Papa Tossou, doyen de la famille Tossou, pour ce qu’il a confié à BBC Afrique au téléphone, a des incisions cutanées au front, sur les deux joues et près des deux oreilles. Ces scarifications sur le visage, appelées communément 2×5, est identitaire aux Peda, une ethnie qu’on retrouve au Sud du Togo et du Bénin.
A l’origine, cette ethnie s’appelait Houeda. Ce sont les ancêtres de Houeda qui ont fondé la ville de Ouidah au Bénin, selon Prof Tanai Aboubakar, historien, chef du Département d’histoire à l’Université de Lomé au Togo. C’est dans l’évolution sociologique que cette ethnie a pris le nom Peda, selon l’universitaire.
Mais le doyen de la famille Tossou indique que ses enfants ne portent pas ces incisions comme lui. « Ils ont tous refusé de se faire inciser. A l’époque, j’ai été interpellé à plusieurs reprises par mes frères et oncles du village qui m’accusent de n’avoir aucune autorité sur mes propres enfants », témoigne-t-il, ajoutant que cela a créé des malentendus dans la famille à un moment donné.
Pour cette ethnie, selon M. Tossou, il faut que chaque enfant appartenant au clan porte ces marques sur son visage pour être protégé par le vaudou « dan » qui est généralement appelé python. Et cela doit se faire dès la venue au monde de l’enfant.
Il ajoute que ce signe particulier qui identifie sa communauté est en train de disparaître « parce que non seulement mes enfants ne le portent pas, mais leurs enfants non plus. Donc on perd les traces de cette marque de génération en génération ».
Il dit être néanmoins conscient de ce que cela représente pour les enfants aujourd’hui, avec les stigmatisations liées aux scarifications dans la société et les débats dans les familles conservatrices, avec le conflit de génération auquel on assiste.
Comme dans la famille de Papa Tossou, on distingue ces genres de conflit dans de nombreuses familles en Afrique. Les enfants refusant de pratiquer ces rites qu’on pense aujourd’hui “démodés” ou ”dépassés”.
Scarification : quel sens ?
Chaque groupe, communauté ou clan a toujours lutté pour son existence ou son affirmation à travers le temps. Et donc chaque individu né au sein de ce groupe, selon les anciens, doit porter des cicatrices ou des marques qui font de lui un pur produit appartenant au groupe.
Dans son livre intitulé ‘Carte d’identité’, l’écrivain ivoirien Jean-Marie Adiaffi écrivait : « Ta carte d’identité! ! Ta carte d’identité ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire de carte d’identité ? Regardez-moi bien. Sur cette joue, cette marque que vous voyez, c’est ma carte d’identité. J’ai sur mon corps d’autres marques qui concourent à la même démonstration. Tout ici constitue ma preuve et ma carte d’identité. Puisque tout ici atteste ce que je suis, qui je suis ».
La scarification, selon l’anthropologue Tanai Aboubakar, est une incision cutanée pratiquée sur la peau, le plus souvent au visage, qui laisse des cicatrices destinées à symboliser l’appartenance à un groupe ou à un clan.
Selon lui, les Africains faisaient cette pratique au temps de l’esclavage pour fuir les esclavagistes. Les parents marquaient donc leurs enfants pour échapper à la chasse des négriers, puisque ces derniers se détournaient des individus marqués qu’ils considéraient comme des « marchandises » non acceptables. « Et cette tradition a été maintenue jusqu’à nos jours », souligne-t-il.
Au-delà de cette époque, les communautés ou les groupes ethniques ont maintenu la scarification pour s’identifier à travers leurs descendants. Cela permet, selon Dr Idossou Barthelemy Babalao, sociologue anthropologue, enseignant-chercheur dans les Universités au Bénin, une consolidation au sein même du groupe.
« Je travaillais sur un chantier au Nigeria en 1986 lorsque deux jeunes se sont présentés, à la recherche du travail. Quand j’ai vu l’un d’eux porter la marque de 2×5, j’ai su immédiatement qu’il était des nôtres. Effectivement, il était peda comme moi. Vous comprenez, monsieur le journaliste, que je ne pouvais pas le laisser partir ainsi que son ami qui l’accompagnait », témoigne Papa Tossou.
C’est pourquoi, ajoute-t-il, il n’a jamais aimé le fait que ses enfants rejettent cette tradition que les ancêtres ont pourtant laissé à la progéniture.
« Tu es de quel clan ? »
C’est cette question que les traditions africaines avaient voulu éviter en marquant leurs produits (enfants), selon Awlo Fousseni, membre de la communauté Tem, une ethnie au centre du Togo qui renferme en son sein plusieurs clans. Ce qui donne une multitude de scarifications au sein de cette ethnie.
C’est ainsi que ces incisions servent à reconnaître chaque clan à travers les enfants. « Même très loin de sa terre natale, l’enfant est reconnu facilement. Les personnes qui connaissent cette ethnie ou ses propres frères éviteront de lui poser la question ‘tu es de quel clan ?’ », explique M. Fousseni.
Selon Napo Labodja, journaliste et chercheur sur la culture Tem, ces signes ou cicatrices qui décoraient les corps étaient souvent d´une grande importance. « Non seulement ces scarifications servaient de décoration corporelle, elles symbolisaient un clan, désignait l´appartenance à une classe sociale spécifique, les adeptes d´une divinité ou bien c´étaient des cicatrices infligés à un patient pour soigner une maladie, ou plus loin pour protéger un individu contre les esprits maléfiques, surtout les enfants ».
Les “Bicambi” (Bassar, au Nord du Togo), selon lui, ont porté pendant des siècles des balafres. « Mon grand-père en avait sur sa joue gauche, ma mère a une marque verticale sur son front et ses joues ».
Il ajoute : « Pendant longtemps les scarifications claniques ont été visibles sur les corps et surtout sur le visage des Bicambi et faisaient partie de leur culture. Leurs significations étaient dépendantes des clans et permettaient d´identifier les membres au cours des conflits, guerres et même pour distinguer les intouchables pendant l´esclavage ».
Chez les Peda qui sont une ethnie qu’on rencontre aussi bien au Sud du Togo que du Bénin, les membres sont identifiables par des incisions communément appelées 2×5. Cela vient du vaudou « dan » (le python) qui porte ces cicatrices au visage, selon les recherches sur cette ethnie.
« Je porte la scarification de mon ethnie Peda. Et j’en suis fière. Partout où je vais, ceux qui connaissent cette ethnie m’appellent pedato, c’est-à-dire qui appartient à peda. Il y en a qui me regarde bizarrement à cause de ces incisions au visage, mais je ne fais pas attention à eux, j’affirme mon identité à travers ça », Confie Christelle Hodessi, étudiante à l’Université d’Abomey Calavi à Cotonou au Bénin.
Elle ajoute : « La légende racontée par notre grand-père indique qu’un fils peda a été kidnappé par ceux qui font des sacrifices humains. Mais à chaque fois qu’ils essayaient de lui couper la tête, les malfaiteurs voyaient apparaître un gros python autour de son coup. Un serpent qui est notre totem. Parce que le jeune garçon avait été scarifié et portait notre marque au visage. Paniqués, les malfaiteurs l’avaient laissé partir ».
Dans cette ethnie, tout enfant qui nait, même s’il n’a pas la scarification, est marqué de façon invisible, selon Papa Tossou. « Parce qu’il appartient à la lignée ‘dan’ qui le protège partout où il va ».
Ce que revêt la scarification dans les traditions africaines
Les groupes ethnies en Afrique choisissent la scarification pour :
- L’identification : dans les sociétés traditionnelles africaines, les groupes ethniques sont préoccupés par l’identification de leurs membres. Et donc chaque individu est reconnu par la marque que porte ce groupe.
- La thérapie : Selon l’Anthropologue Dr Barthélémy Babalao, certaines ethnies, pour éliminer une certaine maladie du milieu de leur communauté, font des incisions sur le corps de leurs membres et y mettent des produits naturels comme des herbes ou plantes pour la guérison ou la prévention à cette maladie. « Ces produits sont utilisés en guise de vaccin naturel pour renforcer le système immunitaire de l’individu ou la personne membre de la famille ou du groupe ethnique. La scarification devient donc une sorte de thérapie pour ces différentes communautés », dit-il.
- La spiritualité : Cela se fait voir dans certaines communautés religieuses dans la société traditionnelle africaine. Les adeptes portent des cicatrices qui les identifient au culte auquel ils appartiennent. « Ça permet d’identifier un groupe religieux donné aux fidèles d’autres groupes religieux. On peut le placer dans le sens d’identification, mais ici c’est plus spirituel », révèle Dr Babalao.
Quelques scarifications chez certains groupes au Nord/Centre du Togo
Les Tem font partie des plus grandes ethnies du Togo (au centre du pays). On trouve chez eux de cicatrice spirituelle oblique sur la joue gauche et au-dessus des seins chez un garçon. Chez une fille c’est une cicatrice verticale sur le front et trois sur chaque joue.
En pays Ncam, toujours au Nord du Togo, les femmes tout comme les hommes portaient des balafres en signe de symbole de beauté corporelle ou des cicatrices de protections spirituelles. Chez les Konkomba, voisins des Ncam, par contre la grandes partie des scarifications désignaient l´appartenance clanique, ceci n’excluait pas leurs significations spirituelles.
Ces scarifications identitaires étaient souvent appliquées à bas âges, souvent au moment de la circoncision chez les garçons et pour les filles, il était important d’être balafrée avant le mariage. Chez une fille en maturité il est appliqué trois scarifications horizontales sur chaque côté de son nombril. Les cicatrices étaient souvent réalisées avec les pierres taillées, lames de couteau ou bien même les verres.
Les « Wazam » sont les scarificateurs et les praticiens de la circoncision en pays TEM. Il y a plusieurs types de scarifications ; sur les visages, sur le ventre et certaines parties du corps pour soit des raisons identitaires ou pour conjurer de mauvais sort et traiter les maladies graves. La plupart des scarifications pratiquées en pays TEM au centre du Togo sont généralement des identifiants des clans et des origines lointaines de ces personnes.
« Un type de scarification utilisé par les membres du clan Mola et le Fafana (Fofana), c’est 3 traits verticaux sur chaque joue, partant du cuir chevelu jusqu’au menton. Ce même type de scarifications est aussi pratiqué par les Gourma de la région des Savanes et du Burkina Faso, les Tem du clan Mola ont des origines Gourmantché. Il ne s’agit pas d’une cérémonie, mais des signes identitaires », explique Napo Labodja.
Un autre type de scarification, selon lui, c’est un petit trait vertical sur le front. Ce type identifie les membres du clan Meŋdè. Selon l’histoire, cela retrace leurs origines en pays Kanouri au nord du Nigéria et au sud du Tchad.
« Un type qui est pratiqué autant par les Tem que par les Kabyè, c’est 3 courtes scarifications sur le milieu de chaque joue ».
Il existe aussi une scarification unique faite sur une seule joue. Elle s’appelle “Baŋ-lé”. Étant donné que le même terme est utilisé par les Haoussa pour désigner le même type de scarification faciale, on peut supposer que c’est un emprunt auprès des migrants Haoussa qui traversaient le pays Tem au 18e et 19e siècles dans le cadre de la route du cola, ajoute-t-il.
Il indique qu’il y a une autre forme de scarification qui concerne les membres du clan Ouattara. Il s’agit de 3 petits traits partant de chaque extrémité de la bouche vers le haut (sens oblique).
« Les balafres des clans : les fafana, mola : quatre ou 5 longs traits depuis la tempe jusqu’en bas des joues. Le Sinka tchekiti : contre les sursauts du nouveau-né ou l’épilepsie : 3 petits traits aux tempes, dans le creux du coude, sur le revers de la main, sur la surface du pied ».
On peut également, poursuit-il, évoquer l’excision pour le TEM qui est pratiquée par des femmes douées de certaines compétences spirituelles. Elles s’occupent aussi de préparer la jeune fille qui a des déficits dans les prédispositions gynécologiques, on dit usuellement « arrondir la hanche ».
Cette valeur pratiquée pendant longtemps dans les sociétés traditionnelles en Afrique et qui permettait d’identifier les clans et groupes ethniques tend à disparaître aujourd’hui au profit de la modernité.
L’influence de la modernisation sur cette pratique
Les sociologues et anthropologues affirment qu’il existe toujours un débat qui se mène autour de cette pratique dans les sociétés africaines. La jeune génération, encline à la modernité et se réclamant d’une certaine nouvelle civilisation, refuse de se faire scarifier.
En face, des conservateurs de cette tradition optent pour le maintien de la pratique pour une affirmation de l’identité africaine. Deux générations qui s’affrontent donc autour de la scarification.
Aujourd’hui, rares sont les parents qui acceptent de scarifier leurs enfants, alors qu’eux-mêmes l’avaient été par le passé. Les raisons souvent évoquées, c’est que la période de marquage des enfants est révolue.
« Le monde a changé. Il est inutile de s’enfermer dans des pratiques qui n’apportent en réalité rien à la communauté », indique Alfa Sourou de la communauté Tem qui dit n’avoir pas pratiqué la scarification sur ses enfants alors que lui-même a des cicatrices au visage.
Stigmatisation
« Notre monde moderne tend à faire disparaître la scarification, parce que parfois les personnes scarifiées se voient étiqueter. Et ces personnes elles-mêmes se disent que leur corps perd une certaine esthétique. C’est pourquoi dans certaines familles, on bannit la scarification », souligne Dr Barthélémy Babalao.
La stigmatisation dont sont victimes certaines personnes scarifiées amènent surtout les parents à refuser la pratique. « A l’école ou dans certains rassemblements, les enfants qui ont ces cicatrices au visage subissent des moqueries de leurs camarades ou amis. Certains même sont agressés parce qu’ils font partie de telle ou telle ethnie que d’autres n’aiment pas voir », déclare-t-il.
Aklezou Mambaféi que nous avons interrogé, dit qu’il a failli se faire lyncher lors des violentes manifestations à Lomé dans les années 90 contre le régime d’Eyadéma Gnassingbé avec qui il partage les mêmes cicatrices, et donc la même ethnie.
Il raconte : « En 1990, j’ai failli perdre ma vie à cause de mes cicatrices. Parce que je suis Kabyè, comme le président qu’ils contestent dans les rues de Lomé, des gens pensent qu’ils doivent m’éliminer pour lui faire mal. C’est comme ça les gens sont facilement repérables et sont souvent soumis à des vindictes. Donc pour ne pas être facilement identifiés, comme appartenant à une telle communauté, les gens ont décidé de ne plus faire des scarifications ».
Une situation que regrette également le chercheur Napo Labodja. « Si à l´époque de nos parents, porter les balafres était une fierté, une exposition consciente de son clan et q’on se permettait même de se marrer des amis qui n´en possédaient pas, aujourd’hui c’est l’inverse qui se passe ; car cette pratique est vue de nos jours comme une barbarie ».
Christelle Hodessi reconnaît, malgré la fierté qu’elle affiche aujourd’hui, qu’il fut un moment, elle avait voulu enlever les cicatrices par la chirurgie esthétique, mais n’avait pas suffisamment de moyen pour se permettre cette opération. « Mais aujourd’hui, ça va. Je gère », déclare-t-elle dans un rire.
Rejet de la pratique dû à la conversion à la foi chrétienne par certaines personnes
L’un des facteurs qui concourent à la disparition de la scarification reste la poussée du christianisme, avec le foisonnement des églises dites « réveillées » aujourd’hui en Afrique, selon les deux sociologues interrogés. Ces églises drainent de multitudes de gens qui laissent la tradition africaine pour se conformer aux préceptes de la foi chrétienne, surtout qu’on pense que ces incisions cutanées appartiennent au culte vaudou, et donc une pratique satanique, selon le sociologue.
« Se faire scarifier aujourd’hui est perçu comme on n’est pas à la mode. On trouve ces cicatrices comme appartenant à un autre siècle, et donc la personne qui les fait est considérée comme toujours attachée aux cultes vaudou. Cette personne est marginalisée et stigmatisée dans la société. Qui ne veut pas être considéré comme au fait de la nouvelle civilisation ? », souligne Papa Tossou qui ajoute que le christianisme éloigne « nos enfants de la tradition ».
L’enseignant-chercheur dans les universités au Bénin ajoute de son côté qu’il y a même dans certaines églises des séances de délivrance organisées pour « libérer des gens de l’esprit de l’ethnie qu’on aurait mis dans la personne » lors de la scarification.
« Donc on peut comprendre pourquoi des gens se sentent gênés de porter ces cicatrices en allant à l’église ou tout simplement en vivant dans certains milieux donnés », indique-t-il.
Napo Labodja regrette qu’aujourd’hui, chacun vit sa marque faciale entre fierté et embarras. Certains clans continuent de faire usage des balafres, dans le respect de la tradition et des règles hygiéniques. Même s’il y a une volonté de porter les scarifications, les regards des badauds dans les rues, les commentaires ennuyants, les moqueries dans les écoles rendent parfois le quotidien des balafrés compliqué, selon lui.
« La nouvelle génération “bicambi” ne se daigne plus d’accepter cette méthode de référence clanique qui doit passer par les traces sur le visage, qu’ils qualifient d’archaïque. Les derniers balafrés sont de nos jours âgés de plus de 40 ans, ainsi la modernité aurait eu raison sur cette vieille tradition ancestrale face à l’ère où de la carte d’identité et d’enregistrement numérique sont en vogue ».
Tous ces préjugés conduisent certaines personnes scarifiées à recourir à la chirurgie esthétique pour enlever ces cicatrices.
La part des organisations des droits de l’homme et de l’enfant
Des associations et ONG intensifient aujourd’hui des sensibilisations et vont parfois jusqu’à demander aux parents d’abandonner la pratique, selon l’enseignant-chercheur.
« La modernité avec ses libertés de choix, les règlements gouvernementaux avec la lutte contre la “mutilation des enfants”, les croyances étrangères et surtout les campagnes de sensibilisation sanitaires qui pointent du doigt l’usage des matériaux non désinfectés pouvant provoquer les maladies contagieuses, telle que le SIDA ou bien le Tétanos ont presque anéanti cette image culturelle en pays ncam », dit M. Labodja.
Beaucoup de ces ONG trouvent que de l’enfant est brimé dans ses droits. « Ces ONG font des sensibilisations jusque dans les familles. Elles expliquent à ces communautés que ces enfants n’ont pas demandé à être scarifiés. Et donc on devrait respecter leur volonté. Ces militants des droits de l’homme voient cela comme une mauvaise pratique qui va à l’encontre des droits de l’enfant », explique Dr Barthélémy Babalao.
Elles évoquent surtout des instruments nationaux et internationaux ratifiés par les Etats pour la protection de l’enfant, et de l’homme en général.
« Ce sont tous ces facteurs qui militent aujourd’hui à la disparition de la scarification dans les sociétés traditionnelles africaines ».
Cependant, Dr Babalao pense que la scarification est une valeur à conserver. « D’autant plus que nos grands-parents qui avaient instauré cela, l’ont fait pour pérenniser leurs générations. Aujourd’hui avec la mondialisation et la modernisation, cela est en train de disparaitre malheureusement ».
Il pense qu’on peut faire des plaidoyers pour initier des règles et des normes autour de la pratique afin de la maintenir dans les communautés en Afrique. « Ce serait une bonne chose pour les différents groupes ethniques dans nos pays ».
« Par exemple, quand tu rencontres un Bariba, une ethnie au Nord du Bénin, dans un autre pays, tout simplement à travers la scarification, tu sais en même temps le clan auquel il appartient. Et deux individus de cette ethnie qui se rencontrent ailleurs peuvent se soutenir et s’entraider », note le sociologue.
Scarification et tatouage
L’anthropologue béninois souligne que les deux pratiques servent à l’identification ou à la catégorisation d’un individu au sein d’une communauté. Mais le tatouage est la forme moderne qu’on voit aujourd’hui dans nos sociétés, avec les jeunes personnes qui sont de plus en plus enclines à se faire tatouer le corps avec divers dessins.
« Quand on rentre un peu dans la genèse même du tatouage, l’objectif fondamental n’est rien d’autre que de pouvoir identifier certaines personnes au sein de la société », fait savoir Dr Babalao.
Napo Labodja constate d’ailleurs un intérêt des jeunes de se faire tatouer ou bien de porter les piercings ces derniers temps, comme nouvelle mode, car pour eux cette pratique est perçue comme « moderne et civilisée », « bien qu’elle aussi aurait des origines africaines et non américaines où encore moins européennes comme on le voit dans les clips de musique.
« Qui sait, peut-être les siècles prochains les jeunes européens ou bien américains commenceront par porter les balafres sur leurs visages comme “symbole de beauté” et cette culture ensevelie renaîtra sur la terre de nos aïeux. Ceci s’avère évident puisque les jeunes trouvent tout mode de vie venant de l’Europe ou de l’Amérique comme de bonnes mœurs pour la société ncam », projette-t-il.