Par Dr Diouma Diallo (Université Gaston Berger de Saint-Louis)
Jamais un prince n’a manqué de raisons légitimes pour colorer son manque de foi. (Nicolas
Machiavel)
- Parrainer pour lutter contre l’inflation de candidatures est une bonne chose, mais s’en servir pour exclure des candidats est une atteinte au principe démocratique de « l’isocratia », égalité d’accès au pouvoir. En attribuant le parrainage à la première liste à avoir déposé et en l’invalidant pour les suivantes, le Conseil Constitutionnel fait preuve d’arbitraire et d’injustice. L’équité aurait voulu que l’invalidation s’applique à tous les candidats concernés dans la mesure où la personne, auteur de parrainage multiples, est fautive et fausse les règles du jeu démocratique et mieux devrait même être privée de son droit de vote.
- Si aucune sanction n’est prise contre les personnes auteurs de parrainages multiples, c’est une lapalissade de dire que les prochaines élections seront sabotées et les parrainages multiples une arme non conventionnelle et inélégante pour éliminer des adversaires politiques. La politique n’est pas le règne de la morale, mais sans se nourrir de la conviction des « belles âmes” pour reprendre l’expression de Hegel, on peut au moins exiger un minimum de règles dans le jeu démocratique
- Faire une loi sur le parrainage et mettre en place des dispositions sanctionnant pénalement les parrainages multiples est une bonne chose, mais être en mesure de les rendre applicables c’est encore mieux. A ce rythme des doublons dans les fichiers de parrainage, ce sont des centaines de milliers de sénégalais qui seront cloués au pilori et donc sanctionnés. Avec un nombre aussi important, le doute est permis quant à l’applicabilité de cette loi.
- Il y a fort à parier que si la loi ne change pas lors des prochaines élections, le Conseil Constitutionnel sera le terrain de violences aussi bien verbale que physique, car chaque liste sera mobilisée pour être la première à déposer et se prémunir des probables voire inhérentes doublons. D’ailleurs au nom de quoi un candidat devrait-il être disqualifié si sa confiance est abusée par des citoyens qui, pour des raisons bassement politiques, économiques ou autres versent dans la pratique de parrainages multiples.
- Parrainer n’est pas voter, mais il est fort probable que le candidat parrainé soit celui du choix politique : le parrainage est une atteinte au secret du vote et donc anti-démocratique. Il aurait été plus judicieux de permettre aux citoyens de parrainer jusqu’à trois candidats au maximum afin de préserver le secret du vote et éviter les doublons préjudiciables aux potentiels candidats.
Osons le dire, avec la loi sur le parrainage nous avons un soubassement constitutionnel pour un guet-apens bassement politique. Jamais un prince n’a manqué de raisons légitimes pour colorer son manque de foi, disait Machiavel. Nous allons vers des lendemains incertains, mais ce qui est certain c’est que nous gagnerions à travailler sur un consensus fort autour de la loi sur le parrainage à défaut de l’abroger définitivement.