Les Vingt-Sept vont-ils adopter l’accord avec les pays du Mercosur ? Le traité de libre-échange, négocié depuis plus de 25 ans entre les Européens d’un côté, et l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay de l’autre, s’est invité ce jeudi 18 décembre au menu du Conseil européen à Bruxelles, alors qu’il n’était pas à l’ordre du jour. Il devait en principe faire l’objet d’un vote des Vingt-Sept avant une hypothétique signature samedi au Brésil par la présidente de la commission Ursula von der Leyen.

Des agriculteurs belges et français ont manifesté dès mercredi autour de l’aéroport de Bierset, près de Liège, lieu de rassemblement symbolique, car cet aéroport est une plaque tournante logistique et pourrait demain être la porte d’entrée d’importations agricoles sud-américaines.

De 8 000 à 15 000 personnes attendues

Les tracteurs belges ont commencé à entrer dans Bruxelles en ordre dispersé pendant la nuit et ce jeudi matin, les convois venus de pays comme les Pays-Bas ou la France ont investi les grands axes et bloqué les carrefours. Sur la rue de la Loi, dans le quartier européen, des tracteurs ont enfoncé des barrages de police et celle-ci a déjà commencé à utiliser lacrymogènes et canons à eau.

Pour les manifestants, la diminution prévisible du budget de la politique agricole commune et l’éventualité d’un feu vert au traité avec les pays du Mercosur restent inacceptables, précise notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. « Le Mercosur, ça fait 20 ans qu’on en parle et on va attendre. Il n’a toujours pas signé, n’avance toujours pas. Et l’avis est toujours le même. Pour le secteur, c’est un non en l’état et on n’a pas besoin de ça. Pourquoi importer des produits qu’on produit chez nous et en plus avec des normes différentes des nôtres ? Comme c’est de l’importation de produits avec des normes différentes des nôtres, notamment un coût de production moins élevé et donc pour le consommateur, cela signifie des produits moins chers, mais de mauvaise qualité », explique Florian Poncelet, président de la Fédération des jeunes agriculteurs de Belgique.

La dermatose nodulaire qui a plongé l’élevage bovin français dans une crise aiguë ces dix derniers jours devrait contribuer au succès de la mobilisation bruxelloise. Les syndicats agricoles attendent entre 8 000 15 000 personnes dans la capitale belge ce jeudi, les rassemblements devant commencer en fin de matinée avec une arrivée sous les fenêtres du Parlement européen dans l’après-midi.

Un vote des Vingt-Sept en faveur du traité avec le Mercosur semble de moins en moins assuré. Pourtant, nombreux sont ceux au sein de l’UE qui comptent sur cet accord, comme les professionnels du secteur vitivinicole italiens. Pour Nicola Tinelli, responsable de l’Union italienne du vin (UIV), l’accord UE-Mercosur représente une avancée majeure pour garantir les protections nécessaires à l’agriculture européenne face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières des États-Unis

À l’avant de son tracteur, Bertrand Chauffier a fixé un grand cercueil en bois, le symbole, dit-il, de la mort annoncée de son activité : « Nous l’avons mis sur charnière pour qu’on montre bien qu’il est vide, explique-t-il à RFI. Vide comme seront les caddies des consommateurs si l’agriculture française disparait. » Car pour cet agriculteur qui cultive notamment de la betterave, le Mercosur menace directement la filière du sucre en France. « On l’avait dit haut et fort il y a 18 mois quand on est sortis sur les autoroutes. On ne voulait pas de produits qui ne soient pas produits de la même manière que chez nous, le prix du sucre va être anéanti. C’est de la concurrence déloyale », dénonce ce céréalier, dans ses tout derniers préparatifs avant le départ vers Bruxelles.

Malgré l’adoption cette semaine de plusieurs mesures pour intervenir, si par exemple trop de sucre entrait d’un coup sur le marché européen, le compte n’y est toujours pas. À Bruxelles, l’objectif aujourd’hui est donc de rester le temps qu’il faudra. « On prépare pour gagner une guerre. Une guerre, c’est avec des hommes bien nourris, des tables, des lits de camps et de l’eau pour pouvoir tenir un siège si nos politiques ne nous donnent pas de résultats concluants », ajoute Bertrand Chauffier.

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