Baaba Maal a encore attiré l’attention sur la tragédie au Burkina, au Mali et au Niger, où a lieu « l’une des pires crises humanitaires au monde ».
J’ai porté la voix de ce Sahel qui, pendant des années, a nourri ma musique et ma poésie. Je me dois de l’élever pour appeler le monde à mettre fin à la misère et à la souffrance qui déchirent cette terre. Des millions de personnes ont dû fuir leurs maisons et leurs racines. Femmes et jeunes filles violées. Enfants forcés d’assister à l’exécution de leurs parents. Ecoles attaquées et fermées. Centres de santé réduits en cendres. Les causes sont multiples.
Le résultat ? L’une des pires crises humanitaires au monde. Plus de 2,7 millions de personnes déracinées, 20 fois plus qu’il y a deux ans. Quelque 3,5 millions de personnes ont désespérément besoin d’aide – de l’eau, de la nourriture, un abri, un accès à la santé et, par-dessus tout, vivre en paix. Cette crise n’est pas celle de chiffres, car derrière chacun d’eux, il y a des êtres humains.
Cette crise se déroule en silence, les cris et les pleurs des victimes étouffés par une indifférence mondiale à laquelle il faut mettre fin ! L’escalade de l’horreur et des attaques meurtrières menées par des groupes armés contre mes frères et sœurs au Burkina Faso, au Mali et au Niger a réduit au silence nombre d’entre nous. Aujourd’hui, je veux dire ce que j’ai sur le cœur, que j’ai brisé, et faire résonner ma voix. En tant que sympathisant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et témoin de l’ampleur du déplacement forcé qui frappe ma région, je veux que ma voix puisse attirer l’attention sur la tragédie qui s’y déroule. Que le monde la voie, la regarde.
Mardi 20 octobre, les gouvernements du monde entier se retrouvent virtuellement à Copenhague pour se mobiliser concrètement en faveur d’actions et d’un appui financier pour le Sahel. En tant qu’acteurs humanitaires qui, à l’image du HCR, s’efforcent de répondre aux besoins sans cesse croissants des communautés déracinées et de leurs hôtes, nous devons appeler à mettre fin à cette violence. C’est aujourd’hui le moment de rappeler le sentiment d’urgence face à une crise encore trop largement ignorée. C’est maintenant le moment d’agir.
Il y a peine deux semaines, au Burkina Faso, des assaillants ont assassiné 25 hommes devant leurs proches, femmes et enfants, alors qu’ils pensaient pouvoir rentrer chez eux, rattrapés par cette violence qu’ils pensaient avoir fuie. Ces mêmes groupes armés utilisent les violences sexuelles comme une arme et ont forcé 3 600 écoles à fermer dans la région.
Une pandémie qui plane sur les plus pauvres
Soyons clairs : le Sahel était déjà au bord du point de rupture. Les communautés qui sont en première ligne faisaient déjà face à une pauvreté extrême et à l’insécurité alimentaire. Les conflits, les changements climatiques et la pandémie de Covid-19 se sont additionnés pour dévoiler encore davantage les vulnérabilités de notre région.
Nous sommes tous témoins du changement climatique. Son impact au Sahel est particulièrement dévastateur, visible et immédiat. Il affecte les précipitations et accroît la fréquence et l’intensité des inondations, des périodes de sécheresse ou des tempêtes de sable. La saison des pluies s’achève seulement et les récentes inondations ont causé des dizaines de morts à travers la région et laissé des centaines de milliers de personnes sans abri ni accès à l’eau potable. Pire, elles ont détruit les infrastructures de santé et les cultures, aggravant davantage le manque de nourriture et la vulnérabilité des fermiers et de leurs familles qui dépendent de ces récoltes pour survivre.
A cette situation d’ajoute la pandémie de Covid-19. Si l’éventail de mesures prises pour en contenir la progression a permis de limiter le nombre de cas à 6 700 dans le Sahel central, les mesures de confinement ont contribué à pousser 6 millions de personnes de plus dans une extrême pauvreté. Parmi elles, 4,8 millions – et la moitié sont des enfants – ont un besoin urgent d’assistance alimentaire. L’impact socio-économique du coronavirus s’apparente à une autre pandémie qui plane sur les plus pauvres, à travers le monde et pour des décennies à venir.
Le temps nous est compté et s’écoule dans le sablier du Sahel. Ma plus grande crainte est que ces discussions et ces engagements ne se concrétisent pas par des actions. Nous devons lever notre voix pour nous assurer que les populations déplacées et réfugiées ne soient pas abandonnées !
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