Ancien magistrat devenu acteur politique, Ibrahima Hamidou Dème n’a pas mâché ses mots. Lors d’une journée de réflexion organisée par Afrika Jom Center sur le thème « Sénégal, un modèle démocratique à la croisée des chemins », il a livré une charge sévère contre les plus hautes autorités judiciaires, qu’il juge trop passives face aux critiques répétées d’Ousmane Sonko à l’encontre de la justice.
Dans des propos rapportés par L’Observateur, l’ex-procureur déplore une absence de réaction à la hauteur des enjeux institutionnels. Selon lui, cette posture relève d’une « culture de soumission » qui fragilise l’indépendance de la justice et, plus largement, l’État de droit. « Les grands chefs de juridiction rasent les murs », a-t-il lancé, estimant que ce silence affaiblit la crédibilité du pouvoir judiciaire.
Ibrahima Dème cible notamment le premier président de la Cour suprême, le procureur général près cette juridiction, ainsi que l’Union des magistrats du Sénégal (UMS). Il regrette le mutisme de ces instances à un moment où, selon lui, l’institution judiciaire est publiquement mise en cause par le Premier ministre. « Quand la justice est attaquée par le chef du gouvernement, c’est précisément à ses plus hauts représentants de sortir de leur réserve », insiste-t-il.
L’ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, dont il avait claqué la porte sous le régime de Macky Sall pour dénoncer une instrumentalisation politique de la justice, évoque avec nostalgie une époque où certaines figures, à l’image de Kéba Mbaye, n’hésitaient pas à défendre publiquement l’indépendance judiciaire, quitte à s’exposer au pouvoir.
S’il reconnaît certaines améliorations apportées au fonctionnement de la justice ces dernières années, Ibrahima Dème met en garde contre des réformes superficielles. À ses yeux, sans une volonté politique sincère, les changements annoncés peuvent facilement être contournés, au détriment des magistrats jugés trop indépendants.
« Défendre la justice, même lorsqu’elle peut demain s’exercer contre ceux qui gouvernent, c’est cela la démocratie », a-t-il conclu, appelant à un sursaut institutionnel pour préserver l’équilibre des pouvoirs.
