{"id":84803,"date":"2017-10-15T08:46:05","date_gmt":"2017-10-15T08:46:05","guid":{"rendered":"http:\/\/actunet.net\/?p=84803"},"modified":"2017-10-16T21:09:52","modified_gmt":"2017-10-16T21:09:52","slug":"thomas-sankara-derniers-instants-derniers-temoins-derniers-secrets","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/actunet.net\/international\/thomas-sankara-derniers-instants-derniers-temoins-derniers-secrets\/","title":{"rendered":"Thomas Sankara : derniers instants, derniers t\u00e9moins, derniers secrets\u2026"},"content":{"rendered":"\n<!-- Quick Adsense WordPress Plugin: http:\/\/quickadsense.com\/ -->\n<div class=\"e4da825301e49ae160c5aa77f2775d0d\" data-index=\"1\" style=\"float: none; margin:10px 0 10px 0; text-align:center;\">\n<script data-ad-client=\"ca-pub-7606738817238435\" async src=\"https:\/\/pagead2.googlesyndication.com\/pagead\/js\/adsbygoogle.js\"><\/script>\r\n<script data-ad-client=\"ca-pub-5623104637309752\" async src=\"https:\/\/pagead2.googlesyndication.com\/pagead\/js\/adsbygoogle.js\"><\/script>\n<\/div>\n<h6 style=\"text-align: center;\"><strong><em>Il y a trente ans, le 15\u00a0octobre 1987, le leader de la r\u00e9volution burkinab\u00e8 \u00e9tait assassin\u00e9. Deux ans plus tard, Sennen Andriamirado, r\u00e9dacteur en chef de Jeune Afrique et intime de l\u2019ex-chef de l\u2019\u00c9tat, publiait Il s\u2019appelait Sankara. Voici ici reproduit le r\u00e9cit de la derni\u00e8re journ\u00e9e du pr\u00e9sident du Faso sous la plume de notre confr\u00e8re disparu en 1997.<\/em><\/strong><\/h6>\n<p>Lorsque Mariam se r\u00e9veille, Thomas Sankara, qui a fini par la rejoindre au lit, s\u2019est assoupi \u00e0 son tour. Vraisemblablement, sa copie est d\u00e9sormais pr\u00eate. Sur la pointe des pieds, l\u2019\u00e9pouse du pr\u00e9sident quitte la chambre et se pr\u00e9pare \u00e0 aller au travail. Elle doit y \u00eatre \u00e0 15\u00a0heures. Sankara, lui, va dormir pendant une bonne heure encore. La sieste quotidienne reste, pour cet oiseau de nuit, le seul moment de la journ\u00e9e o\u00f9 il r\u00e9cup\u00e8re. Une pause d\u2019autant plus importante, ce jeudi 15\u00a0octobre 1987, que l\u2019apr\u00e8s-midi et la nuit s\u2019annoncent longues.<\/p>\n<p>\u00c0 16\u00a0heures, il pr\u00e9side l\u2019une des trois r\u00e9unions hebdomadaires de son cabinet sp\u00e9cial. \u00c0 l\u2019ordre du jour\u2009: le compte rendu de l\u2019un de ses conseillers qui rentre de Cotonou, o\u00f9 il a eu des entretiens avec les responsables du Parti r\u00e9volutionnaire du peuple du B\u00e9nin et rassembl\u00e9 des documents sur le \u00abCode b\u00e9ninois de conduite r\u00e9volutionnaire\u00bb\u2009; le projet de cr\u00e9ation d\u2019un journal du CNR [Conseil national de la r\u00e9volution]. Et \u00e0 20\u00a0heures, il y aura la r\u00e9union, tr\u00e8s d\u00e9licate, de l\u2019OMR [Organisation militaire r\u00e9volutionnaire].<\/p>\n<blockquote>\n<h6 style=\"text-align: center;\"><strong>&#8220;Je ne te verrai pas avant la fin de la r\u00e9union de <em>20\u00a0heures<\/em>. On parlera ce soir&#8221;<\/strong><\/h6>\n<\/blockquote>\n<p>Vers 15\u2009h\u200930, Mariam Sankara l\u2019appelle au t\u00e9l\u00e9phone. \u00abPapa est sous la douche\u00bb, lui r\u00e9pond son fils a\u00een\u00e9, Philippe, 7\u00a0ans \u00e0 l\u2019\u00e9poque. Elle rappelle dix minutes plus tard. Le pr\u00e9sident, en tenue de sport depuis le matin \u2013\u00a0tee-shirt blanc et pantalon de jogging rouge\u00a0\u2013, est pr\u00eat \u00e0 partir.<\/p>\n<p>\u00abJe vais d\u2019abord \u00e0 ma r\u00e9union de 16\u00a0heures, au Conseil de l\u2019entente, lui dit-il. Puis, je vais au sport de masse \u00e0 17\u00a0heures. Apr\u00e8s, je reviendrai sans doute prendre une douche \u00e0 la maison, mais tu ne seras pas encore rentr\u00e9e. Je ne te verrai pas avant la fin de la r\u00e9union de 20\u00a0heures. On parlera ce soir.\u00bb<\/p>\n<p>Entre-temps, les membres du cabinet sp\u00e9cial ont commenc\u00e9 \u00e0 arriver dans l\u2019une des villas du Conseil de l\u2019entente, qui sert de si\u00e8ge au CNR. Alouna Traor\u00e9 et Paulin Babou Bamouni ont fait un crochet par les bureaux de la pr\u00e9sidence juste en face\u2009; les autres, Bonaventure Compaor\u00e9, Fr\u00e9d\u00e9ric Kiemd\u00e9 et Patrice Zagr\u00e9, sont venus directement au Conseil. Christophe Saba, en tant que secr\u00e9taire permanent du CNR, y est depuis le matin.<\/p>\n<blockquote>\n<h4 style=\"text-align: center;\"><em><strong>&#8220;Nous sommes tous l\u00e0, camarade pr\u00e9sident. Il est tard et nous n\u2019attendons plus que vous&#8221;<\/strong><\/em><\/h4>\n<\/blockquote>\n<p>\u00c0 16\u2009h\u200920, il se d\u00e9cide \u00e0 rappeler \u00e0 l\u2019ordre le pr\u00e9sident, qui n\u2019a pas encore quitt\u00e9 sa r\u00e9sidence o\u00f9 il discute avec un autre de ses conseillers, le directeur adjoint de la presse pr\u00e9sidentielle, Serge Th\u00e9ophile Balima\u2009: \u00abNous sommes tous l\u00e0, camarade pr\u00e9sident. Il est tard et nous n\u2019attendons plus que vous.\u00bb &#8211; \u00abJ\u2019arrive tout de suite\u00bb, r\u00e9pond Sankara. Il renvoie Balima et monte dans une Peugeot 205 noire.<\/p>\n<p>Le pr\u00e9sident, comme d\u2019habitude, a pris place \u00e0 c\u00f4t\u00e9 du chauffeur\u2009: \u00abJ\u2019aime bien voir la route, se croit-il souvent oblig\u00e9 d\u2019expliquer, et de derri\u00e8re on ne voit rien.\u00bb<\/p>\n<p>Sur le si\u00e8ge arri\u00e8re, deux gardes du corps. Une voiture les suit, occup\u00e9e par trois autres gardes du corps plus le chauffeur, un militaire lui aussi. Tous sont en tenue de sport, ce jeudi apr\u00e8s-midi\u2009: deux fois par semaine, en effet, le lundi et le jeudi \u00e0 partir de 17\u00a0heures, les Burkinab\u00e8 sont cens\u00e9s pratiquer le sport de masse. Le PF [pr\u00e9sident du Faso] et ses gardes ne se sont donc arm\u00e9s que de leur pistolet automatique (PA).<\/p>\n<h4 style=\"text-align: center;\"><strong>Arriv\u00e9e au Conseil de l\u2019Entente<\/strong><\/h4>\n<p>Au Conseil de l\u2019entente, les membres du cabinet sp\u00e9cial sont \u00e9galement en tenue de sport, \u00e0 l\u2019exception de Patrice Zagr\u00e9, venu en \u00abp\u00e9kin\u00bb.\u00a0\u00c0 16\u2009h\u200930, le pr\u00e9sident arrive. Il d\u00e9barque de la 205, suivi par quatre de ses gardes, qui s\u2019installent dans le couloir attenant \u00e0 la salle de r\u00e9union. Les chauffeurs rangent les deux voitures sous un pr\u00e9au voisin et vont s\u2019abriter du soleil \u00e0 l\u2019ombre des grands arbres, notamment des nims, qui bordent les jardins.<\/p>\n<p>\u00c0\u00a016\u2009h\u200935, le pr\u00e9sident prend place au bout de la table de r\u00e9union en forme de U. L\u2019adjudant Christophe Saba, Paulin Bamouni et Fr\u00e9d\u00e9ric Kiemd\u00e9 se sont install\u00e9s \u00e0 sa droite. \u00c0 sa gauche se trouvent Patrice Zagr\u00e9, Bonaventure Compaor\u00e9 et Alouna Traor\u00e9. Thomas Sankara, toujours en retard mais toujours press\u00e9, ouvre la s\u00e9ance de travail\u2009: \u00abFaisons vite, commen\u00e7ons\u2009!\u00bb<\/p>\n<blockquote>\n<h4 style=\"text-align: center;\"><em><strong>&#8220;Restez\u2009! Restez\u2009! C\u2019est moi qu\u2019ils veulent\u2009!&#8221;<\/strong><\/em><\/h4>\n<\/blockquote>\n<p>Alouna Traor\u00e9, celui qui, la veille, \u00e9tait parti en mission d\u2019information \u00e0 Cotonou, commence son rapport\u2009: \u00abJ\u2019ai quitt\u00e9 Ouaga avant-hier \u00e0 18\u00a0heures\u2026\u00bb. Et il s\u2019interrompt, la voix soudain couverte par le bruit du tuyau d\u2019\u00e9chappement, sans doute perc\u00e9, d\u2019une voiture qui s\u2019approche.<\/p>\n<p>\u00c9tonn\u00e9 et agac\u00e9, Sankara demande\u2009: \u00abQuel est ce bruit-l\u00e0\u2009?\u00bb, bient\u00f4t imit\u00e9 par Saba, qui fronce les sourcils\u2009: \u00abC\u2019est quoi \u00e7a m\u00eame\u2009?\u00bb Le bruit s\u2019amplifie. Une voiture \u2013\u00a0\u00abune Peugeot 504 ou une Toyota b\u00e2ch\u00e9e\u00bb, h\u00e9sitera \u00e0 pr\u00e9ciser le seul t\u00e9moin direct rescap\u00e9\u00a0\u2013 s\u2019est arr\u00eat\u00e9e devant le petit portail de la villa. Et imm\u00e9diatement, le bruit du moteur a \u00e9t\u00e9 couvert par le vacarme de rafales de Kalachnikov.<\/p>\n<p>Les sept hommes r\u00e9unis dans la salle s\u2019aplatissent au sol, se prot\u00e9geant derri\u00e8re les fauteuils. Parmi eux, seul \u00e0 \u00eatre arm\u00e9 puisque ses gardes sont rest\u00e9s soit dans le couloir, soit dans le jardin, Sankara se saisit de son PA, qu\u2019il avait d\u00e9pos\u00e9 sur la table, \u00e0 port\u00e9e de main. Du dehors, quelqu\u2019un crie\u2009: \u00abSortez\u2009! Sortez\u2009!\u00bb. Sankara se rel\u00e8ve, pousse un grand soupir et ordonne \u00e0 ses conseillers\u2009: \u00abRestez\u2009! Restez\u2009! C\u2019est moi qu\u2019ils veulent\u2009!\u00bb Puis il quitte la salle de r\u00e9union, les bras en l\u2019air.<\/p>\n<blockquote>\n<h4 style=\"text-align: center;\"><strong>Les assaillants \u00e9taient venus pour tuer\u2009!<\/strong><\/h4>\n<\/blockquote>\n<p>\u00abIl a \u00e0 peine franchi la porte de la villa, t\u00e9moigne Alouna Traor\u00e9, qu\u2019il est litt\u00e9ralement canard\u00e9. Les assaillants \u00e9taient venus pour tuer\u2009!\u00bb Les gardes qui veillaient dans le couloir, ceux qui, comme les deux chauffeurs, \u00e9taient rest\u00e9s dehors, ainsi qu\u2019un motard de la gendarmerie, Sor\u00e9 Patenema, venu par hasard apporter du courrier au si\u00e8ge du CNR, ont d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 abattus par les premi\u00e8res rafales.<\/p>\n<p>Un ancien membre de la garde du pr\u00e9sident du Faso, surnomm\u00e9 Otis \u2013\u00a0et, depuis, r\u00e9int\u00e9gr\u00e9 dans les rangs des para-commandos de P\u00f4 (command\u00e9s par le capitaine Blaise Compaor\u00e9, qui en a fait un de ses chauffeurs)\u00a0\u2013 d\u00e9boule dans la salle de r\u00e9union, pousse les collaborateurs du pr\u00e9sident vers la sortie\u2009: \u00abDehors\u2009! Dehors\u2009! Sortez\u2009!\u00bb Tous ceux qui obtemp\u00e8rent sont abattus \u00e0 leur tour. Au\u00a0dernier moment, Patrice Zagr\u00e9 essaie de retourner se r\u00e9fugier dans la salle de r\u00e9union\u2009; une rafale dans le dos l\u2019ach\u00e8ve.<\/p>\n<h4 style=\"text-align: center;\"><strong>Deux impacts mortels sur le front<\/strong><\/h4>\n<p>Alouna Traor\u00e9, par un r\u00e9flexe de peur ou de survie, les deux peut-\u00eatre, s\u2019est retrouv\u00e9 couch\u00e9 sur le gravier mais vivant, baignant dans le sang de ses camarades dont il entend, comme dans un cauchemar, les r\u00e2les et les soupirs d\u2019agonie\u2009: quatre membres civils du cabinet sp\u00e9cial (Paulin Bamouni, Patrice Zagr\u00e9, Fr\u00e9d\u00e9ric Kiemd\u00e9 et Bonaventure Compaor\u00e9) et huit militaires parmi lesquels l\u2019adjudant Christophe Saba, un pauvre gendarme qui passait par l\u00e0, les chauffeurs du convoi pr\u00e9sidentiel et quatre gardes du corps. Alouna a enjamb\u00e9 le corps du PF sans s\u2019en rendre compte.<\/p>\n<p>Regardant par-dessus son \u00e9paule, il voit Thomas Sankara par terre. Deux impacts sur le front l\u2019ont imm\u00e9diatement tu\u00e9. Mais ce coup d\u2019\u0153il instinctif manque de co\u00fbter la vie au rescap\u00e9, qui entend quelqu\u2019un crier\u2009: \u00abIl y en a un qui n\u2019est pas mort\u2009! Celui qui est tout en bleu\u2009! Qu\u2019il se rel\u00e8ve\u2009!\u00bb Alouna Traor\u00e9, l\u2019homme au jogging bleu, se met debout.<\/p>\n<p>On lui dit d\u2019avancer puis de se recoucher par terre, entre deux autres cadavres, ceux des deux chauffeurs du convoi pr\u00e9sidentiel. Il se t\u00e2te. Couvert de sang, il n\u2019a pourtant aucune \u00e9gratignure. Autour de lui, les commandos tirent toujours, mais, cette fois, en l\u2019air, comme s\u2019ils voulaient faire croire \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur que des combats acharn\u00e9s se d\u00e9roulent dans l\u2019enceinte du Conseil de l\u2019entente\u2009; et avec hargne, comme si eux-m\u00eames voulaient croire qu\u2019ils se battent et se d\u00e9fendent r\u00e9ellement. Pendant longtemps, trente minutes peut-\u00eatre, ils usent ainsi leurs munitions.<\/p>\n<h4 style=\"text-align: center;\"><strong>Le Conseil de l\u2019Entente transform\u00e9 en terrain d\u2019ex\u00e9cution<\/strong><\/h4>\n<p>Alouna est toujours au sol. Du coin de l\u2019\u0153il, il voit s\u2019avancer, en combinaison bleue de m\u00e9canicien, le chauffeur-garde du corps du capitaine Blaise Compaor\u00e9\u2009: Hamidou Ma\u00efga, virtuose du volant et de la Kalachnikov, qui le fixe du regard et dit \u00e0 l\u2019intention des autres assaillants\u2009: \u00abLaissez\u2009! Je vais l\u2019achever\u2009!\u00bb<\/p>\n<p>Un grad\u00e9 \u2013\u00a0\u00abJe ne le connais pas, dira Alouna Traor\u00e9, il avait le visage balafr\u00e9\u00bb\u00a0\u2013 s\u2019y oppose et crie\u2009: \u00abAmenez-moi le rescap\u00e9\u2009!\u00bb On lui am\u00e8ne Alouna Traor\u00e9, \u00e0 qui il ordonne de se coucher \u00e0 nouveau. Le survivant essaie de ramper et de se rapprocher d\u2019un mur. Mal lui en prend. \u00abReste tranquille\u2009! s\u2019entend-il apostropher. Sinon tu vas rejoindre les autres\u2009!\u00bb Alouna se le tient pour dit.<\/p>\n<p>Combien de temps est-il rest\u00e9 ainsi par terre\u2009? \u00abDeux ou trois heures\u00bb, avance-t-il sans autre pr\u00e9cision. Jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019un soldat l\u2019interpelle \u00e0 nouveau et le menace\u2009: \u00abToi, tu as tout vu. On ne peut pas te laisser partir comme \u00e7a. Tu vas rejoindre les autres\u2009!\u00bb Alouna ne r\u00e9alise sans doute pas encore tr\u00e8s bien sa situation. Il a d\u00e9pass\u00e9 le stade de la peur et s\u2019est r\u00e9fugi\u00e9 dans le monde de l\u2019absurde.<\/p>\n<p>Depuis qu\u2019il g\u00eet entre les cadavres, une image le hante\u2009: une photo de M\u00e8re Teresa, Prix Nobel de la paix, au milieu de jeunes Indiens mis\u00e9reux, qu\u2019il avait longuement regard\u00e9e le matin m\u00eame. Et, pour l\u2019heure, il n\u2019a qu\u2019une envie, uriner, et le dit. On l\u2019y autorise et il va longuement se soulager entre les fleurs des jardins du Conseil de l\u2019entente, transform\u00e9s cet apr\u00e8s-midi-l\u00e0 en terrain d\u2019ex\u00e9cution.<\/p>\n<h4 style=\"text-align: center;\"><strong>Treize cadavres disparus<\/strong><\/h4>\n<p>On le fait ensuite monter \u00e0 l\u2019\u00e9tage d\u2019une villa o\u00f9 ont \u00e9t\u00e9 regroup\u00e9s des agents du CNR qui ont tout entendu sans avoir rien vu du drame\u2009: le m\u00e9decin-adjudant Youssouf Ouedraogo, adjoint de l\u2019adjudant Christophe Saba, tout le secr\u00e9tariat de ce dernier, Laurent Kabor\u00e9, qui travaillait aussi au CNR. Au milieu d\u2019eux, il a la surprise de d\u00e9couvrir, bless\u00e9, un garde du pr\u00e9sident, Bossob\u00e9, dont on perdra la trace par la suite. La tenue de sport bleue d\u2019Alouna Traor\u00e9 est imbib\u00e9e de sang. Ses mains, son visage, ses cheveux sont ensanglant\u00e9s. On lui dit de se laver. Puis de s\u2019asseoir.<\/p>\n<p>Alors que le soleil s\u2019est couch\u00e9 depuis longtemps, Alouna entend des voitures man\u0153uvrer dans les all\u00e9es du Conseil de l\u2019entente. Il risque un regard par la fen\u00eatre\u2009: les treize cadavres ont disparu\u2009; des camions-citernes sont en train de nettoyer, \u00e0 grands jets d\u2019eau, la sc\u00e8ne du drame. Il passera la nuit dans les coulisses. Il ne dormira pas. Tournant et retournant dans sa t\u00eate la m\u00eame question\u2009: \u00abMais qu\u2019est-ce que le pr\u00e9sident a bien pu faire pour m\u00e9riter \u00e7a\u2009?\u00bb<\/p>\n<h4 style=\"text-align: center;\"><strong>O\u00f9 sont les assassins pr\u00e9sum\u00e9s\u2009?<\/strong><\/h4>\n<p>Relanc\u00e9e d\u00e9but 2015 par le r\u00e9gime de transition apr\u00e8s la chute de Blaise Compaor\u00e9,\u00a0l\u2019enqu\u00eate sur l\u2019assassinat de Thomas Sankara\u00a0est men\u00e9e par le juge d\u2019instruction militaire Fran\u00e7ois Yam\u00e9ogo. Parmi les dix-sept personnes qu\u2019il a inculp\u00e9es, six sont en d\u00e9tention pr\u00e9ventive, dont Gilbert Diend\u00e9r\u00e9, ex-chef d\u2019\u00e9tat-major particulier de Blaise Compaor\u00e9. Deux autres inculp\u00e9s, accus\u00e9s d\u2019avoir jou\u00e9 un r\u00f4le majeur dans cette affaire, \u00e9chappent toujours \u00e0 la justice burkinab\u00e8 et font l\u2019objet d\u2019un mandat d\u2019arr\u00eat international\u2009: Blaise Compaor\u00e9 et Hyacinthe Kafando.<\/p>\n<p>Exil\u00e9 \u00e0 Abidjan, le premier ne devrait pas faire face au juge Yam\u00e9ogo de sit\u00f4t, les autorit\u00e9s ivoiriennes semblant peu enclines \u00e0 l\u2019extrader. Le second, ex-chef de la s\u00e9curit\u00e9 rapproch\u00e9e de Compaor\u00e9 et meneur du commando qui a assassin\u00e9 Sankara, a \u00e9t\u00e9 convoqu\u00e9 par le juge le 22\u00a0juin 2015\u2026 Mais l\u2019ancien d\u00e9put\u00e9 ne s\u2019est jamais pr\u00e9sent\u00e9 au tribunal militaire\u2009: il aurait fui le pays sans laisser de traces et serait lui aussi, selon nos sources, r\u00e9fugi\u00e9 en C\u00f4te d\u2019Ivoire.<\/p>\n<h4 style=\"text-align: center;\"><strong>Plusieurs pistes non \u00e9lucid\u00e9es<\/strong><\/h4>\n<p>Hormis Compaor\u00e9 et Kafando, la plupart des suspects ont \u00e9t\u00e9 entendus. Convoqu\u00e9 \u00e0 deux reprises en 2016 par le juge Yam\u00e9ogo, Salif Diallo, l\u2019ancienne t\u00eate pensante de Compaor\u00e9 d\u00e9c\u00e9d\u00e9 en ao\u00fbt dernier, a ni\u00e9 toute responsabilit\u00e9 dans l\u2019assassinat de Sankara et ajout\u00e9 que Blaise Compaor\u00e9 ne pouvait ignorer ce qui se tramait. Quant \u00e0 Gilbert Diend\u00e9r\u00e9, il soutient ne pas avoir \u00e9t\u00e9 mis au courant d\u2019une quelconque op\u00e9ration contre Sankara et affirme que c\u2019est Hyacinthe Kafando qui en aurait pris l\u2019initiative.<\/p>\n<p>Le juge Yam\u00e9ogo, quant \u00e0 lui, s\u2019int\u00e9resse \u00e9galement \u00e0 d\u2019\u00e9ventuelles implications \u00e9trang\u00e8res \u2013\u00a0en particulier fran\u00e7aise, ivoirienne ou togolaise. Il a adress\u00e9 une commission rogatoire \u00e0 Paris pour demander la lev\u00e9e du secret-d\u00e9fense sur certaines archives et l\u2019audition de diff\u00e9rentes personnalit\u00e9s. Les autorit\u00e9s fran\u00e7aises ont r\u00e9pondu, en mai, qu\u2019elles \u00abn\u2019y voyaient pas d\u2019objection\u00bb, mais qu\u2019elles avaient d\u2019abord besoin d\u2019obtenir un \u00abcertain nombre de pr\u00e9cisions\u00bb.<\/p>\n\n<div style=\"font-size: 0px; height: 0px; line-height: 0px; margin: 0; padding: 0; clear: both;\"><\/div>","protected":false},"excerpt":{"rendered":"<p>Il y a trente ans, le 15\u00a0octobre 1987, le leader de la r\u00e9volution burkinab\u00e8 \u00e9tait assassin\u00e9. Deux ans plus tard, Sennen Andriamirado, r\u00e9dacteur en chef de Jeune Afrique et intime de l\u2019ex-chef de l\u2019\u00c9tat, publiait Il s\u2019appelait Sankara. 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