Budget 2019, choix économiques, parrainage, processus électoral, achat de conscience, ‘’One million march’’…
Amsatou Sow Sidibé est loin d’être en phase avec le Président Macky Sall sur nombre de sujets relatifs aux choix économiques, au parrainage, à l’achat des consciences, au processus électoral de manière globale. La candidate déclarée à la présidentielle de 2019 le fait savoir dans cet entretien accordé à Tribune.
Par Abdoulaye MBOW
Candidate déclarée à la présidentielle. L’Assemblée nationale vient de voter le budget pour l’année 2019 avec une hausse de plus de 300 milliards FCFA. Selon, aura-t-il des répercussions positives dans le vécu quotidien des Sénégalais ?
C’est un budget qui devrait normalement contribuer à apaiser les tensions que l’on observe à tous les niveaux. Dans le secteur de l’éducation, les étudiants sont dehors. Ceux du secteur privé sont déguerpis, faute de moyens. Il faut dire que l’Etat s’est lourdement endetté vis-à-vis du privé. Mais, notre conviction est très simple. Il y a eu cette hausse pour faire du budget, un budget de campagne. C’est un budget politique, de politique politicienne. Donc, ce n’est pas un budget de développement et de réalisation des droits les plus élémentaires des Sénégalais.
Mais, la répartition du budget a bien été expliquée par le ministre de l’Économie…
C’est toujours ainsi. Mais, nous savons combien la gestion est gabegique. On parle d’autant de moyens, mais ce qui étonne est le niveau de la pauvreté. Elle est exacerbée. Donc, nous nous posons des questions visant à savoir si ce n’est pas une pauvreté organisée pour affamer les Sénégalais et leur donner de petits montants la veille du vote et voter en faveur du pouvoir en place. Ce budget devrait normalement être utile aux populations, mais, je suis sure qu’il y aura des sommes qui seront distribuées la veille et le jour du scrutin. Donc, permettre au pouvoir actuel de mettre une pression sur les candidats et l’opinion.
Mais, à vrai dire, comment ?
N’a-t-il pas été dit que le Président passera au premier tour ? À ce propos, quel est l’outil statistique utilisé pour le savoir ? En tout cas, nous savons qu’aux dernières législatives, la popularité du pouvoir a fortement chuté en tombant à 49%. Aujourd’hui, il n’y a rien qui puisse dire que le Président sortant peut passer au premier tour. On se demande pourquoi donc le Premier ministre peut faire une telle déclaration. Je remarque qu’il y a une préparation de la pression collective. D’ailleurs, c’est pourquoi, j’invite l’opposition à faire front et à bouleverser cette tendance du pouvoir actuel. Car, il faut signaler que nous constatons que les droits des Sénégalais sont bafoués. Les Sénégalais qui peuvent dire qu’ils sont satisfaits sont très limités en nombre. La majorité est déçue.
Vous parlez d’insatisfaction des Sénégalais alors que le Président Macky Sall peut brandir son bilan que d’aucuns peuvent juger positif avec de nombreux programmes lancés…
Mais, il y a l’absence de trésorerie. Il n’ya pas d’argent dans le pays. Et, cela s’aggrave. Avec les tensions budgétaires, il ne faut pas aussi oublier que le panier de la ménagère ne peut rien supporter. L’inflation est galopante et les Sénégalais ne mangent plus à leur faim. Je pense qu’il faut une étude sérieuse pour savoir pourquoi le Sénégal est pauvre alors qu’il y a de l’argent qui est injecté. À mon avis, je pense que c’est volontaire. On veut affamer les Sénégalais pour leur faire changer d’avis le jour du vote.
Vous accusez le régime de préparer l’achat de conscience ?
Nous le vivons de plein fouet, parce que le parrainage l’a démontré. Partout où vous allez pour obtenir des signatures, l’on vous fait savoir que Bennoo Bokk Yaakar donne entre cinq mille et dix mille francs CFA. Je suis témoin, car, à chacun de mes déplacements, c’est la même question qui m’est posée par rapport à l’argent. Et, je suis au regret de dire que cela remet en cause l’image du Sénégal. C’est dire qu’il y a une atteinte même à la dignité des Sénégalais à travers ce parrainage. On accepte de présenter sa pièce d’identité, personnification juridique, pour un petit billet. Ce parrainage a totalement bouleversé ce que le Sénégal avait de plus profond qui est sa dignité.
Un tel argumentaire voudrait-il dire que vous ne pouvez pas atteindre le minimum requis pour le parrainage ?
C’est loin d’être cela. À vrai dire, le parrainage a bradé la dignité des Sénégalais. C’est bien cela. Cette loi qui est la plus mauvaise, engage le pays, les droits humains élémentaires et qui n’a fait l’objet d’aucun consensus. D’ailleurs, juridiquement, le parrainage est contraire à la Constitution. Parce que tout simplement, les conditions pour être candidat sont fixées par la Charte fondamentale, les lois et les règlements. Ils ont créé leur loi sans tenir compte de ce que dit la Constitution qui permet aux lois d’exister. Le contraire, veut dire une loi anticonstitutionnelle. C’est une loi de circonstance qui est mauvaise, qui n’est pas praticable. Sinon, comment gérer des millions de signatures. Il faut rappeler que le Président a demandé à ses lieutenants de lui apporter trois millions de signatures alors que la loi dit qu’il faut entre 0,8% et 1% du fichier. Mais, on viole même cette mauvaise loi, barbare, bizarre et secoue les fondements de la République. Cette loi peut même être à l’origine d’instabilité qui n’est pas souhaitée dans le pays.
Justement, nous avons tous entendu le discours de Serigne Mbaye Sy Mansour lors du Gamou de Tivaouane appelant les politiques à apaiser le jeu…
En tout cas, nous ne voulons pas de cette loi qui est mauvaise et qui est imposée aux acteurs. Au moment où nous parlons, nous sommes disposés à refuser ce parrainage. Il est vrai que les chefs religieux ont joué leur partition en faisant appel à la paix à la stabilité. Moi-même, je suis un apôtre de la paix et de la stabilité. Je fais partie des mille femmes du monde nominées Prix Nobel de la paix. Je suis ambassadrice de la paix et j’ai enseigné la paix. Mais, le pouvoir a voulu sauter sur l’occasion pour appeler à la paix et à la stabilité en disant aux acteurs qu’ils peuvent accéder au fichier. Mais, ce n’était pas trop sincère.
Vous considérer donc cet appel comme un bonbon pimenté ?
Effectivement ! Nous ne voulons pas de ce fichier qui est un brouillon. Nous voulons et nous réclamons un vrai fichier. Mais, dans tous les cas, parler de stabilité, il appartient au pouvoir de donner le rythme. L’opposition n’a pas d’outils pour faire des actes de violence. Et, depuis des mois voire des années, le pouvoir nous a habitué à des formes de violence. Les mesures qui attaquent directement le système nerveux des Sénégalais comme le parrainage, sont des formes de violences. Le fait de retenir le fichier électoral, d’imposer Aly Ngouille Ndiaye comme juge et arbitre, sont des violences terribles. Ce monsieur a dit que sont mentor va gagner l’élection présidentielle. C’est une forme de violence et il va utiliser des moyens peu orthodoxes. À vrai dire, il est en train de magouiller et il va magouiller.
Justement, pour faire face à toutes ces problématiques que vous ne venez de soulever, certaines personnes comptent organiser le ‘’One million march’’. Vous êtes partie prenante ?
Il faut d’abord dire que c’est le peuple qui organise cette marche. Dans l’organisation, j’en suis une «badiène» (tante : Ndlr). Ce qui veut dire que je vais y jouer un rôle fondamental. J’en fais une affaire personnelle. Cela veut dire que je m’approprie ‘’One million march’’, comme énormément de citoyens qui exigent le respect de leurs droits. Donc, dans les semaines à venir, nous organiserons à Dakar une descente avec les Sénégalais d’ici et de la diaspora. Ce que nous voulons est très simple : que le peuple recouvre ses droits, qu’il soit sensibilisé par rapport à ses devoirs. Que le peuple sache que le pouvoir lui appartient et qu’il donne. Le Président n’est pas le propriétaire de la République. Nous ne le permettrons pas. Nous allons manger et dormir dans les rues afin que nos droits nous soient ristournés. J’invite tous les Sénégalais à se joindre à nous. Nous en avons assez du piétinement de nos droits. La Constitution nous donne le droit de manifester, qui nous demande de sortir dans la rue.
Et la candidate n’oublie-t-il pas qu’elle doit travailler sur le terrain ?
Non ! Pas du tout. Là, c’est la citoyenne qui vous parle et non la candidate déclarée à la présidentielle, qui participe à l’organisation de cette marche. Nous sommes des personnes de paix. D’ailleurs, nous nous habillerons en blanc le jour de la marche. Nous ne sommes pas là pour des violences et que personne ne vienne saboter notre manifestation. Encore une fois, nous invitons tout le monde. Dans la même lancée, j’appelle les électeurs à être plus exigeants par rapport aux candidats. Le choix d’un Président doit être un choix bien réfléchi. Car, nous savons nous débarrasser d’un Président, mais nous peinons à élire un Président pour une véritable alternative. Il ne faut pas que le mauvais choix de la dernière fois se reproduise à nouveau.
Vous pensez incarner cette alternative ?
Je pourrai l’être. Celle qui pourrait changer radicalement le visage du Sénégal. Alors, je demande aux électeurs de faire le bon surtout que tout ce qui brille n’est pas de l’or.