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Portrait du Capitaine d’Équipe au Onze national- Omar Blondin Diop
OMAR BLONDIN DIOP…
Aîné frère d’une Fratrie
Omar Blondin Diop est né le 18 septembre 1946 à Niamey au Niger. Fils aîné de la fratrie des onze à douze garçons dont le père, Ibrahima Blondin Diop, médecin de son état, et la mère, Adama Ndiaye, sage –femme de son état et sœur jumelle à Awa Ndiaye, sage femme également résidente à Bamako, sont tous trois originaires de Saint Louis du Sénégal. Le père est natif de Toukoto (Kita, République du Mali, ex Soudan français) et les mères sont nées à Siguiri (Guinée actuelle).
Aux termes d’études primaires et secondaires (Lycée Van Vollenhoven, actuel Lamine Guèye, Lycée Montaigne et Louis Le Grand à Paris), Omar est le premier Sénégalais reçu au concours d’entrée à l’École Normale Supérieure de Saint Cloud en 1967.
Élève-professeur en philosophie et sociologie à l’Université de Nanterre, il participe activement sur la ligne de front aux évènements, soulèvement populaire de la jeunesse et de la classe ouvrière, françaises, en Mai 1968 à Paris. En tant que membre fondateur de plusieurs groupes de réflexion dont le Mouvement du 22 Mars, il sera fiché et filé par la police française, puis frappé d’une mesure d’expulsion du territoire français en même temps que son camarade Franco Allemand, eurodéputé écolo actuel, Daniel Cohn-Bendit. Rentré chez lui au Sénégal, il œuvrera tout autant activement dans l’espace universitaire contre les coopérants français du corps enseignant et assistera efficacement le professeur Cheikh Anta Diop dans la constitution du Laboratoire Carbone 14 de l’Ifan où il était reçu stagiaire auprès du Professeur.
De retour à Paris en 1970, il poursuit la préparation de son agrégation à Saint Cloud, suite à la levée de la mesure d’expulsion par le Président Georges Pompidou, sur la demande formulée par Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, Khalife général des Tidianes et exprimée au Président Senghor, ami de Georges Pompidou, président français. Il obtînt gain de cause. Mais cette préparation est interrompue par l’arrestation de ses frères, membres du groupe des incendiaires, dont Lopy (Mahomet) et Pape (Dialo), encore mineurs à l’époque. Motif : ils avaient tenté de saboter le cortège du Président Georges Pompidou, en visite au Sénégal en janvier 1971 et avaient incendié le centre culturel français (Actuel institut Léopold Sédar Senghor). Deux sentiments anti français bien exprimés par ce groupe dont les animateurs seront condamnés à de lourdes peines notamment deux travaux forcés à perpétuité. Le Tribunal spécial, ancêtre de la Cour de Sûreté de l’État, avait décidé ensuite de déporter les condamnés au Centre plénipotentiaire spécial de Kédougou, au Sénégal oriental. Indigné et choqué par la sévérité et la disproportion de ce verdict, Omar réunit quelques amis dont Alioune Sall dit Paloma et Samba Bathily, et ensemble ils décident de suspendre leurs études supérieures et de rentrer au Pays afin d’œuvrer à la libération des peuples et de leurs camarades emprisonnés.
Arrivés à Bamako, après un long périple d’entraînement et de conditionnement, à travers plusieurs pays traversés dont la Turquie, l’Érythrée, la Palestine, la Syrie, la Libye, l’Algérie, la Guinée Conakry, ils ne réussiront pas à regagner Dakar. Ils seront en effet arrêtés et placés en garde à vue par les autorités militaires maliennes du Cmln, sous la direction de Tiécoro Bagayogo, directeur de la Sûreté nationale. Sur la demande du Président sénégalais, Senghor, à l’occasion de sa visite officielle en novembre 1971 à Bamako, le Président Moussa Traoré affréter un avion par vol spécial pour les extrader pieds et poings liés sur Dakar, le mois suivant (décembre 1971).
Arrêtés et réceptionnés, Omar et Paloma seront jugés et condamnés à trois ans de prison ferme par le même Tribunal spécial, le 22 Mars 1972, les autres inculpés bénéficiant de sursis.
Plus tard, en cellule, victime de sévices et du comportement négrier de ses gardes pénitentiaires, Omar Blondin Diop trouvera la mort dans des circonstances mystérieuses jusque là jamais élucidées, dans la nuit du 10 au 11 mai 1973. Sur l’île de Gorée, dans la sinistre prison disciplinaire devenue aujourd’hui Musée préhistorique et où trône son portrait parmi les grandes figures de l’histoire contemporaine de l’Afrique noire.
Suite à son décès dont le certificat de genre de mort reste problématique pour l’État sénégalais, 44 ans après, le Ministre de l’Intérieur de l’époque, en la personne de Jean Collin, avait dans un premier temps refusé de rendre le corps à sa famille. Puis dans la précipitation, en présence d’un de ses frères et de voisins de la Médina, il sera inhumé au cimetière Abattoir de Soumbèdioune. L’autopsie qui avait été réclamée par son père docteur, et réalisée en sa présence n’a pas été concluante pour justifier de la version officielle du suicide donnée par le Gouvernement sénégalais.
Jusqu’à présent la controverse publique qui a d’emblée opposé sa famille au gouvernement sénégalais portant sur les circonstances de sa mort, perdure et s’amplifie depuis 4 ans, à l’occasion de la célébration des 40 ans de sa disparition. Son frère, le docteur Dialo Diop, mandataire de la famille, a déjà saisi officiellement les autorités compétentes pour une réouverture de l’enquête judiciaire par une police scientifique agréée. Depuis, aussi, ils attendent la réponse de l’État à requête officielle.
EN conclusion, la courte vie de ce digne fils d’Afrique, Sankara avant l’heure, plus radical que Nelson Mandela, Che Guevara dans le tempérament et plus qu’un Jean Paul Sartre et un Albert Camus réunis dans sa tête, a été riche et diverse. En témoigne son goût pour le Cinéma avec sa participation de La Chinoise de Jean Luc Godard, cinéaste français ; son goût pour la musique Jazz des Black Panthers et les sonorités afro cubaines d’Amériques, son goût pour d’autres civilisations sur lesquelles il est resté très ouvert. C’est ainsi qu’Omar a beaucoup lu, peu écrit, fait un deux films, a vu du pays en traversant maintes contrées et s’est fait plein d’amis partout dans le monde.
La trajectoire exemplaire de cet homme est faite d’ardeur à l’étude, d’ouverture d’esprit, de détermination pour l’essence de l’être, et d’abnégation dans la lutte de libération. Une telle simplicité ne se retrouvera plus tard qu’en Thomas Sankara, son cadet de trois ans (né le 21 décembre 1949). Avec un désintéressement prononcé dans les relations humaines, et surtout une honnêteté intellectuelle fort scrupuleuse qui allie sens de la générosité humaine et don de soi sans bornes. Né de parents sénégalais au Niger, à la fois Soudanais et Sénégalais, Nigérien et Guinéen, parlant couramment le bambara et le wolof, le français et l’anglais, l’allemand et l’arabe, Omar demeure le parachèvement de tout sentiment d’inachèvement perpétuel. Mais aussi, la source abondante d’une inspiration féconde pour la jeunesse insatiable de savoir. Une source inépuisable de praxis pour la Jeunesse africaine, présentement sur la brèche, à la recherche de modèles pour trouver par elle-même les réponses à ses questions légitimes face à l’échec des politiques sociales et néocoloniales des régimes en place qui semble-t-il, ne lui offrent aucune perspective crédible.
La reconnaissance des vertus salvatrices est une exigence des temps présents. Puisse ce portrait, reflet d’une existence qui a été brève comme une étoile filante, faisant beaucoup parler d’elle, laissant des traces sur les destinées individuelles, et passant rapidement comme presque de façon inaperçue et allant choir au fond de l’immensité de sa destinée à enfant prédestiné qui a traversé ce siècle en météorite. L’unité d’action dans sa lutte pour le panafricanisme, la praxis qu’il développait par sa pensée fédératrice d’énergies créatrices, ont fait parler de lui au-delà des frontières factices qui nous insèrent peuples et communautés de Nations francophones, anglophones et lusophones, qui sont partagés entre les musulmans, les chrétiens et les traditionnalistes. On ne doit pas accepter au sein de la nouvelle citoyenneté Cedeao, que les puissances étrangères dépècent le continent sous nos yeux en nous séparant en des micros États qu’ils soutiennent et renforcent en permanence, sans possibilité de leur rendre leur autonomie . C’est en cela que consistait le combat d’Omar Blondin Diop, pour qui «La Révolution n’a pas besoin de Chef suprême». Même si un seul nous suffit comme le diraient d’autres confessions, Omar était un roi qui marchait pieds nus sur les chemins de la connaissance. Il n’a laissé ni livre, ni épouse, ni enfant à l’âge de sa disparition. Il est reparti comme il était venu un jour du 18 septembre 1946. Frou! Comme l’oiseau migrateur.
Le glaive de la justice, une fois qu’il l’a quitté ne connaît plus de fourreau…
Flux financiers suspects : Amadou Sall et dix autres personnes visés par la justice
L’enquête sur les flux financiers présumés de 125 milliards de FCFA continue de faire des vagues. Selon Libération , le parquet financier a requis contre dix personnes et un individu non identifié dans le cadre de cette affaire selon Emedia.
D’après le rapport de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), l’enquête met en lumière des mouvements suspects de fonds. Il est notamment question de bons de caisse d’une valeur totale de 10 milliards de FCFA, dont une partie aurait été transférée vers un compte bancaire de la société Woodrose Investment Ltd, logé à la Nsa. Cette entreprise, bien que détenue par Ndèye Seynabou Ndiaye, aurait été gérée par Amadou Sall, fils de l’ancien président Macky Sall, grâce à une procuration, ce qui ferait de lui le bénéficiaire économique.
Amadou Sall, actuellement au Maroc, est au cœur de cette affaire. Ses proches défendent cependant la légitimité de ces transactions, affirmant qu’il s’agirait du produit de la vente d’un terrain offert en 2014 par son père, l’ex-président Macky Sall. Selon eux, cette vente aurait été supervisée par Farba Ngom, qui aurait géré les transactions avec Woodrose Investment Ltd.
Outre Amadou Sall, l’ancien directeur de la Couverture Maladie Universelle (CMU), Bocar Mamadou Daff, est également cité dans l’enquête, notamment pour un virement de 35 millions de FCFA. Le parquet financier a requis un mandat de dépôt contre l’ensemble des personnes impliquées, y compris Amadou Sall.
Le recyclage des élites : un frein à l’innovation numérique au Sénégal (Par Souleymane Jules Sène)
Au Sénégal, le numérique est souvent présenté comme un levier majeur de développement, un secteur capable de transformer l’économie et d’offrir de nouvelles opportunités aux jeunes. Pourtant, lorsqu’il s’agit de confier la gestion de projets stratégiques, ce sont toujours les mêmes visages qui reviennent, recyclés d’un poste à un autre, sans véritable remise en question. Pendant ce temps, les véritables startups, porteuses d’idées novatrices et de solutions adaptées aux réalités actuelles, sont mises de côté.
On entend souvent dire que “c’est avec les vieilles marmites qu’on fait les bonnes sauces”. Certes, l’expérience a son importance, mais dans un secteur en constante évolution comme le numérique, l’innovation et l’agilité sont bien plus précieuses. Confier la promotion du numérique à ceux qui peinent à comprendre ses mutations, c’est ralentir son essor et limiter son impact.
Les jeunes startups sénégalaises ne manquent ni de compétences ni d’ambition. Elles ont prouvé, à travers divers projets et solutions locales, qu’elles peuvent rivaliser avec les meilleures. Elles connaissent les défis du terrain, comprennent les besoins des utilisateurs et savent s’adapter aux évolutions technologiques. Pourtant, elles sont souvent reléguées au second plan au profit de figures déjà bien installées, parfois déconnectées des réalités du secteur.
Si l’on veut une véritable rupture, si l’on souhaite que le numérique soit un moteur de croissance et de transformation, il est temps de faire confiance aux nouvelles générations. Le Sénégal ne peut pas prétendre être une nation digitale en continuant de confier son avenir numérique à ceux qui, depuis dix ans ou plus, occupent les mêmes sphères sans réel impact.
Le succès du numérique repose sur l’audace, l’innovation et l’ouverture à de nouvelles idées. Il est temps d’arrêter le recyclage et de miser sur ceux qui ont la passion et la vision pour faire bouger les lignes.
Souleymane Jules Sène
Gel de l’aide américaine aux pays africains : La réponse de Macky à Trump
Le président Trump a décidé de supprimer l’aide publique des Etats Unis d’Amérique. Une décision qui a eu des répercussions au Sénégal, mais aussi en Afrique. Mais pour Macky Sall, l’Afrique n’est plus dans une position de tendre la main.
«L’Afrique n’est plus dans une perspective de tendre la main. On n’est plus dans une logique d’aide au développement». Telle est la réponse de Macky Sall à l’administration Trump qui a décidé du gel de l’aide publique américaine internationale . L’ancien Président de la République du Sénégal s’exprimait lors d’un panel d’Atlantic Council sur l’engagement économique des Etats Unis vis-à-vis de l’Afrique.
L’ex chef de l’Etat a tenu à préciser aux américains, que l’aide ne peut pas apporter les réponses attendues par les africains. «Parce que l’Afrique est trop grande pour dépendre de l’aide. Sa population est grande et jeune pour dépendre de l’aide. Il faut des mécanismes, développer le marché des capitaux sur le continent et développer des joint-ventures. Ce sera gagnant-gagnant. C’est le message que j’aimerais donner à la nouvelle administration Trump», ajoute-t-il.
En effet, plusieurs pays ont été impactés par la suppression de l’aide américaine. Le Sénégal avait signé avec les Usa, dans le cadre du «Power Compact», un accord de don d’un montant global de 600 millions de dollars. Objectif : réduire la pauvreté à travers le renforcement du secteur de l’électricité. Mais, le 3 février dernier, le premier ministre Ousmane Sonko a annoncé, que ce financement a été bloqué.
«Vous avez vu, le président américain avait promis de suspendre l’aide publique pour voir, dans les trois mois, les programmes qui seront reconduits ou gelés. Au Sénégal, un de nos projets de plus de 500 millions de dollars, est concerné. Le programme concernant l’électrification, a été arrêté (dakhal nañuko)», avait déclaré le chef du gouvernement.
Justice , chômage , homosexualité, Fonds politiques , cherté de la vie : La longue liste de promesses non tenues par Diomaye
Candidat à la présidentielle du 24 mars 2024, Bassirou Diomaye Faye, avec l’onction de Sonko, avait fait des promesses sur la justice, le chômage, le coût de la vie, l’homosexualité, les fonds politiques et les nominations. A presque un an d’exercice du pouvoir, ces promesses ne sont pas encore tenues.
Le tandem Diomaye Sonko à la présidentielle de 2024 avait promis, une fois arrivé au pouvoir de réformer la justice pour son indépendance totale. Pour ce secteur, Diomaye et Sonko avaient promis de réformer le conseil supérieur de la magistrature de sorte à ce que le président de la République et le ministre de la justice n’y siègent plus.
Diomaye Sonko avait promis de couper le lien ombilical qui lie la justice à l’exécutif
En tant que président et vice-président du conseil supérieur de la magistrature, le chef
de l’Etat et le ministre de la justice ont un pouvoir sur les magistrats. Autrement dit,
c’est sur proposition du ministre de la justice que les magistrats sont nommés,
affectés etc. Le candidat de la coalition Diomaye président avait aussi promis de
renforcer les pouvoirs et l’indépendance des procureurs et juges, ce qui n’est pas
encore fait.
Le renforcement de l’indépendance et les pouvoirs des procureurs et juges est resté à l’état de promesse
Une autre forte promesse du duo Diomay Sonko est la réduction du coût de la vie. Pour
cette promesse, si quelques efforts ont été faits avec la diminution du prix de certaines denrées, sa réalisation est toujours attendue par Gorgorlou qui ploie sous le poids de la hausse sauvage des prix. Cette hausse est d’autant plus incompréhensible qu’elle n’épargne pas les denrées qui sont produites au Sénégal et des marchandises fabriquées sur place.
Dans la sous-région, le Sénégal est à la première place des pays où le coût de la
vie est de plus en plus cher
Diomaye avait aussi promis de s’attaquer au chômage. En attendant, l’effectivité de
cette promesse, son gouvernement propose du travail saisonnier en Espagne. En tout
cas pour cette offre d’emploi, le service en charge de la collecte des demandes a fait
savoir que 370 candidats ont été retenus pour aller travailler en Espagne. Encore
que sur ce nombre 100 sont constitués par des personnes qui étaient parties l’année
dernière dans ces champs. Ce qui ramène le nombre de candidats sélectionnés à 270 individus qui devront passer un entretien avec les employeurs espagnols avant de pouvoir aller travailler dans les plantations de ce pays.
Sur les milliers et les milliers de demandes d’emplois saisonniers en
Espagne 370 sont retenues
Pour rappel, au lendemain de l’appel à candidature du gouvernement Sénégalais
pour des emplois saisonniers en Espagne, il y a eu un rush au niveau des Baos qui a poussé ce service à demander aux candidats de faire parvenir leurs dossiers en ligne.
La suppression des fonds politiques, la criminalisation de l’homosexualité peinent à être effectives
Les fonds politiques dont la promesse de suppression a occupé une place de choix
dans le programme de campagne du candidat Bassirou Diomaye Faye sont maintenues. A la place de leur suppression, c’est à un contrôle qu’ils vont être soumis proposent les nouvelles autorités qui militent pour leur conservation. La question de l’homosexualité dont la promesse de criminalisation a motivé le soutien de certaines structures et cercles religieux au candidat de la coalition Diomaye président fait toujours débat. En atteste la sortie du mouvement « Sam SaKaddu » qui demande au président Diomaye et à sa majorité à l’Assemblée de respecter cette promesse. Il y’a également les nominations. La proposition de l’appel d’offre qui avait été agitée par le tandem Diomaye Sonko pour certains postes de directions est aux oubliettes…Comme quoi en politique, les promesses n’engagent que ceux qui les croient…
Et si les États-Unis se désengageaient de l’ONU ? (Par Cheikh Niang)
L’introduction du projet de loi « Disengaging Entirely from the United Nations Debacle (DEFUND Act) » par le sénateur américain Mike Lee relance un débat complexe sur le rôle des États-Unis dans la gouvernance mondiale. Ce texte législatif propose un retrait complet des États-Unis de l’Organisation des Nations Unies (ONU), invoquant des questions de souveraineté nationale, de responsabilité budgétaire et de partialité présumée au sein de l’organisation. Le « DEFUND Act » traduit un sentiment croissant parmi certains décideurs politiques américains selon lequel l’ONU ne sert plus les intérêts des États-Unis. Mais à quoi ressemblerait un monde privé de l’influence américaine à l’ONU ? Cela conduirait-il à un ordre mondial plus équilibré ou affaiblirait-il la coopération internationale ? Cette réflexion explore les implications, les défis et les opportunités liés à une ONU sans les États-Unis et, in fine, examine la capacité du monde à naviguer dans un système multilatéral dépourvu de son acteur le plus influent.
Depuis sa création en 1945, l’ONU a été profondément marquée par l’influence américaine. Comme l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, les États-Unis ont façonné des décisions internationales majeures en matière de paix et de sécurité, utilisant leur droit de veto pour protéger leurs intérêts nationaux et ceux de leurs alliés. De plus, les États-Unis sont le plus grand contributeur financier de l’ONU, fournissant environ 22 % du budget ordinaire et 25 % du budget des opérations de maintien de la paix. Cette influence financière confère aux États-Unis un levier considérable sur l’agenda de l’organisation, allant de l’aide humanitaire au développement international. Comme le rappelait l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan : « Quand les États-Unis ne s’engagent pas, le monde entier en souffre. »
Au-delà de l’aspect financier, le leadership américain a été déterminant dans des initiatives clés de l’ONU, notamment en matière de droits de l’homme, de santé et de sécurité. Les États-Unis ont joué un rôle essentiel dans l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la création de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le déploiement de missions de maintien de la paix dans le monde entier. Leur diplomatie a également été influente dans l’imposition de sanctions contre des États dits « voyous » et dans la médiation de conflits internationaux. En ce sens, par la force des choses, l’ONU est devenue, pour reprendre les termes de l’historien américain Paul Kennedy, « l’instrument par lequel l’Amérique exporte sa vision de l’ordre mondial ».
Cependant, ce rôle n’est pas sans controverse. Certains critiques estiment que la domination américaine a parfois conduit à une politisation des normes internationales et à un double standard, notamment en matière de droits de l’homme et de recours à la force. De plus, les États-Unis ont souvent adopté une approche sélective, soutenant les initiatives qui servent leurs intérêts tout en ignorant d’autres priorités. Cette approche a contribué à la perception d’un parti pris qui mine la crédibilité de l’ONU en tant qu’arbitre neutre sur des questions mondiales.
Les partisans du « DEFUND Act » estiment que l’implication continue des États-Unis à l’ONU porte atteinte à la souveraineté nationale et pèse sur le contribuable américain. Selon eux, l’organisation mondiale a dévié de sa mission première de promotion de la paix et de la sécurité, devenant plutôt une tribune pour l’antiaméricanisme et un forum où des régimes non démocratiques exercent une influence excessive.
Ils avancent également que l’Assemblée générale de l’ONU accorde des droits de vote égaux à tous les États membres, indépendamment de leur taille démographique ou système politique. Cela signifie que certains États, petits et/ou autoritaires, disposent du même pouvoir de vote que de grandes démocraties. Pire, ces États ont tendance à faire preuve d’ostracisme et d’hostilité à l’égard des États-Unis et de leurs alliés, notamment Israël.
Enfin, ils estiment que l’ONU porte atteinte à la souveraineté américaine en imposant des normes internationales qui contredisent les valeurs ou les intérêts des États-Unis. Selon eux, certaines résolutions de l’ONU sur le changement climatique et les droits de l’homme constituent une ingérence dans la politique intérieure américaine.
Tout compte fait, une certitude demeure : un retrait des États-Unis provoquerait une crise financière immédiate à l’ONU. Cette dernière ferait face à un déficit de financement affectant les missions de paix, l’aide humanitaire et les programmes de développement, impactant particulièrement les populations vulnérables dans les zones de conflit et les pays en développement.
En l’absence de leadership américain, d’autres puissances mondiales – au premier rang desquelles la Chine et la Russie – combleraient le vide. La Chine, en particulier, a déjà renforcé son influence au sein du système onusien. Un retrait américain accélérerait cette dynamique, offrant à Beijing l’opportunité de façonner les normes internationales avec davantage d’assurance.
Il convient de noter qu’un tel scénario ne serait pas sans conséquences pour les États-Unis eux-mêmes. En renonçant à leur leadership onusien, ils risqueraient, à terme, une marginalisation progressive sur la scène internationale, perdant leur capacité à influencer les règles du jeu global. Outre la perte d’influence politique et diplomatique, ils pourraient voir leur monnaie, le dollar, perdre son statut de devise dominante dans les transactions internationales. L’hégémonie du dollar repose en grande partie sur le rôle prééminent des États-Unis dans les institutions multilatérales. Un retrait affaiblirait cette position stratégique, ouvrant la voie à des alternatives comme le yuan chinois. En renonçant à leur rôle central à l’ONU, les États-Unis céderaient ipso facto le terrain aux puissances émergentes, perdant leur capacité à façonner l’agenda international.
Une autre question complexe découlerait de ce retrait : celle du siège de l’ONU. Le quartier général de l’organisation étant situé à New York, une remise en question du siège deviendrait inévitable. Une telle décision transformerait la dynamique diplomatique mondiale et consoliderait l’ordre multipolaire en construction.
En fin de compte, la perspective d’une ONU sans les États-Unis pose des questions complexes sur les dynamiques de pouvoir, la coopération internationale et l’avenir du multilatéralisme. Que le monde soit prêt pour cette éventualité reste incertain. Mais il est évident que le système international doit s’adapter aux nouvelles réalités géopolitiques. La question cruciale n’est pas seulement de savoir si les États-Unis vont quitter l’ONU, mais comment la gouvernance mondiale peut évoluer pour relever les défis du XXIe siècle.
Dans tous les cas de figure, les chancelleries, notamment dans le Sud global et plus spécifiquement en Afrique, se trouvent face à l’impérieuse nécessité de réfléchir à divers scénarios pour anticiper la reconfiguration de l’ordre mondial. Comme le soulignait Boutros Boutros-Ghali, ancien Secrétaire général de l’ONU, « La diplomatie ne consiste pas seulement à parler, mais à écouter, à comprendre et à s’adapter.
Cheikh Niang
Ancien Ambassadeur aux États-Unis d’Amérique,
Ancien Représentant permanent auprès des Nations Unies