Dans de nombreux pays africains, les phases de croissance soutenue ne se traduisent pas automatiquement par une amélioration généralisée des conditions de vie. Les indicateurs macroéconomiques peuvent afficher des performances solides alors que le chômage, la précarité ou l’accès limité aux services essentiels persistent pour une large partie de la population. Ce décalage alimente le débat sur l’idée selon laquelle l’expansion économique finirait mécaniquement par bénéficier à tous. L’expérience récente montre que cette transmission est loin d’être systématique.
La structure même de la croissance explique en partie cette dissociation. Lorsque l’activité repose principalement sur des secteurs capitalistiques comme les hydrocarbures, les mines ou certains segments des services financiers, la création d’emplois reste limitée. Les revenus générés se concentrent alors entre quelques acteurs économiques, souvent urbains et formels, tandis que les zones rurales et le secteur informel demeurent à l’écart des retombées. La croissance agrégée masque ainsi des disparités profondes dans la répartition des gains.
Les mécanismes de redistribution jouent également un rôle déterminant. En l’absence de systèmes fiscaux suffisamment progressifs ou de politiques sociales bien ciblées, les fruits de l’expansion économique ne sont que faiblement redistribués. Les recettes publiques supplémentaires issues de la croissance peuvent être absorbées par le service de la dette ou par des dépenses peu inclusives. Dans ces conditions, l’amélioration du PIB ne se transforme ni en réduction significative de la pauvreté ni en atténuation durable des inégalités.
Cette situation interroge la pertinence de stratégies centrées presque exclusivement sur la croissance quantitative. Sans investissements dans l’éducation, la santé, l’agriculture familiale ou les infrastructures de proximité, la capacité des populations à participer à l’économie reste limitée. Le ruissellement supposé se heurte alors à des contraintes structurelles qui freinent la mobilité sociale et la diffusion des opportunités économiques. La croissance devient un phénomène partiellement déconnecté du tissu social.
Pour dépasser ce paradigme, plusieurs pays africains cherchent désormais à réorienter leurs politiques vers une croissance plus inclusive. L’enjeu n’est pas de renoncer à l’expansion économique, mais d’en modifier les canaux de transmission. Une attention accrue à la qualité des emplois, à la répartition territoriale des investissements et à l’efficacité des dépenses publiques apparaît essentielle. C’est à cette condition que la croissance pourra cesser d’être un indicateur abstrait et devenir un levier tangible d’amélioration du bien être collectif.
