SENEGAL- DU MULTIPARTISME AUX FRÉNÉSIES POLITIQUES : VIVE L’AMOUR « PLATONIQUE » ENTRE POLITIQUE ET ÉTHIQUE !

Par Alassane K. Sagna

La politique chez nous est un bien commun de partage inégal et de pratique biaisée. De son sens, elle est éloignée et de ses principes nous ne retenons que laideurs et fourvoiement. Dame politique courtise par son « charme » les plus sulfureux esprits de notre République et fait accéder aux fortunes les plus insoupçonnables. Dans cette République, le politicien règne en suzerain ; ce démagogue criailleur des folles heures tient le pays au bout de son cœur : l’amour de la patrie observe une génuflexion face à celui du parti. Et que retenir des militants de ces partis rien sinon que de véritables receveurs crédules qui s’agrippent amoureusement aux « principes sacrosaints » de ces formes d’organisations. L’association de ces deux (politiciens et militants), si elle ne surpasse pas les vices congénitaux de certains partis, devient fatale à notre République qui, avec la douleur chronique de la fièvre politique, se mue en une « Rue Publique » : tout y est permis, même les idioties les plus regrettables. Le fait est d’autant plus déconcertant avec le tohu-bohu embarrassant provoqué par l’extrême profusion des partis politiques.  Avec la présidentielle du 24 février 2019 qui pointe grandement son nez, il y a là une parfaite occasion de réinterroger la pratique de la politique chez nous ; une politique très souvent dégarnie de ses plus beaux joyaux.

  • Après le multipartisme ou quand la République se mue en « Rue Publique »

D’hier à aujourd’hui, la trajectoire historico-politique sénégalaise s’est enrichit en partis politiques et appauvrit en hommes politiques d’exception comme connus aux premiers pas de notre République. Il faut se le tenir pour dit : le Sénégal est, sans conteste aucune, un champion du monde en matière de création de partis politiques. Ils sont au nombre de 267 officiellement enregistrés et ne vous fiez surtout pas à ce chiffre car il évolue constamment eu égard aux chimériques désirs de se « présidentialiser » de certains de nos con-citoyens. Non ! Nous ne répudions pas la volonté politique de ceux-ci mais à qui raisonne la réalité n’échappe guère et n’importe quel clabaud et salaud, excusez le terme, ne doit aisément obtenir un mandat présidentiel même dans une République ou le taux de politicards est des plus sinistres.  Encore nous ne leur en voulons point, pour plus grave, à ces con-citoyens créateurs d’inules partis politiques mais nous en voulons plutôt à ce multipartisme non encadré initié en 1981 par le Président Diouf dans un souci de « démocratisation ancrée » imposée par notre Mère-Nation oui encore elle : la France bien entendu. L’instauration abusive de ce multipartisme fait bon engrais à la floraison des partis dans le champ politique avec de nombreux d’entre eux qui y ont une présence insignifiante voire encombrante. Et c’est à juste titre que le « chevronné » journaliste Madiambal Diagne tient certains partis politiques en raillerie dans les colonnes de l’hebdo Jeune Afrique disant que : « le nombre total de leurs adhérents est tellement dérisoire qu’ils pourraient tenir dans le box étroit d’un télécentre » d’où le surnom de partis « télécentres » ces lieux de communication en vogue il y a quelques années seulement au Sénégal. Par ailleurs, l’analyse comparative entre le nombre de partis politiques (267 officiellement à l’écriture de ces lignes) et le nombre d’inscrits sur les listes électorales (6 millions) est favorable aux sarcasmes les plus étonnants. Mais encore, cette prolifération des partis politiques serait d’ailleurs une bonne et heureuse fortune pour notre République si et seulement si ces formations étaient sous la gouverne de citoyens-patriotes qui s’investissent pour le bien du plus grand nombre et qui, plus encore, supportent le « poids » des vêtements éthiques que doivent porter nos politiciens sans exception. Le malheur est là fort malheureusement, notre République se mue toujours en « Rue Publique » à l’approche d’échéances électorales : les politiciens de bas étage tiennent le crachoir et s’adonnent volontiers à des luttes partisanes sans merci dans l’arène politique.

  • Le leitmotiv d’une rationalisation des partis politiques : vers un « retour » à notre République

Du fait d’une foultitude de nos associations d’ « oisifs errant » ou partis politiques, l’inquiétude de voir nos acquis politiques tomber sur la bannière hante nos plus savants esprits. Il est d’une véritable clarté que des réformes doivent prendre forme dans l’optique de réenchanter le fonctionnement de notre système politique devenant de plus en plus un modèle « has-been ». Le dernier référendum en date (20 mars 2016) inclut pourtant en son point premier « la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique ». Ce point évasif et encore non opérationnalisé prouve à suffisance le caractère faux de l’intrépidité de nos politiciens. Plus qu’une décision « accessoire » portée par le parti au pouvoir, la rationalisation et la modernisation des partis politiques doivent venir de la volonté générale d’abord pour couvrir l’ensemble de la classe politique ensuite. Mais alors rien de possible si une grande partie du peuple se fout royalement de ces politiciens et de leurs bonnes « intentions » pour la Nation. Le cas est alarmant : la rationalisation des partis politiques ne semble point être un sujet à discussion chez nous, elle est loin d’être une priorité institutionnelle bien qu’étant un leitmotiv omniprésent dans les discours de nombreux politistes.  Au nom d’une prétendue démocratie, nos dirigeants se donnent le loisir de soutenir la création de partis « télécentres » qui, in fine, ne serviront que de foires à « bétails électoraux » dont la transhumance vers l’autre prairie (parti au pouvoir) ne se fait guère en longueur de temps puisque l’herbe y est plus verte. Un autre fait probant qui vient témoigner de l’inconvenance promue et de l’amour « platonique » entre politique et éthique au sein de notre République. Que cette phrase soit retenue de ce cri du citoyen: les partis politiques font le « corps » d’une République démocratique ; ils en sont les cellules dont les membranes cytoplasmiques ont pour noyaux l’éthique sans laquelle cette République vacille jusqu’à sa mutation en « Rue Publique ».

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