L’actualité nous a projetés au cœur d’un drame qui dépasse le simple cadre du fait divers. Des images de véhicules calcinés dans un parking privé ont fait le tour des réseaux sociaux, pointant du doigt l’acte désespéré et criminel d’une épouse dont le foyer venait de s’ouvrir à une seconde union. Si l’enquête doit encore établir les faits, ce brasier interroge violemment notre rapport à la conjugalité, à la souffrance et, surtout, aux limites de l’acceptable.
Il est impératif de poser un constat lucide : le passage à la violence, qu’elle soit physique ou matérielle, ne peut en aucun cas être érigé en système de défense. La détresse affective, aussi profonde soit-elle, ne suspend pas le Code pénal.
Le mirage de l’immunité sentimentale
Dans notre imaginaire social, la «jalousie de la première heure» bénéficie parfois d’une forme de tolérance tacite, presque romantique. On excuse l’emportement au nom de l’amour blessé. Pourtant, le droit sénégalais est d’une clarté de cristal : la destruction volontaire du bien d’autrui par le feu est un crime grave.
Le mariage, qu’il soit placé sous le régime de la monogamie ou de la polygamie, n’offre aucun «permis de dévaster». La colère ne constitue ni une excuse légale ni une circonstance atténuante automatique. En basculant dans la barbarie, l’épouse ne punit pas seulement son mari ; elle se condamne elle-même à une déchéance juridique et sociale dont les conséquences (prison, stigmatisation, traumatisme des enfants) sont souvent irréparables.
Le gouffre entre le contrat et le vécu
La polygamie est une institution légale au Sénégal, choisie et signée dès l’aube de l’union. Mais entre le papier et le quotidien, le fossé est parfois un précipice. L’absence de dialogue préalable, le sentiment de trahison ou l’iniquité de traitement par le mari sont autant de braises qui couvent sous la cendre.
L’affaire du parking incendié n’est que le symptôme d’une dérive inquiétante : celle où le conflit privé s’invite brutalement dans l’espace public. Quand la raison abdique devant la rage, on quitte le champ de la médiation familiale pour entrer dans celui de la Cour d’assises. La violence n’est pas un cri du cœur, c’est un aveu de défaite. Elle ne répare aucune blessure ; elle calcine l’avenir de toute une famille.
Le divorce : la porte de sortie de la dignité
Face à l’insupportable, la loi a prévu des issues. Le divorce, bien que souvent perçu avec amertume, demeure une voie de libération légitime et encadrée. S’extraire d’un mariage qui devient une prison mentale est un acte de courage et de lucidité.
Il vaut mieux affronter la solitude ou le regard de la société après un divorce que de contempler sa propre vie s’effondrer derrière les barreaux d’une cellule. Quitter une union devenue toxique, c’est se protéger et protéger sa dignité. La justice des tribunaux doit toujours primer sur la tentation de se faire justice soi-même.
Appel à une responsabilité collective
Ce drame doit servir de catalyseur à une réflexion nationale sur l’accompagnement des familles. La polygamie exige une maturité émotionnelle et une équité que tout le monde ne possède pas. Il est temps de promouvoir une véritable éducation aux droits conjugaux et aux voies de recours légales.
La société sénégalaise ne peut accepter que la frustration devienne une excuse à la barbarie. Entre la destruction et la loi, le choix doit être sans équivoque. La dignité d’une femme, d’un homme et d’une Nation se mesure à leur capacité à résoudre les crises par le droit et le dialogue, et non par le feu et le sang.
Serigne Saliou Mbacké FAYE
Etudiant en Master II, Droit public, Ugb
Droit de la décentralisation et gestion des collectivités territoriales
Gouvernance locale et développement durable
