Tidiane Sène, membre fondateur du Pds «Wade et ses fils. Ce qui a vraiment perdu le Pds…»

Membre fondateur du Parti démocratique (Pds), Tidiane Sène connait mieux qui quiconque cette formation qui a vécu vingt-six ans dans l’opposition et douze années au pouvoir. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il revient de long en large sur les problèmes traversés par cette formation politique, Me Wade et ses vrais hommes, mais aussi ceux qui ont perdu le Pds. Non sans dire qu’Ousmane Ngom était fait pour succéder à Me Abdoulaye Wade

Entretien réalisé par Abdoulaye Mbow (actunet.sn)

Militant du Pds depuis 1974. Quelles choses inédites pouvez-vous dire sur Me Wade ?

Je dois dire que j’ai beaucoup parlé de l’homme dans mon livre intitulé ‘’il était une fois Wade et moi’’. Je dois dire que c’est un homme multidimensionnel, qui est immensément cultivé. Mais, si je dois dire des choses inédites, c’est de rappeler qu’il avait l’habitude de faire des pronostics politiques par rapport à ce qui allait se passer. Il suffisait d’attendre un, deux ou trois mois pour se rendre compte que ce qu’il disait s’est passé. Je dois aussi dire qu’il y avait des franges qui acceptaient tout ce qu’il disait. Par contre, d’autres réagissaient à sa déclaration en disant niet à Me Wade en proposant d’autres choses. Mais, à chaque fois, le temps donnait raison à Me Wade. En réalité, il était un génie dans la prospection.

Entre Wade dans l’opposition et Wade au pouvoir, qui étaient ceux qui osaient lui tenir tête ?

Il y a pas beaucoup ou étaient très souvent écartés. Je ne dis pas que c’est Wade qui les écartait, mais plutôt des gens de son entourage qui jouaient des rôles assez graves. Les vrais militants qui se battaient pour lui et sans jamais rien lui demander, n’étaient pas nombreux. Plusieurs personnes qui se sont données à fond, ont été largués. Moi-même une fois, après avoir fait une accolade à Me Wade au palais, des gens m’ont dit que je serai mis carrément de côté. Pourtant, c’est moi qui était dans son cabinet de 1974 à 1988 avant que les Pape Samba Mboup et autres comme Farba Senghor ne viennent me remplacer. Par la suite, je suis parti en France. Wade est un homme trop bien, mais malheureusement mal entouré tout le temps qu’il était au pouvoir.

Que pouvez-vous dire sur Pape Samba Mboup et Farba Senghor, exclus du Pds ?

Ils peuvent bomber le torse, hausser les épaules et faire même leurs panégyriques, mais ils ont venus vers au milieu des années 80, début 90, alors que nous y étions depuis 1974. A vrai dire, les vrais militants du Parti démocratique sénégalais (Pds), ceux qui ont véritablement vécu les années de braise ne se nomment pas Pape Samba Mboup ou Farba Senghor. Et, ils n’ont jamais eu un poids reconnu au niveau du Secrétariat national. Les véritables combattants, c’était le groupe de Ndiamé Diop, Jean Paul Dias, Boubacar Sall, entre autres qui refusaient certaines décisions de Me Abdoulaye Wade.

Entre temps, avez-vous rencontré Me Wade ?

Pendant plus de vingt ans, mon seul vœu était de rencontrer Me Wade pour lui dire que son vrai fils putatif était Ousmane Ngom. Pour moi, c’était l’homme qui devait le remplacer à la tête du Pds.

Pourquoi ?

Il a toujours été un militant de la première heure et Me Wade nous disait souvent qu’Ousmane Ngom connaissait le parti mieux que quiconque. Il y avait Serigne Diop qui n’avait pas son égal dans le parti, mais malheureusement, il est parti. D’ailleurs, on parle de 1998, mais l’histoire a été galvaudée. Il avait subi les foudres de l’entourage de Wade. Sans oublier la dualité entre lui et Idrissa Seck. Ce qui est sûr, l’un est superbement intelligent et l’autre superbement doué. Wade qui est au dixième étage, s’il appelait les deux à le rejoindre, Idrissa Seck très fin, prendrait les ascenseurs et Ousmane Ngom, les escaliers. En réalité, ils sont des compléments qui devaient travailler ensemble. En tout cas, nous devons travailler pour une réunification de l’école de Me Wade.

Selon vous, qu’est-ce qui accéléré la chute du Pds ?

La chute a réellement commencé quand le Pds a commencé à tenir ses réunions au Palais. La Génération du concret a aussi participé à cette chute. Le journal qui défendait plus Me Wade et conduit par Ndiogou Wack Seck n’était pas acheté par les ministres de Wade. Au sein même du Pds, il y avait des gens qui combattaient Wade. Je veux dire qu’une fois au pouvoir, le Pds n’a plus travaillé pour le Pds. Ceux qui étaient dans les postes de responsabilités n’étaient plus accessibles et les militants ne le voyaient même pas. Leurs portables étaient éteints. Mais, les Sénégalais ont regretté de n’avoir pas voté pour lui en 2012 car, deux ans après, c’est un million de personnes qui ont accueilli Wade en l’accompagnant de l’aéroport à sa permanence.

Comment le Pds peut devenir une véritable force politique ?

Il faut qu’Abdoulaye Wade comprenne qu’il n’a que des fils dispersés. Donc, il doit rassembler tout le monde. Il ne doit laisser personne derrière, mais faire revenir tout le monde. En tout cas, tous ceux qui voudront bien revenir et rebâtir le Pds. Ce qui sûr, en ce qui me concerne, Me Wade sera éternellement mon guide politique. Les fils ne manquent pas. Je me rappelle de Lamine Bâ qui est parti ou encore de Modou Diagne Fada. Le Pds doit se réarmer, se restructurer puisque cela fait au moins vingt ans que l’on en parle. En tout cas, certains ont beaucoup travaillé pour avoir une base.

Abdoulaye Mbow (actunet.sn)