Depuis l’éclatement de l’affaire de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar qui a débouché sur l’incarcération de Khalifa Sall pour détournement présumé de deniers publics, on assiste de plus en plus à un discrédit terrifiant de la classe politique. Du côté du pouvoir comme celui de l’opposition, on rivalise de déclarations malheureuses. Dans ces attaques, les institutions ne sont pas épargnées, ce qui ne fait que les fragiliser davantage.
Voilà maintenant des décennies que l’État du Sénégal est pris en otage par des politiciens professionnels qui ont fait main basse sur les ressources publiques. Malgré deux alternances réussies, le pays semble chavirer de Charybde en Scylla. Du moins pour ce qui concerne l’assainissement des finances publiques.
Le drame dans cette situation est que pour des affaires de sous dont les populations ignorent les dessous, les politiciens sont en train d’hypothéquer de plus en plus la paix civile et la stabilité politique du pays qui faisaient sa bonne réputation dans le monde. Aujourd’hui, le champ politique ressemble à une arène où les biceps et les émotions viscérales ont pris le dessus sur la froide analyse. Du côté du pouvoir comme de l’opposition, on bande déjà les muscles, on rivalise de langage va t-en guerre, de sorte que le nouveau Khalife général est monté au créneau pour appeler les uns et les autres à la raison avant que le pays ne sombre dans le chaos.
Un appel qui vient à son heure d’autant qu’avec les immenses gisements de gaz et de pétrole découverts, le risque est grand de voir les puissances étrangères embusquées s’introduire pour profiter de cette situation délétère et attiser le feu comme c’est la coutume dans certains pays.
Seulement, le problème fondamental du Sénégal est que le pays manque d’hommes de convictions, sincères, aimant le peuple, résolus, avec un sens aiguisé pour l’intérêt général et reconnus pour leur honnêteté attestée, qui sont à même de lui apporter l’aide qu’il lui faut pour évoluer et progresser.
«Rien ne s’accomplit de grand dans l’ordre politique et rien ne dure sans la présence d’hommes dont le génie, le caractère, la volonté inspirent, rassemblent et dirigent les énergies d’un peuple. Tout se défait dès lors que des personnages insuffisants se succèdent au sommet de l’État. L’unité se dissout et la grandeur s’effondre», disait Maurice Druon dans les «Rois Maudits».
Constant amer
Le constat est amer de voir que les différents pouvoirs qui se sont succédé à ce jour au Sénégal, ont tous privilégié leur parti au détriment de la patrie. Si en 2000 Wade avait promis le “Sopi” avec à la clé des audits sans complaisance, le régime libéral qu’il a charrié a fini par s’empêtrer dans de scabreuses affaires de détournements. Finalement le peuple qui s’attendait à une gestion saine de ses deniers a eu droit à des scandales financiers à répétition dont le plus célèbre reste le feuilleton de mauvais goût intitulé «Lui et Moi» qui opposait le Président Wade à son Pm d’alors, Idrissa Seck, dans les obscurs chantiers de Thiès et dont le clap de fin reste encore vivace dans les mémoires : «les grands bandits ne se disputent que lors du partage du butin».
Aujourd’hui, après cinq ans de règne du Président Macky Sall, chantre de la rupture et de la gouvernance sobre et vertueuse, il semble que rien n’a fondamentalement changé. Et le butin continue toujours de faire saliver. C’est comme si le ver était dans le fruit, car pratiquement c’est comme si tous les promus avaient un seul objectif : profiter de leur position pour faire rapidement fortune. D’autant que pour faire la politique sous nos tropiques, il faut être balèze sur le plan financier. Malgré la résurrection de la Crei et la création de l’Ofnac, la machine qui s’était emballée un moment semble s’être grippée avec les dossiers accablants qui sont «mis sous le coude». Une aubaine pour tous ceux qui sont accusés, à tort ou à raison, de détournement de deniers.
Complot ou cabale politique ?
Aujourd’hui, il suffit qu’un opposant soit accusé de prédation pour qu’il crie au complot ou à la cabale politique. Ce fut le cas avec le feuilleton Karim Wade qui avait tenu en haleine le pays : il a ensuite été libéré après avoir purgé la moitié de sa peine. Condamné à 6 ans, Wade fils a été gracié et embarqué illico presto dans un avion pour le Qatar. À ce jour nul ne peut dire pourquoi il a été débarqué au Qatar encore moins s’il a remboursé l’argent supposé avoir été détourné et où est allé cette manne financière. Depuis lors c’est la confusion et ses partisans ne cessent de crier au complot politique, à l’acharnement contre leur candidat qui pourrait battre le champion de l’Apr lors des prochaines élections. Donc, ne serait-ce que pour des raisons de transparence, les Sénégalais à qui l’on avait dit que leur argent a été volé, avaient le droit de savoir ; d’autant que dans une vraie démocratie, les dirigeants ne devraient pas s’accommoder de méthodes clandestines de gouvernement.
Aujourd’hui c’est l’affaire Khalifa Sall qui agite le landerneau politique. Malgré les accusations graves qui pèsent sur sa personne, ses partisans enfourchent l’argument de la cabale politique pour cavaler dans le champ de la confusion et de la manipulation. Dès lors on assiste à un déluge d’accusations, de contre accusations et de dénégation. Ce qui est inquiétant dans ces attaques est qu’elles n’épargnent aucune institution, même le pouvoir judiciaire censé être le dernier rempart, est accusé d’être à la solde de l’exécutif. Les populations désabusées, prises au collet par la crise, ne savent plus où donner de la tête, ayant le tournis à cause de la valse des milliards qui ne leur profitent pas et qui perturbent leur quiétude. Dès lors la situation devient plus qu’inquiétante et il urge d’arrêter la saignée avant que le vase de la frustration ne déborde. «Quand les bornes sont refranchies, il n’y a plus de limite», pour parler comme Marc Aurèle. Est-ce le sens donné à l’avertissement d’Al Amine ?
Al Amine
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