RAMADAN ET MAUVAISE HUMEUR – L’art de s’emporter…

Nombreuses sont les personnes qui prennent le mois sacré du Ramadan comme excuse pour expliquer leur mauvaise humeur ou leurs fréquentes et subites colères. Les avis diffèrent quant à ce comportement qui prend beaucoup d’ampleur pendant la période du jeûne. 

Par Rokhaya Nar DIOP

Se priver de nourriture du matin au soir, déteint inéluctablement sur l’attitude du jeûneur. La mauvaise humeur est celle qui est la tendance la plus partagée et qui s’explique par la gêne que suscitent les privations qu’exige le mois de Ramadan. Une situation déplorable et antipathique qui ne reflète pas l’esprit de ce mois béni.

«J’ai l’impression que le mois de Ramadan fait davantage ressortir l’instinct grégaire de l’homme, surtout avant l’heure de la rupture du jeun. Je remarque que les gens s’énervent pour un rien et deviennent souvent agressifs», peste Ramatou. Même son de cloche chez Diallo qui a assisté à trois disputes et bagarres en l’intervalle d’une heure le premier jour du Ramadan et ce, avant l’heure de la rupture du jeun : «Je trouve que c’est normal, car quand on a faim le taux d’adrénaline monte», essaie-t-il de convaincre. En réaction, il indexe le manque de tolérance des uns et des autres, surtout dans la circulation, où les bouchons chauffent les nerfs à blanc.

C’est de l’indiscipline pure et dure, selon l’avis de M. Ndiaye, qui pense qu’il y a un manque de respect notoire à jeuner et de cultiver une sensibilité à fleur de peau : «dañu yébaté». Pour lui, quand on respecte les gens, on obtient leur respect en retour, car on sait bien se tenir par éducation : «la colère doit être bannie. Si on doit jeûner et s’accommoder de sa mauvaise humeur, il est préférable de s’abstenir de jeûner. Le jeun est une question de foi, donc on doit le faire avec un cœur pur enclin à Dieu et non sous la contrainte. Il n’y a pas lieu de faire du suivisme en matière de jeun, car tout le monde sait ce qu’il en est pour bien le faire». Et de terminer : «c’est lâche de manifester de la mauvaise humeur et déverser sa bile de la sorte».

Dans la philosophie du rasta, n’est-il pas dit qu’un homme qui a faim est un homme en colère ? C’est dans ce sens que le doyen A. Sall comprend cette attitude des gens en jeun durant le Ramadan, et d’avouer : «Parfois, je suis sous l’emprise de la colère, mais je le regrette tout de suite après». Cependant, il persiste et signe en raillant que de toute façon, «bonne humeur et faim ne font pas bon ménage». La privation en nourriture et boisson est une explication à cette attitude observée chez certains. Mais de l’avis d’Aïcha, grande sœur d’un accroc au tabac, l’état de manque causé par l’accoutumance à la nicotine est la principale raison de cette mauvaise humeur chez cette catégorie : «en prenant le cas de mon petit frère qui est un grand fumeur, qui consomme en moyenne dix à 20 cigarettes par jour. On sait que la nicotine peut jouer sur le système nerveux du fumeur. Elle peut avoir un effet calmant ou excitant selon l’état d’esprit de ce dernier et selon la quantité de nicotine absorbée. J’en ai la confirmation». D’après elle, son frère, après la rupture, retrouve sa joie de vivre quand il a fumé. Incapacité du contrôle de soi ou intolérance comme disent certains ? Pour Maguette, «mon mari est insupportable quand il a observé le jeun. Il se met à crier sur les enfants et ne cesse de me faire des remarques qui sont désagréables à entendre toute la journée», nous confie-t-elle. Sa mauvaise humeur ne dure cependant, dit-elle, que le temps du jeun. «Après la rupture, il s’excuse et redevient normal. Il a horreur d’avoir faim et il le reconnaît».

Le caractère désagréable et la manifestation de sa mauvaise humeur est un comportement indécent en Islam, car ça va irrémédiablement à l’encontre des préceptes, et doit être banni chez le croyant qui consacre son jeun à Dieu. Le Ramadan doit être vécu comme une période de pénitence certes, mais doit être accompagné de foi et de piété qui sont les meilleurs habits pour se consacrer à Allah (SWT). Un mois béni pendant lequel tous les musulmans multiplient leurs actions de grâces, bonnes œuvres, prières et douas (vœux pluriels). Mais aussi et surtout, il est recommandé de lire plus souvent le Coran durant ce mois et entretenir les meilleures relations avec les autres croyants.