Aussi loin que je me souvienne, le Sénégal a toujours été décrit par les spécialistes de la géopolitique régionale et les observateurs de la vie sociale comme l’une des rares démocraties encore sur ses jambes en Afrique de l’Ouest. Cette image très flatteuse ne peut être peinte que par ceux qui ont survolé le sujet dans leur analyse. Nous voulons creuser un peu plus car il semble que cette belle image cache bien des non-dits.
S’il est vrai que, comparée aux autres républiques du voisinage proche, des faits comme quelques alternances et la relative bonne gestion des joutes électorales, la liberté de la presse matérialisée par une foultitude de titres, d’organes de presse et de lignes éditoriales, l’existence de centaines de partis politiques, la paix sociale résultant du naturel dialogue des cultures et des religions et la prise de décisions publiques par vote depuis plus d’un siècle sont des indices d’une pratique démocratique à jamais acquise, l’architecture des institutions de notre république recèle des liens aux antipodes de l’état de droit. L’état de droit qui est l’unique socle sur lequel la pérennité d’un pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple doit être adossée.
Le Sénégal est-il vraiment une exception démocratique ? Il semble bien que oui mais plus pour confirmer la règle. Notre pays est « une exception » en ce sens que c’est encore l’un des rares pays qui soit dans cette catégorie sans en avoir rempli tous les critères.
Le peuple sénégalais donne à ses dirigeants les mandats pour gouverner en son nom. Mais la séparation des pouvoirs n’est pas effective dans le fonctionnement des institutions. C’est le mal de l’Etat du Sénégal. Elle a toujours été décriée, il n’a jamais eu de volonté manifeste de se défaire de cette anomalie. Pour preuve, deux référendums sur la constitution n’ont pu corriger cette faute pourtant grossière de nos ingénieurs constitutionnels.
Le chef de l’Etat au Sénégal est, de fait, à la tête du pouvoir judiciaire : c’est triste, presque blasphématoire, mais cela demeure vrai ; lui, le dépositaire de la légitimité du peule en charge de l’exécutif. Sacrilège ! Car, qui l’arrête alors dans ses dérives ? Qu’est ce qui l’empêche de se muer en tyran ? Surtout quand les tentations sont exacerbées par les enjeux et contingences de la politique cosmétique.
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