Amadou Bâ, un Dakarois en route vers le Palais (Par Mouhamed Oumy Lo)

Fait inédit dans l’histoire politique du Sénégal, un Président de la République organise le scrutin devant désigner son successeur. L’élection présidentielle du 25 février 2024 sera donc l’une des plus ouvertes avec un éventail de choix pour les électeurs qui n’auront pas à sanctionner un président sortant mais à choisir celui qu’ils estimeront le mieux capable de trouver des solutions à leurs préoccupations. C’est le branle-bas de combat au sein de la grande majorité présidentielle, et carte blanche a été donnée au Président Macky Sall pour désigner le candidat de la coalition au pouvoir depuis douze ans. Chef du gouvernement depuis le 17 septembre 2022, Amadou Bâ suscite depuis quelques semaines l’attraction au sein de « Benno Bokk Yakaar » et des positionnements en sa faveur commencent à essaimer, alors que lui, dans une traditionnelle posture de loyauté, garde un silence qui contraste avec l’ampleur de l’enjeu : succéder à Macky Sall à la tête de l’Etat. Légitimité politique par la trajectoire, ancrage au sein de l’Apr, expérience gouvernementale et soutiens multiformes venant des toutes les couches socio-professionnelles sont les atouts avancés par ses supporters pour élaborer une plateforme politique reposant assurément sur le bilan des douze ans de l’Apr au pouvoir et des propositions fortes pour parachever une nouvelle séquence du Plan Sénégal Emergent à l’horizon 2035. Naturellement, il sera question d’ajuster une vision et de l’adapter à un nouveau contexte.

A 62 ans, Amadou BA est ce qu’on appelle communément un homme du sérail de la haute fonction publique. Il entretient à son niveau cette tradition de service de l’Etat, bâtie sur le mérite académique et la compétence professionnelle, et qui a donné au Sénégal de grands serviteurs de la République. Né à Dakar (il est premier originaire de la capitale à occuper la Primature), il fréquente l’école coranique pour s’inscrire dans le sillage d’un père guide religieux, puis franchit sans anicroches les différentes étapes cursus d’un parcours lycéen qui le voit décrocher un baccalauréat technique de gestion en 1980, puis une maîtrise en sciences économiques, option gestion des Entreprises à l’Ucad ; et enfin un brevet de l’Enam 1988, section Impôts et Domaines. C’était le point de départ d’une carrière qui le verra tour à tour inspecteur stagiaire à Diourbel, chef du premier secteur de Tva à la Direction générale des impôts et domaines (DGID) à Dakar. En 1991, il se perfectionne par deux stages, à l’Institut international d’administration publique de Paris et à Baltimore, dans le Maryland, aux Usa.

Chef d’inspection à Dakar-Plateau I de 1990 à 1992, il est ensuite délégué dans les fonctions de commissaire contrôleur des assurances à la direction des assurances jusqu’en 1994, puis inspecteur vérificateur à la direction des vérifications et enquêtes fiscales. Après un stage de formation durant l’été 2001 à l’École nationale des impôts de Clermont-Ferrand, il prend en 2002 la tête du Centre des grandes entreprises de la direction des impôts, puis devient directeur des impôts en 2004 pour un an. En novembre 2006, il est nommé directeur général des impôts et des domaines. Sous sa direction est mis en œuvre un nouveau Code général des impôts, entré en vigueur en janvier 2013. Haut fonctionnaire réputé pour sa maîtrise des dossiers, il est ainsi chargé d’enseignements, à l’Enam et au Cofeb de la Bceao. En 2013, un an après l’arrivée au pouvoir du Président Macky Sall, il intègre le gouvernement et devient Ministre de l’Economie et des Finances. Un poste où il fut nominé parmi les meilleurs ministres de l’économie des finances d’Afrique à l’époque.
Cette distinction survient en grande partie grâce au lancement du Plan Sénégal Émergent (PSE) lancé en 2014 dont il est l’un des praticiens affirmés. Avec le lancement du Plan Sénégal Emergent, le Sénégal connait un rythme de croissance qui variant entre 6 à 7% jusqu’à la survenue de la pandémie de la Covid-19.

Sa carrière ministérielle se poursuit après la réélection de Macky Sall en 2019. Là encore, il doit endosser la responsabilité d’un département entrant dans les prérogatives régaliennes du Président de la République, à savoir la diplomatie. Cette période coïncide avec la pandémie de la Covid-19, Amadou Bâ pilote avec succès le fonds de soutien destiné aux sénégalais de la Diaspora impactés par la pandémie avec une enveloppe de 12,5 millards de francs CFA. Aux affaires étrangères, il lance les passeports biométriques et prépare la présidence sénégalaise de l’Union africaine. Le 1er novembre 2020, il quitte le gouvernement. Il sera par la suite l’une des locomotives de la liste « Benno » aux législatives du 31 juillet 2022 qui obtiendra une courte majorité parlementaire. Si le cadre de l’administration, figure de proue de l’Apr est bien connu de ses compatriotes, un autre aspect de sa vie demeure l’un de ses atouts en vue de l’élection présidentielle. Il s’agit de sa longue expérience politique couplée à la possession d’un bastion électoral, les Parcelles-Assainies, l’une des plus importantes communes de la capitale au plan démographique. C’est en 1996, alors que le Parti socialiste est au pouvoir, qu’Amadou Bâ est copté par feu Ousmane Tanor Dieng, alors numéro deux du régime et bras droit du Président Abdou Diouf, pour figurer sur la liste Ps aux élections municipales. Mais c’est surtout dans la massification de l’Apr, en 2012, qu’il s’est révélé et pris sa place aux côtés du Président Macky Sall. Depuis, c’est systématiquement lui qui porte la coalition à la victoire dans la capitale (à la présidentielle de 2019 et aux législatives de 2017 comme tête de liste) généralement acquise à l’opposition. A tous ces scrutins, par son style fait de proximité et d’alliances, il gagne à tous les coups. A la Primature, Amadou Bâ exécute la vision du Président Macky Sall dans le cadre du Pap 2A, le cadre de référence de l’actions gouvernementale. Il s’est alors donné comme mot d’ordre à la tête d’un « gouvernement de combat », avec le programme « Xeyu Ndaw Ni » pour lutter contre le chômage endémique des jeunes, la baisse de certaines denrées de première nécessité, la baisse sur le loyer, la lutte contre les inondations. Dans le cadre du Pap 3, son gouvernement a élaboré un budget estimé à 7000 milliards pour 2024, à l’aune de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières en fin d’année.

Par Mouhamed Oumy LO

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