«Ci guddi gu ňuul kukk, lêndêm têriis lay bëcëg bu leer nàň di juddóo.»
Bizarrement, le peuple «ndum­belanien» paraît très facile à gouverner : il suffit tout juste de lui trouver un futile sujet d’actualité pour l’occuper, pour l’éloigner de ses propres problèmes, pour le pousser à ne jamais penser aux affreuses vicissitudes amères de la vie qui l’assaillent au quotidien.
Que l’économie toussote et crache ses poumons, que le panier de la ménagère devienne trop lourd à porter, que le loyer flambe et enflamme les cœurs , que le chômage et les licenciements fassent monnaie courante, que le prix de l’énergie trouble le sommeil, que l’école et l’université aillent mal, que la sécurité des personnes et des biens fasse défaut, que l’immigration clandestine endeuille davantage les familles, que le secteur primaire (agriculture, pêche et élevage surtout) se ratatine et se renfrogne, que la santé des populations ne préoccupe plus les pouvoirs publics, que l’investissement s’absente et aille se refugier définitivement en dehors des frontières, que les citoyens se chamaillent et se regardent en chien de faïence, que l’enclavement étouffe villes et campagnes, que le transport se transforme en épreuves insupportables, que l’eau soit denrée rare en certains moments et en certains lieux, le citoyen «ndumbelanien» accepte penaud et docile de se faire divertir par des leurres et autres contre-feux débiles, désolants et séniles parce que sans intérêt aucun.
Il y a un peu plus de trente ans en arrière, l’arène était devenue un anesthésiant très puissant : on ne parlait jour et nuit, dans les ateliers comme dans les chaumières, que de Tyson chantre du Bul faale°, de Tapha (j’attaque, je cogne et je gagne) et du mysticisme des uns et des autres (buteel bu saf sapp mooy taxa daan). La tranche d’âge des dix-vingt ans actuelle est paralysée par l’opium du football (rivalité entre Messi et Ronaldo, les classico et la Champion’s League de l’Uefa) qui la pousse inexorablement dans les griffes du pari en ligne, terreau fertile de tous les vices. Actuellement, ceux qui constituent -aux yeux de tout «ndumbelanien»- la crème intellectuelle de ce pays, se sont volontairement embués l’esprit cartésien en ne dissertant que sur des futilités politico-politiciennes et de canulars juridico-sociaux qui crétinisent plus qu’ils ne profitent au Peuple, à la Nation, à la République et à l’Etat.
En effet, toute l’intelligentsia «ndumbélanienne» s’est subitement ratatinée l’esprit critique, l’esprit constructif et l’esprit novateur : universitaires, chercheurs, hommes de culture, journalistes, défenseurs des droits de l’Homme, enseignants, avocats, tous ont déserté, tous se sont liquéfiés laissant la place à des boucaniers politiques, à des activistes barbares et ombrageux qui se précipitèrent pour introduire et imposer un nouveau discours dans la société avec son bréviaire insultant et sa nouvelle rhétorique des plus abêtissantes et des plus violentes. Des casseurs, des pyromanes, des vandales, des brigands et des pillards avérés sont présentés comme des victimes d’injustice ; une hérésie (imposée à tous par un tapage médiatique) peinte comme un «projet» de société sans commune mesure ; un kitsch des plus fades est présenté comme œuvre salvatrice, comme best seller (de mauvais goût surtout) théorisant la «solution finale» aux multiples défis du pays ; un crime abject et une diffamation prouvée placés dans le lot des complots d’Etat contre un individu qui gêne ; la défiance aveugle et violente contre les institutions de la République présentée comme un «droit à la résistance» ; un verbe léonin et injurieux contre la magistrature accepté comme seul et légitime moyen de se défendre contre l’injustice subie au quotidien ; le suicide° de milliers de jeunes utilisés comme bouclier humain comme une stratégie futée de combat ; des maladies imaginaires (mbete Molière) et des grèves de la faim métaphoriques comme moyens de mobilisation et de pression ; tous ces subterfuges ont fait la popularité, l’ancrage sociopolitique et l’aura d’une seule personne qui en profite et s’en délecte aujourd’hui sans états d’âme. Il est même devenu depuis -avec le pouvoir entre ses mains- un monstre-cannibale prêt à mordre, à calomnier, à médire, à méduser partisans, opposants, frères d’armes, institutions, fonctionnaires de l’Etat, hauts gradés de l’Armée ….. «ndumbélaan» accorda ainsi une licence, une licence tout terrain à un homme narcissique, imbu de lui-même, paranoïaque et pour qui, seule la notion de «rapport de force» règle -à son avantage exclusif- le cours de la vie. Mis en difficulté depuis un certain temps par (un rabat d’arrêt), il proclame néanmoins que sa participation à toutes les élections possibles dans son pays, ne dépendrait que de sa seule et unique volonté. Pour ses avocats (un pool plus partisan politique qu’acteur intègre de la justice), l’Etat doit plier à la seule volonté de cet aède du narcissisme intégral et de la paranoïa légendaire. Le Peuple doit subir ses fictions les plus drôles, fictions pour chauffer, motiver et mobiliser ses partisans zélés dans la défense de ses intérêts crypto-personnels qui tournent exclusivement sur sa candidature en 2029. Toutes les décisions (juridiques et judiciaires, politiques et administratives) doivent profiter à ses affaires propres, à son image, à son entourage et le tout avant celles du Peuple, de la République et de la démocratie. On doit lui renforcer ses pouvoirs en assujettant les institutions sur le contenu de sa feuille de route.
Il est temps de se lasser du «culte du héros persécuté», du mythe construit autour de la «cible» du système opaque qu’il faut combattre, du conte de fée narré sur le dos d’une «justice aux ordres» uniquement pour le brimer, du rabâchement incessant d’un discours malhonnête sur le «complot» invisible fait sur le dos d’un indomptable intrépide qui a justement comme références les dirigeants des pays de l’Aes. Les revers économiques, la cherté de la vie et du loyer, les arrestations arbitraires, le pays au quatrième sous-sol, tout cela ne peut, ne doit lui être imputable : on l’empêche sciemment de gouverner n’est-ce pas ?  Ce culte de la victime rend difficile la critique de ses actions, de ses positions, de ses actes et de ses déclarations. Tous ceux qui le critiquent, sont justement dépeints comme des «traîtres» ou des «agents du système» car il constitue le seul rempart (contre un ennemi imperceptible) et est le seul leader qui se positionne courageusement pour «libérer» le Peuple des anciens colons, des multinationales voraces et des élites corrompues. Mieux, pour rendre justice aux martyrs (sic) qui ont laissé leurs vies, versé leur sang, payé de leur liberté dans la lutte patriotique et révolutionnaire° qui eut raison du régime précédent ; ce régime de prédateurs, de béni-oui-oui et de corrompus qu’une sévère reddition des comptes doit envoyer au plus profond de «ndungsiin»° après un «goqi»° incontournable.
Ce discours est lassant en fin de compte ; il montre éloquemment que cet individu ne détient aucune solution pour redresser ce pays. Seule son élection aux suffrages suprêmes l’intéresse. Il est né pour diriger, pour nous diriger à sa guise, selon ses concepts (à la chinoise par exemple). Son «control freak» est obsessionnel et son égocentrisme assez profond pour permettre à un étudiant de bâtir sa thèse de doctorat. Serait-il victime des affres douloureuses liées aux «troubles anxieux» ? Allez savoir. Quant à moi, je donne ma langue au chat !
Amadou FALL
Inspecteur de l’enseignement à la retraite à Guinguinéo
zemaria64@yahoo.fr

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