QUESTIONNEMENTS SUR L’AFFAIRE KHALIFA SALL – Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi tout de suite ?

La braise qu’est finie par devenir le dossier Karim Wade entre les mains de l’actuel président de la République, n’a manifestement pas servi de leçon au pouvoir en place qui, décidément, affectionne les questions judiciaires et, encore une fois, tutoie l’abus et flirte avec le ridicule, avec le dossier Khalifa Sall. En effet, supposons que l’actuel maire de Dakar ait fauté, comme on dit, dans l’exercice de ses fonctions. Et, à ce qu’il semble, il n’a pas réfuté les faits à lui reprochés, se limitant à en contester la qualification et à déclarer qu’il n’a pas détourné l’argent de la ville à des fins personnelles et ne révélera pas l’identité des bénéficiaires de la fameuse «caisse d’avance» ; et le procureur a fini de réunir ses arguments et preuves à charge. Seulement, dans cette nouvelle affaire, tout comme dans celle de Karim, semblablement à celle de la femme adultère présentée à Jésus par une populace hypocrite porteuse de pierre, importe peu ce dont on l’accuse, ce qu’il aurait fait ou n’aurait pas fait, car ça empeste l’inconséquence populiste, rancunière et outrancière, ça pue la bêtise politicienne dont les effluves embrument les intelligences et sont les pires ennemis des gouvernants et des juges ; et me viennent à l’esprit, au regard de tout le tintamarre et la poussière faits autour de la question par la canaille politicienne, cette parole du Christ, à propos de la femme adultère, «que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre», et cette autre de mon père, rappelant qu’«un voleur doit avoir la pudeur de crier au voleur». Et les questions toutes simples que voici me taraudent l’esprit : pourquoi Khalifa seul et seulement ses souteneurs et ses collaborateurs (Bamba Fall, Mbaye Touré, Yatma Diaw et consort) sont présentement pris pour cibles ? Pourquoi maintenant, à quelques mois des élections législatives, après qu’il se soit éloigné du camp présidentiel et ait annoncé son intention d’y présenter une liste ? Pourquoi autant de précipitation et d’acharnement dans la gestion du dossier, sans égard aucun à son statut de maire de la capitale, membre de plusieurs organisations internationales, sans mesure d’accompagnement pour la préservation de l’institution communale et la continuité du service public et sans enquête sur les conditions de création et de fonctionnement de la «caisse d’avance», comme recommandé par le rapport d’audit ? L’aurait-on ciblé s’il était resté bien sage à sa place de «béquille» présidentielle, quoi qu’il ait pu faire ? Pourquoi les mêmes personnes qui avaient sorti Barthélemy de prison pour le parachuter secrétaire élu à l’Assemblée nationale, au grand dam d’une frange importante de la population dont la famille du défunt Ndiaga Diouf, veulent-ils aujourd’hui le déchoir et le retourner en prison ? Est-ce pour le punir d’un crime qu’il aurait commis ou pour sanctionner le partenaire «ingrat» et «turbulent» qu’il est devenu ? Pourquoi aucun des responsables politiques épinglés par les missions de contrôle et qui sont dans le camp présidentiel ou bien qui l’ont rejoint n’a été inquiété, depuis le temps que l’on clame la reddition des comptes ? À ces interrogations et à bien d’autres de la même veine, chaque citoyen sénégalais doit trouver des réponses dans son intime conviction. Car, après tout, le citoyen est aussi «juge», je devrais dire témoin de tout ce qui se passe et de tout ce qui se fait dans son pays. Et que cela plaise ou non aux por- teurs de robe, il juge les juges, les gouvernants et les autres en attendant le jugement divin. Il condamne aussi dans la prison de son cœur. En vérité, si rien ne vaut la justice, l’arbre de la paix, rien, non plus n’est pire que l’injus- tice, l’arbre de tous les troubles. Hélas, les humains (les politi- ciens plus que tous les autres), sont plus prompts à semer les graines de l’injustice, comme s’ils ne savaient pas que la paix qu’ils appellent de tout cœur est le fruit de la justice, tout comme la guerre est celui de l’injustice. C’est pourquoi, en matière de justice, la «présomp- tion de culpabilité» ne suffit pas, il faut des preuves ainsi que des juges équitables et désintéressés ; car dès que l’esprit de parti ou de vengeance infeste le temple de Thémis, l’équité la déserte et l’injustice y installe ses quartiers. Et parle ainsi la voix de la sagesse : n’accuse pas sans preuve, n’accable pas le porteur de la même faute que tu portes en toute innocence, soit compatissant envers le repenti, ne condamne jamais un innocent, que tes prières, toujours, accompagnent le condamné… Après cela, et c’est là le plus important, que les experts ré- fléchissent sur les questions liées à l’équité et à la justice, à l’éthique et à la politique, aux droits de l’homme et du citoyen ; sur la question des doubles casquettes et des conflits d’intérêts qui leur sont inhérents (président de la République/secrétaire général de parti, ministre de l’Intérieur/responsable politique, etc.) ; sur l’avenir de la gouvernance au Sénégal et comment apaiser l’espace politique et réussir une cohabitation sans heurts majeurs entre le pouvoir et l’opposition à tous les niveaux, aussi bien entre le pouvoir politique central et le pouvoir politique local, quel que soit leur bord, qu’entre les députés et autres conseillers ; sur une meilleure gestion des affaires publiques où les pratiques telles que celles dont on accuse le maire de Dakar et bien d’autres qui sont courantes et connues de presque tous ne soient plus possible nulle part, car, me semble-t-il, tout est question de système. Et, résoudre le problème à ce niveau, c’est cela l’urgence aujourd’hui. En vérité, barrer la route aux violeurs de la loi, en assurant la sécurité des per- sonnes physiques et morales et des biens publics et privés, par un dispositif fiable, est plus important que courir d’hypo- thétiques fauteurs de troubles. Oui, mettre en place un cadre institutionnel solide favorisant la transparence et la bonne gou- vernance même contre les in- térêts politiques «des princes», est plus sage que profiter d’un cadre défectueux pour défendre de vulgaires intérêts politiques où de passer son temps à jeter des pierres contre des adversaires. Enfin (et c’est important), que le pouvoir sache que les tape- à-l’œil et autres saupoudrages, consistant à «sacrifier» un ou deux de ses propres responsa- bles politiques, pour la galerie, pour un semblant de vraisem- blance, ne sauraient prospérer, car les Sénégalais veulent du sérieux. Ha ! Si mes conci- toyens étaient sûrs et certains que «les audits» et «la traque» étaient sincères et sans partipris, avec pour seul objectif l’intérêt supérieur de la nation, peut être alors qu’ils auraient applaudi, et des deux mains, je crois. Hélas, «il n’en est rien», pensent-ils, à juste titre, au re- gard de l’agitation politique qui la nimbe. Et, pendant que «le jeu» politicien bat son plein, sapant la foi et la confiance des citoyens, le Sénégal traîne encore piteusement les pieds, et les Sénégalais sont fatigués de leurs hommes politiques et las de courir le quotidien. Le réveil sera, certes, brutal, pour tous ceux-là qui jouent à en- dormir le peuple ; en vérité c’est eux qui dorment, mais ils ne savent pas. Abdou Khadre GAYE Écrivain, Président de l’EMAD Tel : 338426736

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