Mcc, terrorisme, pétrole et gaz : Tulinabo Mushingi dit tout

Ambassadeur des États-Unis d’Amérique au Sénégal, Tulinabo S. Mushingi revient dans cet entretien accordé à Tribune, sur le niveau de coopération entre son pays et le Sénégal. Au-delà du Millénium chalenge corporation, il évoque plusieurs secteurs de premier ordre où des millions de dollars sont investis annuellement. Et, tel un véritable cow-boy, il lance son lasso tout en revenant surtout sur les menaces sécuritaires avec un terrorisme ambiant. Non sans aborder la question du pétrole et du gaz qui pollue l’atmosphère sous nos tropiques.  

Entretien réalisé par Abdoulaye MBOW 

Quel est le niveau des accords entre le Sénégal et les États-Unis ? 

Bonne question surtout par rapport à l’environnement actuel. Heureusement que les Américains posent également la même question. Donc, tout ce que nous recherchons n’est autre que d’avoir un partenariat gagnant-gagnant. Cela veut dire que les deux parties voient ce qu’il y a de meilleur à gagner dans le cadre de ce partenariat bilatéral. Mais, je dois rappeler que chez nous, il existe des Institutions qui sont fortes. Donc, les accords signés sont bien contrôlés et ajustés. Entre nos deux pays, ce sont des relations qui datent depuis les années 60. Nous avons des relations profondes basées sur des valeurs communes. Autrement dit, des valeurs où nous nous mettons d’accord. Je donne l’exemple du Millénium chalenge corporation (Mcc), qui est compact parce que tout simplement, il y a une signature où les Sénégalais vont mettre quelque chose sur la table de même que les Américains. À ce niveau, nous nous mettons d’accord et disons ce qu’il faut faire pour le compact, voilà le montant. Il y a bien entendu d’autres accords qui lient les deux pays. Et, je dois surtout rappeler que par rapport aux engagements entre les deux pays, tant qu’il y aura ce partenariat gagnant-gagnant, nous ferons en sorte que tout soit respecté. Le premier compact s’est terminé en 2015 avec un montant de près de 240 milliards Cfa FA pour les volets agriculture et transport avec la construction de 372 kilomètres de routes. Il y a donc plusieurs routes sans oublier le pont de Ndioum qui était essentiel pour les populations de cette localité. C’est aussi le cas dans le cadre du projet rizicole comme à Ross Béthio, Richard-Toll, entre autres. Un tel compact s’est terminé en 2015 et tout de suite nous avons commencé la négociation pour le second compact qui n’a jamais été aussi grand que le premier. Et, il est exceptionnel de se qualifier pour ce second compact, signé en décembre 2018. Il intervient dans le domaine énergétique pour un montant de 320 milliards Cfa.

 

Par rapport à la loterie portant sur la Green Card, l’on voit beaucoup d’installations à travers la ville. Qu’en est-il réellement ? 

La loterie existe toujours. Il faut d’emblée dire qu’elle est gérée par nous-mêmes. L’existence d’autres structures ne nous engagent pas du tout. Comme le nom l’indique, c’est une loterie. Les gens postulent à travers des sites biens connus. S’ils sont sélectionnés, ils passent par le processus normal. Pour nous, c’est très clair.

L’on voit faire beaucoup d’œuvres sociales. Est-ce que c’est la téranga sénégalaise qui vous a inspiré ? 

Je dirai plutôt que c’est la «téranga américaine». J’ai débarqué au Sénégal en juillet 2017 alors qu’il y avait les élections législatives. Le lundi, je me rends à mon bureau. Dehors, j’ai aperçu des pêcheurs ou encore des chauffeurs de taxis. J’ai automatiquement demandé ce que nous faisons pour ces personnes qui sont nos voisins. Ensuite, des propositions ont été faites pour aller dans le sens de faire des œuvres sociales. Mélangées, la téranga sénégalaise et américaine ne peuvent que donner cela.

 

Pourquoi les États-Unis donnent-ils l’impression de ne pas trop prendre de place au Sénégal, en Afrique comme la France ou encore la Chine ? 

En tout cas, je peux dire que l’ambassade américaine au Sénégal est la plus grande présence en Afrique francophone. Nous avons vingt-deux (22) différentes agences américaines qui opèrent ici. Quelle autre ambassade a une telle présence ? Si nous prenons un seul programme qu’est le Mcc, c’est 550 millions de dollars américains (côté américain) plus 50 millions du côté sénégalais, cela fait un paquet de 600 millions, soit 320 milliards Cfa. Donnez-moi une autre ambassade à travers la coopération bilatérale qui dispose d’un paquet d’une telle valeur. Pour le secteur de la défense, c’est 22 millions par an, dans la santé c’est 15 millions par an. L’Usaid, c’est 120 millions par an. La liste est encore exhaustive. Je dois vous dire que je suis allé dans les quatorze régions du Sénégal. Et, je peux vous assurer que dans chaque région, vous verrez une présence américaine. Qui dit mieux ? Ceci, pour tout simplement dire que nous sommes parmi les plus représentatifs, les plus influents. L’année dernière, nous étions numéro deux dans la liste des pays partenaires du Sénégal. Et, l’année prochaine nous serons encore là.

Avec les nombreuses menaces qui assaillent la sous-région surtout avec la menace djihadiste, quelle place accordez-vous au volet sécuritaire ?

Pour être plus clair, une très grande place. Je disais à certains de vos collègues, qu’au mois de décembre, nous allons dévoiler notre politique en Afrique, dans le secteur concerné. Je veux surtout que le citoyen lambda puisse comprendre et savoir ce que nous voulons faire pour le Sénégal. Car, ce que nous voulons est très clair. Il y a d’abord la prospérité. Accroître la prospérité pour les deux pays en insistant sur les liens commerciaux et les investissements privés. Ensuite, protéger les États-Unis et les Américains, les Sénégalais et le Sénégal contre les menaces sécuritaires et de santé publique comme cela a été le cas avec Ébola. Enfin, il y a la bonne gouvernance parce que nous devons travailler et nous voulons travailler avec des partenaires qui montrent clairement qu’ils ont des politiques centrées sur leurs citoyens à travers un développement inclusif. Il faut rappeler que nous avons signé un accord sur le volet sécuritaire en 2016 pour permettre aux forces de sécurité des deux pays de travailler ensemble. Nous mettons aussi en avant la lutte contre le terrorisme, et le Sénégal reste un partenaire fiable. J’ai visité beaucoup de vos commandements militaires et la lutte contre le terrorisme reste entière. Par ailleurs, dans le cadre de la lutte pour le maintien de la paix, le Sénégal est un grand partenaire. Il y a beaucoup de forces de sécurité sénégalaises qui opèrent dans plusieurs pays comme au Mali, en Guinée-Bissau, à Haïti, etc. Nous sommes convaincus que la paix au Mali est aussi la paix au Sénégal. La professionnalisation des forces de sécurité est aussi d’actualité, car dans certains pays, des mécontentements sont nés de là. Donc, il faut des forces républicaines qui n’entrent pas dans la politique. Cela peut beaucoup aider dans les questions d’ordre sécuritaire en parlant de plusieurs pays. En tout cas, nous allons continuer d’investir au Sénégal. Il faut travailler ensemble parce qu’un seul pays ne peut le réussir. Nous avons récemment inauguré un centre de formation régional pour les renseignements à Thiès  et pour lutter contre le terrorisme.

Au Sénégal, se pose le débat sur la peine de mort qui est encore de rigueur dans certains États en Amérique. Votre appréciation sur le sujet ? 

Je suis content de voir qu’il existe un débat citoyen au Sénégal. Mais, chaque pays définit ses lois pour les citoyens. En tant que diplomates, nous respectons les lois des pays. La discussion sur la peine de mort va et doit se passer entre Sénégalais. Une fois que les Sénégalais auront décidé de la loi à appliquer en se basant sur leurs valeurs, leurs intérêts, nous avons le devoir de la respecter. Chaque peuple décide des lois à faire appliquer.

 

Et sur le plan de l’éducation ? 

Nous sommes convaincus qu’il faut un peuple éduqué pour continuer de développer le pays. C’est pourquoi les États-Unis ont décidé d’investir au Sénégal à hauteur de 100 millions de dollars dans le secteur de l’éducation. Il y a un programme qui s’appelle «la lecture pour tous», car nous avons constaté un réel déficit. D’autres ont quitté l’école très tôt. Nous y investissons beaucoup. Il y a également l’abandon précoce de certains enfants qu’il faut aider à réintégrer le système. Sur le plan professionnel, tout le monde ne peut être diplômé en Master, Phd, doctorat. Donc, il faut aussi s’orienter dans l’entreprenariat pour soutenir les jeunes à acquérir d’autres connaissances professionnelles. Nous avons récemment aidé à la construction d’un bâtiment à hauteur de 13 milliards Cfa pour les jeunes de la sous-région francophone, afin que les jeunes puissent développer leurs talents. L’éducation des jeunes filles intéressent aussi les États-Unis. À partir de mon bureau, vous pouvez même voir New-York, comme pour dire que nous sommes très proches. Nous sommes dans le même bateau.

Vous suivez le débat sur le pétrole et le gaz. Votre opinion sur le sujet ?

 

Nous sommes très contents d’être ici (à la rédaction, ndlr), parce que le rôle de la presse dans la société est très important. Ce qui montre la puissance de la presse qui a un pouvoir. Et, c’est ce qui se voit à travers les colonnes des journaux relativement au débat sur le pétrole. Donc, quand des nouvelles sont publiées dans les journaux, il faut impérativement prendre du recul pour bien les analyser avant de commencer à les commenter. Cela permet au moins de situer la vérité. Mais, on ne peut pas commencer à spéculer de gauche à droite. D’ailleurs, dans ce cadre de figure, tout le monde devient spécialiste d’un coup. En ce qui concerne les professionnels de la presse, j’espère qu’ils continuent à enquêter pour donner aux Sénégalais et au monde entier la vérité et d’éviter d’écrire n’importe quoi. Maintenant, il faut savoir que le pétrole et le gaz sont de véritables opportunités pour le développement du Sénégal. Comment y arriver et les transformer en avantage, est la question à poser. Nous avons une compagnie américaine qui travaille avec British petroleum (BP) au niveau de la frontière mauritanienne. Mais, cela a pris beaucoup de temps pour que nous arrivions à ce niveau. Je dois dire que les compagnies américaines travaillent dans la transparence et la bonne gouvernance. À ce propos, je ne peux que demander aux Sénégalais d’être à table avec nous quand il y a des discussions sur ces sujets. La transparence et la bonne gouvernance sont des piliers incontournables de notre intervention dans le secteur du pétrole et du gaz.

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