{"id":68048,"date":"2017-09-04T12:54:54","date_gmt":"2017-09-04T12:54:54","guid":{"rendered":"http:\/\/actunet.net\/?p=68048"},"modified":"2017-09-04T12:54:54","modified_gmt":"2017-09-04T12:54:54","slug":"serigne-abdou-fatah-mbacke-trajectoire-exceptionnelle","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/actunet.net\/actualite\/serigne-abdou-fatah-mbacke-trajectoire-exceptionnelle\/","title":{"rendered":"Serigne Abdou Fatah MBACKE &#8211; Une trajectoire exceptionnelle"},"content":{"rendered":"\n<!-- Quick Adsense WordPress Plugin: http:\/\/quickadsense.com\/ -->\n<div class=\"e4da825301e49ae160c5aa77f2775d0d\" data-index=\"1\" style=\"float: none; margin:10px 0 10px 0; text-align:center;\">\n<script data-ad-client=\"ca-pub-7606738817238435\" async src=\"https:\/\/pagead2.googlesyndication.com\/pagead\/js\/adsbygoogle.js\"><\/script>\r\n<script data-ad-client=\"ca-pub-5623104637309752\" async src=\"https:\/\/pagead2.googlesyndication.com\/pagead\/js\/adsbygoogle.js\"><\/script>\n<\/div>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p><strong>Je voudrais saisir l\u2019occasion b\u00e9nie de ce Jeudi 31 Ao\u00fbt 2017, jour d\u2019Arafat,\u00a0 jour de pri\u00e8re, de recueillement, de mis\u00e9ricorde et d\u2019incandescence spirituelle. Profitant des b\u00e9n\u00e9dictions de ces dix premiers jours de zulhijja qu\u2019Allah dans sa Sagesse infinie consid\u00e8re comme ses pr\u00e9f\u00e9r\u00e9s de l\u2019ann\u00e9e, je voudrais rendre un dernier hommage et prier pour mon fr\u00e8re et ami, Serigne Abdou Fatah MBACKE, qui vient de nous quitter.<\/strong><\/p>\n<p>En effet, la ville de Touba et\u00a0 Taif, inconsolables, continuent de pleurer Serigne Abdou Fatah MBACKE arrach\u00e9 \u00e0 l\u2019affection des fid\u00e8les ce vendredi 11 Ao\u00fbt. Inalilahi wa inna ilayhiradji \u2018oune. Avec une vive \u00e9motion, je partage ce grand chagrin qui frappe la ville sainte de Touba, le peuple s\u00e9n\u00e9galais, les amis du Coran et des humanit\u00e9s arabes.\u00a0 Serigne Abdou Fatah s\u2019est \u00e9clips\u00e9\u00a0 comme il a v\u00e9cu, subrepticement, loin de la fouine m\u00e9diatique. Les m\u00e9dias ont peu comment\u00e9 cette grosse perte parce qu\u2019ils ne connaissent r\u00e9ellement pas sa trajectoire exceptionnelle et la valeur symbolique que ce petit-fils de Cheikh Ahmadou Bamba repr\u00e9sentait pour toute une g\u00e9n\u00e9ration. J\u2019ai eu la chance d\u2019en \u00eatre le t\u00e9moin privil\u00e9gi\u00e9 et je voudrais ici en rendre compte et m\u2019arr\u00eater sur les enseignements que m\u2019inspire ce compagnonnage de plus\u00a0 d\u2019un demi-si\u00e8cle, les cons\u00e9quences de l\u2019initiative salutaire de nos parents respectifs de nous envoyer \u00e0 l\u2019\u00e9cole r\u00e9publicaine et partager des r\u00e9flexions d\u2019ensemble sur l\u2019avenir du soufisme s\u00e9n\u00e9galais.<\/p>\n<p>J\u2019ai rencontr\u00e9 Serigne Abdou Fatah MBACKE Ga\u00efnde Fatma au centre d\u2019examen d\u2019entr\u00e9e en sixi\u00e8me de la rue Neuville \u00e0 Saint-Louis, plus connu sous le nom de \u2018\u2019Petit lyc\u00e9e\u2019\u2019, il y a de cela cinquante-sept (57) ans. Je venais de l\u2019\u00e9cole de Bri\u00e8re de l\u2019Isles o\u00f9 sont pass\u00e9s avant moi d\u2019illustres \u00e9l\u00e8ves comme Abdou DIOUF. Serigne Abdou Fatah, lui, venait de l\u2019\u00e9cole Duval, \u00e0 la Pointe Sud, o\u00f9 il a compl\u00e9t\u00e9 tout le cycle primaire en deux ans seulement.\u00a0\u00a0 Son p\u00e8re, l\u2019Eminent Serigne Cheikh MBACKE Ga\u00efnde Fatma, dans sa strat\u00e9gie cognitive de qu\u00eate\u00a0 du savoir, avait pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 envoyer Serigne Abdou Fatah et ses fr\u00e8res en Mauritanie pour\u00a0 les initier d\u2019abord aux humanit\u00e9s arabes et islamiques. Quand il est revenu au S\u00e9n\u00e9gal, Serigne Abdou Fatah MBACKE a brillamment rattrap\u00e9\u00a0 son retard\u00a0 \u00e0 l\u2019\u00e9cole primaire o\u00f9 il n\u2019est rest\u00e9 que deux ans.<\/p>\n<p>Dieu a voulu faire se rencontrer \u00e0 la rue Neuville les premiers petits-fils de Serigne Touba MBACKE et de Seydi Hadj Malick SY (RTA), \u00e0 avoir fait l\u2019\u00e9cole fran\u00e7aise. Nous pouvions passer notre entr\u00e9e en sixi\u00e8me dans d\u2019autres centres, \u00e0 Dakar, \u00e0 Thi\u00e8s ou m\u00eame \u00e0 Saint-Louis, dans des lieux diff\u00e9rents. Mais Dieu a choisi la rue Neuville. Clin d\u2019\u0153il du destin, nous ne nous sommes jamais quitt\u00e9s. A la rentr\u00e9e des classes, nous nous sommes retrouv\u00e9s dans la grande cour du Lyc\u00e9e Faidherbe qui a vu passer avant nous des g\u00e9n\u00e9rations d\u2019\u00e9l\u00e8ves brillants qui seront les futurs cadres du S\u00e9n\u00e9gal ind\u00e9pendant tels que Abdou DIOUF, Ousmane CAMARA, Moustapha NIASSE, Amath DANSOKHO, et Ahmadou Mokhtar MBOW qui y sera Professeur. .<\/p>\n<p>Serigne Abdou Fatah MBACKE avait une parfaite ma\u00eetrise des humanit\u00e9s arabes et islamiques. Son s\u00e9jour\u00a0 en Mauritanie l\u2019y avait bien pr\u00e9par\u00e9.\u00a0 Quant \u00e0 moi, j\u2019en \u00e9tais \u00e0 mes balbutiements \u00e0 l\u2019\u00e9cole coranique de Serigne Mamoune NDIAYE. J\u2019\u00e9tais tr\u00e8s avanc\u00e9 pour le Coran et j\u2019apprenais aussi le fiqh et le nahwu (la grammaire arabe). Serigne Abdou Fatah connaissait d\u00e9j\u00e0 par c\u0153ur le \u2018\u2019Laamiyatoul Afaal\u2019\u2019, livre de base de la conjugaison et de la morphologie en arabe. Moi je venais \u00e0 peine de\u00a0 commencer cette mati\u00e8re chez Serigne Mamoune NDIAYE avec le livre dans lequel Seydi Hadj Malick SY (RTA) l\u2019avait enseign\u00e9e, et qu\u2019il avait laiss\u00e9 \u00e0 la mosqu\u00e9e de la rue Pierre LOTI. .<\/p>\n<p>Nous \u00e9tions, Serigne Abdou Fatah et moi,\u00a0 devant un double d\u00e9fi: r\u00e9ussir \u00e0 l\u2019\u00e9cole, et en m\u00eame temps nous pr\u00e9parer \u00e0 sauvegarder notre h\u00e9ritage ancestral en tant que \u2018\u2019domousokhna\u2019\u2019. Nous \u00e9tions les premiers \u00e0 nous engager dans cette aventure et n\u2019avions pas d\u2019exemple \u00e0 suivre dans nos familles respectives. . Mais Dieu m\u2019a servi un mod\u00e8le exceptionnel dans l\u2019enceinte m\u00eame du lyc\u00e9e Faidherbe, en la personne de Serigne Abdou Fatah MBACKE. Nous nous sommes retrouv\u00e9s dans la m\u00eame classe de sixi\u00e8me moderne avec l\u2019arabe comme premi\u00e8re langue vivante. Je n\u2019apprendrai l\u2019anglais que plus tard, \u00e0 la Sorbonne. Il \u00e9tait un mod\u00e8le, une r\u00e9f\u00e9rence, pour les valeurs \u00e9thiques et les qualit\u00e9s intellectuelles qu\u2019il incarnait.<\/p>\n<p><strong><u>L\u2019\u00e9cole r\u00e9publicaine, un saut dans l\u2019incarnisme<\/u><\/strong><\/p>\n<p>Nous savions, tous les deux, comment \u00e9voluer dans le contexte des \u2018\u2019daaras\u2019\u2019 ; mais l\u2019\u00e9cole r\u00e9publicaine \u00e9tait une nouveaut\u00e9 et une inconnue. Le alweu (tablette en bois), le xalima (plumes en roseau) et le daa\u00a0 (encre produite localement \u00e0 partir de suie\u00a0 et de sucre) constituaient notre trousseau d\u2019\u00e9l\u00e8ves \u00e0 l\u2019\u00e9cole coranique.\u00a0 . A L\u2019\u00e9cole r\u00e9publicaine fond\u00e9e sur la p\u00e9dagogie coloniale, nous d\u00e9couvrions cahiers, encriers, stylos et crayons pour les \u00e9l\u00e8ves ; et craie et tableau noir pour les enseignants. Les livres imprim\u00e9s en fran\u00e7ais \u00e9taient largement diss\u00e9min\u00e9s et accessibles aux \u00e9tudiants. Tous les textes, \u00e0 l\u2019\u00e9cole coranique, \u00e9taient manuscrits. Nous d\u00e9couvrions aussi les salles de classes pour chaque niveau d\u2019apprentissage contrastant avec l\u2019espace commun du daara o\u00f9 se retrouvaient tous les \u00e9l\u00e8ves quel que soit leur niveau d\u2019\u00e9tude ou leur \u00e2ge, et chacun apprenant sa le\u00e7on du jour \u00e0 haute voix. Nos jeunes esprits vivaient un dilemme constant.\u00a0 Dans le syst\u00e8me islamique auquel nous \u00e9tions familiers, les parents confient leur enfant \u00e0 un ma\u00eetre coranique s\u00e9dentaire (ce fut mon cas) ou nomade du m\u00eame village ou d\u2019un village \u00e9loign\u00e9, voire dans un pays diff\u00e9rent (ce fut le cas de mon ami Fatah). Les \u00e9l\u00e8ves ayant achev\u00e9 le cycle coranique \u00e9l\u00e9mentaire et d\u00e9sirant suivre le cursus sup\u00e9rieur d\u2019\u00e9tudes islamique voyageaient alors loin pour \u00e9tudier un texte sp\u00e9cifique aupr\u00e8s d\u2019un cheikh. Dans l\u2019\u00e9cole occidentale par contre, au primaire, au coll\u00e8ge\u00a0 ou au lyc\u00e9e, les \u00e9tudiants d\u2019une m\u00eame classe avaient le m\u00eame \u00e2ge ou une toute petite diff\u00e9rence d\u2019\u00e2ge. La s\u00e9lection aussi devenait une nouveaut\u00e9 pour nous avec leurs modalit\u00e9s et crit\u00e8res pr\u00e9d\u00e9finis.<\/p>\n<p>Nous connaissions dans les daaras des privations qui n\u2019existaient pas \u00e0 l\u2019\u00e9cole la\u00efque et r\u00e9publicaine, et que d\u2019aucun consid\u00e8reraient comme maltraitance de l\u2019enfance, mais qui ne sont autre que des exp\u00e9riences qui trempent l\u2019audace et le caract\u00e8re et conjurent les d\u00e9mons qui emp\u00eachent l\u2019homme d\u2019aujourd\u2019hui d\u2019agir dans un monde qui poss\u00e8de ruse et savoir mais \u00e0 qui il manque volont\u00e9, foi et raison, (\u00abScience sans conscience n\u2019est que ruine de l\u2019\u00e2me \u00bb).<\/p>\n<p>Cette privation, Cheikh Amidou KANE l\u2019explique crument dans \u2018\u2019L\u2019aventure ambigu\u00eb\u2019\u2019 qui traine une saveur anthrographique. Nous voil\u00e0 en face de ce d\u00e9fi et d\u2019un dilemme du m\u00eame type que celui que Samba DIALLO a relev\u00e9 dans L\u2019aventure ambigu\u00eb, de Cheikh Amidou KANE quand il dit : \u2018\u2018si, je leur dis d\u2019aller \u00e0 l\u2019\u00e9cole nouvelle, observe Samba DIALLO, mais en apprenant ils oublieront aussi. Ce qu\u2019ils apprendront vaut-il ce qu\u2019ils oublieront ? L\u2019\u00e9cole o\u00f9 je pousse nos enfants tuera en eux ce qu\u2019aujourd\u2019hui nous aimons et conservons \u00e0 juste titre.\u2019\u2019. Pour mon ami Fatah et moi, il s\u2019agissait d\u2019apprendre ce qui est nouveau et de ne pas oublier ce qui fonde notre identit\u00e9 de fils de Cheikh. Ensemble, nous l\u2019avons r\u00e9ussi. En ce qui me concerne, je dois cette prouesse \u00e0 Cheikh Abdou Fatah.<\/p>\n<p><strong><u>Portrait<\/u><\/strong><\/p>\n<p>Sa forte personnalit\u00e9, son port altier, son s\u00e9rieux, sa s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 d\u00e9coiffante, son calme face \u00e0 toute \u00e9preuve, sa d\u00e9termination \u00e0 r\u00e9ussir cette nouvelle aventure o\u00f9 il \u00e9tait toujours conscient de repr\u00e9senter toutes les familles religieuses du S\u00e9n\u00e9gal, m\u2019ont inspir\u00e9 durant ces ann\u00e9es et forg\u00e9 ma personnalit\u00e9. Mon ami Fatah me rappelait souvent le Djamil que Mame Abdou Aziz SY Dabakh avait attribu\u00e9 \u00e0 mon p\u00e8re, refl\u00e9tant une beaut\u00e9 interne et externe, et une force de caract\u00e8re exceptionnelle. Il \u00e9tait \u00e9lanc\u00e9, d\u2019une beaut\u00e9 rare, avec les yeux de son p\u00e8re \u00e0 la fois hypnotisants et p\u00e9tillants d\u2019intelligence et de profondeur dans la r\u00e9flexion. Il y avait quelque chose de noble et d\u2019aristocrate qui se d\u00e9gageait de lui, malgr\u00e9 sa simplicit\u00e9 et un commerce facile, demeurant toujours disponible pour aider un camarade ou\u00a0 donner des conseils. Ce jeune homme de belle allure avait soumis toute son existence \u00e0 une passion exclusive\u00a0: devenir son p\u00e8re et ses illustres grands-p\u00e8res.<\/p>\n<p><strong><u>Une Education de Qualit\u00e9 pour pr\u00e9parer l\u2019Elite<\/u><\/strong><\/p>\n<p>Avec cette exp\u00e9rience commune acquise au lyc\u00e9e Faidherbe et continu\u00e9e au lyc\u00e9e Charles De Gaulle,\u00a0 nous avons b\u00e2ti une complicit\u00e9 et une amiti\u00e9 de plus d\u2019un demi-si\u00e8cle, jamais d\u00e9menties. J\u2019ai toujours senti entre Serigne Abdou Fatah MBACKE et moi une digue d\u2019estime si forte et si exquise que je n\u2019osais pas la violenter : une symphonie de non-dits. Nous sommes tous les deux issus de familles dont la grande mission est d\u2019inculquer le savoir, de d\u00e9tecter les talents et de contribuer \u00e0 leur \u00e9closion, de les \u00e9prouver dans diverses circonstances, de les mettre en selle et de les laisser galoper. Venus des daaras, Serigne Cheikh Ga\u00efnde Fatma et Cheikh Seydi Mouhamadoul Moustapha SY Djamil nous ont effectivement mis en selle et laiss\u00e9 galoper longuement, et notre essor tous les deux les r\u00e9jouissait tellement que nos \u00e9ventuelles d\u00e9rives les indiff\u00e9raient. J\u2019\u00e9tais f\u00e9ru de sport,\u00a0 pratiquant le handball et le tennis de table, et Serigne Moustapha\u00a0 laissait faire. Tant il est vrai que la strat\u00e9gie cognitive de transmission du savoir des familles religieuses repose pour l\u2019essentiel sur le choix et l\u2019\u00e9coute des jeunes. Il fallait maintenir en leur sein la passion de la curiosit\u00e9, d\u00e9gager constamment la ligne du savoir, promouvoir les meilleurs dans un climat ni conflictuel, ni paisible, avec une obsession : reconstituer en permanence le tissu conjonctif sans lequel l\u2019organisme se scl\u00e9rose et emp\u00eache la Mouridiya et \u00e0 la Tidianiya de jouer leur r\u00f4le. Tout leur art est de trouver leur d\u00e9finition et leur identit\u00e9 dans le changement tout en revivifiant leur doctrine par de nouveaux apports. Elles sont sans cesse ce qu\u2019elles sont devenues. Elles expriment au d\u00e9part la fa\u00e7on de voir, de sentir des p\u00e8res fondateurs et acteurs.<\/p>\n<p><strong>Les confr\u00e9ries que nous laissons \u00e0 nos enfants d\u00e9pendent des enfants que nous laisserons \u00e0 la confr\u00e9rie.<\/strong><\/p>\n<p>Mais les temps changent et les acteurs aussi et la Tarikha conquiert, peu \u00e0 peu, l\u2019image et la r\u00e9putation que le peuple des disciples lui renvoie. Si bien que l\u2019identit\u00e9 du peuple des disciples n\u2019est jamais identique. La confr\u00e9rie est marqu\u00e9e par la personnalit\u00e9 de ses principaux inspirateurs qui d\u00e9finissent un inventaire \u00e9thique et intellectuel \u00e0 travers lequel la communaut\u00e9 se d\u00e9ploie. Et la marque de cette communaut\u00e9 est \u00e0 la fois ce qu\u2019elle refuse et ce qu\u2019elle entreprend de dire ou de faire. Les communaut\u00e9s soufies resteront longtemps fid\u00e8les de leurs d\u00e9buts. L\u2019autorit\u00e9 qui leur fut consentie par leur disciple, ils en ont constamment us\u00e9 pour installer un relais de g\u00e9n\u00e9rations qui maintient et renouvelle l\u2019\u00e9nergie et l\u2019inspiration, sans lesquelles ce genre d\u2019initiatives d\u00e9clinent et sont sans lendemain. Il serait int\u00e9ressant de se demander pourquoi les partis politiques qui ob\u00e9issent aux m\u00eames types de fonctionnement n\u2019ont jamais pu avoir d\u2019ancrage au niveau des masses alors que l\u2019engouement populaire pour les tarikhas, surtout au niveau de la jeunesse n\u2019est jamais d\u00e9menti. C\u2019est quand m\u00eame \u00e9tonnant la mani\u00e8re avec laquelle les dahiras ont pu s\u2019adapter \u00e0 la r\u00e9volution num\u00e9rique et informationnelle en investissant les r\u00e9seaux sociaux. Un savoir-faire, un savoir-\u00eatre une histoire d\u2019hommes et femmes, une histoire commune, une harmonie r\u00e9gl\u00e9e comme une symphonie qui produira \u00e0 chaque \u2018\u2019Magal\u2019\u2019 ou \u00e0 chaque \u2018\u2019Gamou\u2019\u2019 d\u2019ici et d\u2019ailleurs cette surprise salutaire qui montre que les marabouts ont eu raison d\u2019anticiper l\u2019\u00e9volution du monde en pr\u00e9parant leurs enfants \u00e0 l\u2019assumer. En effet je n\u2019ai guerre \u00e9t\u00e9 pr\u00e9coce dans le compagnonnage avec Serigne Abdou Fatah pour comprendre le pourquoi et le comment d\u2019une \u00e9ducation de qualit\u00e9. Ce qui nous donnait le temps d\u2019observer sans impatience les vraies intentions de nos parents. Le handicap intellectuel de notre temps est de raisonner en homme ancien de l\u2019avenir possible d\u2019un homme nouveau. Et pour reprendre l\u2019expression de Aragon : \u00ab Nous maudissons d\u00e9j\u00e0 ce monde pourri qui est notre chair m\u00eame \u00bb. Cheikh Seydi Mouhamadoul Moustapha SY Djamil et Cheikh MBACKE Gainde Fatma ont investi tr\u00e8s t\u00f4t sur le savoir en assurant \u00e0 leurs enfants la ma\u00eetrise de leur h\u00e9ritage ancestral tout en \u00e9tant conscient des \u00e9volutions rapides du monde et ainsi leur permettre de les accompagner. R\u00e9ussite totale : il suffit de voir les ressources humaines en qualit\u00e9 et en quantit\u00e9 dont regorgent les deux familles : ing\u00e9nieurs, m\u00e9decins, banquiers, biologistes, MBA, HEC, MIT, Haward, juristes, environnementalistes, imams, khalifes de p\u00e8res, etc.<\/p>\n<p><strong><u>Aller vers l\u2019autre sans perdre son \u00e2me<\/u><\/strong><\/p>\n<p>La d\u00e9marche de nos illustres p\u00e8res a une exigence : cultiver la proximit\u00e9 des principaux acteurs de la vie nationale pour connaitre leurs vrais ressorts sans jamais, f\u00fbt-ce par une telle connivence, leurs donner une adh\u00e9sion totale.<\/p>\n<p>En un mot, effacer la distance avec l\u2019autre (l\u2019\u00e9cole la\u00efque) pour apprendre et r\u00e9tablir la distance pour d\u00e9battre discuter et agir. Dans cet exercice, le refus autant que l\u2019acquiescement imprime \u00e0 cette d\u00e9marche p\u00e9dagogique, son orientation singuli\u00e8re. Et refuser ce qui peut nous entrainer hors de notre sillon, nous d\u00e9tourner de notre inclination qui fut donc de pouvoir pr\u00e9parer une \u00e9lite maraboutique consciente et professionnellement pr\u00eate \u00e0 affronter les exigences du monde moderne au milieu d\u2019hommes et de femmes libres dont la diversit\u00e9 et le talent nous instruisent, nous reposent et nous rassurent.<\/p>\n<p>La pr\u00e9occupation qui a pouss\u00e9 Serigne Cheikh MBACKE et Serigne Moustapha SY \u00e0 envoyer leurs enfants \u00e0 l\u2019\u00e9cole fran\u00e7aise est un sujet de d\u00e9bat regroupant d\u2019\u00e9minents experts internationaux\u00a0: qu\u2019est-ce que \u00eatre un guide religieux, aujourd\u2019hui\u00a0?<\/p>\n<p>Concernant l\u2019Afrique de l\u2019Ouest, cette probl\u00e9matique a \u00e9t\u00e9 d\u00e9battue lors d\u2019une conf\u00e9rence organis\u00e9e en 1994 dont les contributions ont \u00e9t\u00e9 publi\u00e9es dans : \u00ab Le temps des marabouts : itin\u00e9raires et strat\u00e9gies islamiques en Afrique occidentale fran\u00e7aise 1880-1960 \u00bb, par Jean-Louis TRIAUD.<\/p>\n<p>Pour le S\u00e9n\u00e9gal, le Professeur Ousmane KANE, dans sa brillante \u00e9tude \u00ab Au-del\u00e0 de Tombouctou \u00bb essaie de r\u00e9pondre \u00e0 cette interpellation en posant le probl\u00e8me de l\u2019euro phonie et de l\u2019arabo-phonie.<\/p>\n<p>\u00ab Le d\u00e9veloppement de l\u2019\u00e9rudition islamique, en Afrique, est all\u00e9 de pair avec l\u2019expansion de la langue arabe. Des dizaines d\u2019universit\u00e9s islamiques modernes ont \u00e9t\u00e9 cr\u00e9\u00e9es et des milliers de dipl\u00f4m\u00e9s d\u2019\u00e9tudes arabe et islamique sont tr\u00e8s actifs dans la sph\u00e8re publique post coloniale. Pour peser sur les grands d\u00e9bats de soci\u00e9t\u00e9s, ces arabisants ont recours aux nouveaux modes d\u2019organisation sociale politique et l\u00e9gale ainsi qu\u2019aux journaux, \u00e0 la radio, \u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision et l\u2019internet pour atteindre de larges segments de la soci\u00e9t\u00e9 \u00bb. Ainsi pense Ousmane KANE, titulaire de chaire \u00e0 la Hawa\u00ef\u00a0 Divinity School de l\u2019Universit\u00e9 de Hawa\u00ef, lui-m\u00eame issu d\u2019une tr\u00e8s grande famille soufie.<\/p>\n<p><strong><u>La langue arabe en contrepoids de la culture occidentale.<\/u><\/strong><\/p>\n<p>Au d\u00e9but du 20\u00e8me si\u00e8cle, en effet, les diff\u00e9rentes confr\u00e9ries ont parachev\u00e9 leur structuration, \u00e0 la fois dans le monde rural et dans les centres urbains comme une id\u00e9ologie de r\u00e9sistance \u00e0 la toute-puissance de l\u2019Occident, du moins \u00e0 l\u2019assimilation de la culture europ\u00e9enne que le Professeur Mamadou DIOUF, de Columbia University, r\u00e9sume ainsi : \u00ab La force de leur imagination po\u00e9tique, port\u00e9e par une modernit\u00e9 islamique scripturale et litt\u00e9raire a alt\u00e9r\u00e9 la pr\u00e9tention h\u00e9g\u00e9monique de la mission civilisatrice coloniale pour y introduire une culture faite d\u2019une multiplicit\u00e9 d\u2019h\u00e9ritages dont le noyau demeure sans contexte une textualit\u00e9 arabophone et musulmane dont la lettre arabe, instrument de contestation puissant de la civilisation fran\u00e7aise et levier d\u2019affirmation de leur identit\u00e9 autant individuelle que collective. \u00bb<\/p>\n<p>Les lettres arabes ont \u00e9t\u00e9 utilis\u00e9es comme outil de r\u00e9sistance \u00e0 une culture occidentale agressive. Ces lettres arabes\u00a0 ont \u00e9t\u00e9 acquises et ma\u00eetris\u00e9es par une fr\u00e9quentation assidue de la litt\u00e9rature arabe classique au point d\u2019en adopter le style et les grands th\u00e8mes de Antar, de Imrur Qays et de Labid.<\/p>\n<p>Est-ce \u00e0 travers un processus long d\u2019acquisition des grands textes. De Ibn Duraid \u00e0 Daalia et \u2018\u2019 les grands po\u00e8tes de la litt\u00e9rature anti islamique pour arriver aux stations des \u2018\u2019maqaamad\u2019\u2019 et bien d\u2019autres dans le souci initial de bien ma\u00eetriser cette langue classique dans laquelle le Coran a \u00e9t\u00e9 \u00e9crit au 7<sup>\u00e8me<\/sup> si\u00e8cle. Tous ceux qui ont fait de longues \u00e9tudes dans les daaras, et Serigne Abdou Fatah MBACKE \u00e9tait de ceux-l\u00e0, sont habitu\u00e9s \u00e0 ces po\u00e8mes \u00e0 la limite de la luxure avec le souvenir des instants heureux pass\u00e9s dans les camps se d\u00e9veloppe en images et tableaux o\u00f9 les traits de la bien-aim\u00e9e \u00e0 la taille gracile se m\u00ealent \u00e0 ceux de la mouture du sable, de la nature, et des reliefs vari\u00e9s des dunes, des murailles sculpt\u00e9es des rochers, de la v\u00e9g\u00e9tation qui fait lever la pluie, de la fleur des camomilles dans un repli de sable. Voici ce \u00e0 quoi nous a habitu\u00e9 la litt\u00e9rature arabe classique que Serigne Touba et El Hadj Malick SY se sont fait un point d\u2019honneur de maitriser et d\u2019imiter au point d\u2019en faire une v\u00e9ritable jouissance de dire et d\u2019entendre les paroles saintes et divines \u00e0 travers la Qassida. Mais au-del\u00e0 de Serigne Touba, d\u2019El Hadj Malick SY, tous les lettr\u00e9s arabes du S\u00e9n\u00e9gal ont adopt\u00e9 le m\u00eame style surtout \u00e0 Saint-Louis, lieu de confrontation entre la culture coloniale fran\u00e7aise et les humanit\u00e9s arabes et islamiques. Cette ville a diffus\u00e9 une forme particuli\u00e8re d\u2019Islam, celui des lettr\u00e9s arabes et a pu produire en qualit\u00e9 et en quantit\u00e9, toutes confr\u00e9ries confondues, les meilleurs po\u00e8tes du pays dont Serigne Babacar SY (RTA).<\/p>\n<p>La sensation de ces quasidas est presque physique. \u00a0Il faut lire le texte ici comme une exp\u00e9rience tactile, gustative, olfactive, sonore, visuelle avec et par dela sa facture verbale une sensation charnelle qui s\u2019associe \u00e0 la litt\u00e9rature du monde. Cela est perceptible d\u00e9j\u00e0 dans le rythme de cette litt\u00e9rature qui fait de l\u2019\u0153uvre de Serigne Touba et d\u2019El Hadj Malick une longue et m\u00e9lodieuse litanie qui se lie et se chante \u00e0 voix haute durant le Gamou et le Magal o\u00f9 la puissance du rythme et la musicalit\u00e9 du texte soient pleinement mises en valeur et offre cette joie et ce plaisir \u00e9prouv\u00e9, parfois d\u00e8s l\u2019enfance \u00e0 \u00e9couter et \u00e0 lire les qasidas de Serigne Touba et d\u2019El Hadj Malick SY, des chants qui ont un impact profond m\u00eame sur celui qui ne les comprend pas, et constitue \u00e9galement une th\u00e9rapeutique mystique du mal \u00eatre par la d\u00e9licatesse musicale et du verbe. C\u2019est ce socle intellectuel, spirituel et litt\u00e9raire qui se nourrit \u00e0 la s\u00e8ve \u00a0du classicisme arabe, qui explique l\u2019implantation dans la dur\u00e9e d\u2019un soufisme f\u00e9cond et \u00e9mancipateur.<\/p>\n<p>Il fallait des efforts ext\u00e9nuants pour ma\u00eetriser la langue et s\u2019ouvrir aux grandes \u0153uvres de Ghazali et Ibn Arabi et trouve une traduction conforme au contexte de notre pays.<\/p>\n<p>En effet, il se dessine une tendance g\u00e9n\u00e9rale d\u2019un Islam s\u00e9cularis\u00e9 dans tous les domaines de la soci\u00e9t\u00e9, qui fait du soufisme dans ses diff\u00e9rentes facettes possibles (enjeu th\u00e9ologique, r\u00e9servoir symbolique et ressource politique) le lien ambivalent d\u2019une identit\u00e9 musulmane en qu\u00eate de rep\u00e8res et un \u00e9l\u00e9ment d\u00e9terminant dans l\u2019\u00e9tablissement de soci\u00e9t\u00e9s d\u00e9mocratiques comme le S\u00e9n\u00e9gal.<\/p>\n<p>La singularit\u00e9 de l\u2019influence soufie au S\u00e9n\u00e9gal tient en grande partie aux conditions historiques de son apparition et de son \u00e9volution. La structure actuelle des confr\u00e9ries, leur organisation, leur doctrine, leur poids respectif, leur maillage national, leur enseignement tol\u00e9rant et\u00a0 d\u00e9mocratique ne peuvent se comprendre si on maitrise ce pass\u00e9, marqu\u00e9 par l\u2019\u0153uvre de personnalit\u00e9s exceptionnelles telles qu\u2019El Hadj Oumar, Souleymane BAAL, El Hadj Malick SY,\u00a0 Cheikh Ahmadou Bamba MBACKE, Abdel Kader. Ces mouvements doivent \u00eatre compris comme des r\u00e9actions et solutions aux mutations que connut la soci\u00e9t\u00e9 s\u00e9n\u00e9galaise \u00ab dans un temps pr\u00e9sent d\u00e9testable \u00bb comme\u00a0 le qualifiait Cheikh Ahmadou Bamba MBACKE, temps qu\u2019il fallait changer en application du verset : \u00ab Dieu ne changera les nations tant qu\u2019elles ne se changeront elles-m\u00eames \u00bb.<\/p>\n<p>C\u2019est cette pr\u00e9paration qui a permis \u00e0 Serigne Abdou Fatah MBACKE de r\u00e9pondre \u00e0 toute interpellation \u00e0 la vie nationale. Il a eu l\u2019amabilit\u00e9 de venir pr\u00e9sider une conf\u00e9rence que je donnais en 2008, \u00e0 l\u2019UCAD 2, sur le : \u00ab R\u00f4le des confr\u00e9ries religieuses dans la stabilit\u00e9 politique du S\u00e9n\u00e9gal \u00bb. Conf\u00e9rence organis\u00e9e par le DEESS\/Jamil. Son discours d\u2019ouverture est une page d\u2019anthologie, disponible sur le Net qui continuera pendant longtemps \u00e0 inspirer les intellectuels s\u00e9n\u00e9galais.<\/p>\n<p>Les confr\u00e9ries que nous laissons \u00e0 nos enfants d\u00e9pendent des enfants que nous laissons \u00e0 ces confr\u00e9ries. Serigne Cheikh MBACKE Ga\u00efnde Fatma a laiss\u00e9 \u00e0 la confr\u00e9rie mouride un enfant p\u00e9tri de valeurs \u00e9thiques et intellectuelles. Et Serigne Abdou Fatah MBACKE, \u00e0 son tour, a su inculquer ces valeurs \u00e0 ses enfants. Il s\u2019est r\u00e9alis\u00e9 en eux. Par son leadership, sa capacit\u00e9 de vision, Serigne Abdou Fatah MBACKE est un exemple qui m\u00e9rite d\u2019\u00eatre connu par la jeunesse du S\u00e9n\u00e9gal, de toute l\u2019Afrique, au moment o\u00f9 notre continent, \u00e0 tous les niveaux, souffre d\u2019une crise tragique de leadership. Et Serigne Cheikh Abdou Fatah MBACKE a su ressusciter et revivifier l\u2019exemple de Thierno Souleymane BAAL et Abdel Kader KANE, d\u2019El Hadj Oumar Foutiyou TALL, d\u2019El Hadj Malick SY, de Cheikh Ahmadou Bamba MBACKE. Et dans un continent, sans cape ni capitaine, c\u2019est une trajectoire qu\u2019il faut revisiter.<\/p>\n<p>En ce jour b\u00e9ni de Arafat, je prie Allah Omniscient et Omnipr\u00e9sent pour qu\u2019il accorde sa Mis\u00e9ricorde \u00e0 ce petit-fils de Mame Marame MBACKE donc de Serigne Touba MBACKE et d\u2019El Hadj Malick SY.<\/p>\n<p>Amine.<\/p>\n<p><strong>Serigne Mansour Sy Djamil,<\/strong><\/p>\n<p><strong>Vice-pr\u00e9sident de l\u2019Assembl\u00e9e Nationale,<\/strong><\/p>\n<p><strong>Membre du Conseil Mondial des Religions pour la Paix et ancien Directeur-adjoint du Bureau de la Coop\u00e9ration Technique de la Banque Islamique de D\u00e9veloppement, \u00e0 Djeddah<\/strong><\/p>\n<p><strong>\u00a0<\/strong><\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n<p>&nbsp;<\/p>\n\n<div style=\"font-size: 0px; height: 0px; line-height: 0px; margin: 0; padding: 0; clear: both;\"><\/div>","protected":false},"excerpt":{"rendered":"<p>&nbsp; Je voudrais saisir l\u2019occasion b\u00e9nie de ce Jeudi 31 Ao\u00fbt 2017, jour d\u2019Arafat,\u00a0 jour de pri\u00e8re, de recueillement, de mis\u00e9ricorde et d\u2019incandescence spirituelle. 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