Les sages-femmes du pays réclament une reconnaissance officielle et urgente de leur statut professionnel. Bigué Ba Mbodji, présidente de l’Association nationale des sages-femmes d’État du Sénégal (Ansfes), pointe du doigt les lourdes conséquences sanitaires et sociales d’un cadre légal inadapté précise le soleil .

Reconnaître pleinement la profession de sage-femme, c’est le cri du cœur porté par Bigué Ba Mbodji, présidente de l’Association nationale des sages-femmes d’État du Sénégal (Ansfes). Invitée, hier, mardi 23 décembre, des « Mercredis de l’Association des journalistes en santé, population et développement (Ajspd) », elle a dénoncé l’incohérence persistante entre la réalité du terrain et un cadre légal resté figé.

Adoptée en 2017, la loi portant création de l’Ordre national des sages-femmes et maïeuticiens du Sénégal demeure inopérante malgré des avancées notées sous le magistère du Pr Awa Marie Coll Seck au ministère de la Santé. « Tant que l’Ordre n’est pas effectif, la profession n’est pas pleinement reconnue », a déclaré Mme Mbodji, soulignant que « la sage-femme n’est ni une auxiliaire ni une simple exécutante ».

Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), cette profession fait partie des quatre dites médicales, « aux côtés des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes, avec des responsabilités propres et une autonomie d’exercice ».

Au Sénégal, bien que l’accès à la formation soit conditionné au baccalauréat et à trois années d’études, la profession de sage-femme reste juridiquement mal définie. « On exige des sages-femmes qu’elles assument des responsabilités médicales, mais on leur refuse un statut clair », a déploré la présidente de l’Ansfes. Une contradiction qui fragilise aussi bien les professionnelles que les patientes.

L’absence d’Ordre favorise, à son avis, des dérives préoccupantes : « prolifération d’écoles privées sans harmonisation des curricula, certifications contestées et confusion autour du droit à porter le titre de sage-femme ». « On ne peut pas avoir plusieurs catégories de sages-femmes selon l’école fréquentée », a-t-elle tranché.

Pour corriger cette anomalie, Eugène Kaly, président de l’Ajspd, a invité le gouvernement à réviser la loi 66-69 du 4 juillet 1966, qui organise l’exercice de la médecine. « C’est essentiel pour des personnes qui s’occupent de la santé de la mère et de l’enfant », a-t-il soutenu.

Au-delà du cadre juridique, la reconnaissance passe aussi par la dignité professionnelle. La présidente de l’Ansfes a longuement évoqué la précarité vécue par de nombreuses sages-femmes recrutées sous contrats temporaires dans des projets de santé, puis remerciées après plusieurs années de service dans des zones reculées. « Elles travaillent parfois sans électricité, sans logement, accouchant les femmes avec la lumière de leur téléphone », a-t-elle témoigné.

Cette non-reconnaissance a également des conséquences directes sur la santé publique. D’après les données de l’Oms et du Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa), 87 à 90 % de la mortalité maternelle peuvent être évités grâce à des sages-femmes qualifiées, formées et réglementées. « On ne peut pas confier une telle responsabilité à une profession que l’on refuse de reconnaître pleinement », a alerté Bigué Ba Mbodji.

Pour l’Ansfes, la reconnaissance passe par des actes concrets : révision des textes juridiques obsolètes, mise en œuvre effective de l’Ordre, adoption du Code de déontologie et clarification du statut professionnel. « Ce n’est pas un rêve, c’est une réalité internationale que le Sénégal doit assumer. Nous interpellons le président de la République et le Premier ministre afin d’agir avec urgence », a plaidé Mme Mbodji dont l’organisation travaille à créer un syndicat.

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