvreté se développe. Les inégalités ne cessent de croître. La crise est toujours au centre de l’économie du continent, des systèmes de santé, de l’éducation, des transports. Et pourtant, l’endettement contre-productif se poursuit en dépit de son échec retissant. L’usage de cette dette et son accroissement, suscite évidemment de nouveau des interrogations sur les priorités du développement et les capacités économiques à rembourser une dette qui croît d’une décennie à l’autre, alors les Produits intérieurs bruts n’indiquent guère une accumulation significative de richesse et de croissance.

Le pillage des ressources de l’Afrique est l’un des enjeux cachés de cet endettement. Les bailleurs de fonds et les élites politiques et économiques dirigeantes sont de réels complices d’une arnaque séculaire de l’endettement. La dette sert à enrichir des gouvernants par des mécanismes divers de détournements de deniers publics, par l’attribution des marchés publics à des multinationales et des experts consultants internationaux tapis à l’ombre des organismes de financement du développement et de la coopération internationale. Le pillage des ressources africaines par ce mécanisme de l’endettement redoutable va probablement continuer. Le grand perdant de cet endettement fait sur les dos des pauvres et des couches les plus fragiles de la population, est le peuple souverain.

 

 

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