La colère gronde depuis plusieurs mois déjà. De nombreux experts prévoyaient une telle explosion alors que l’inflation dépasse largement les 50 % cette année, et sera encore plus forte l’année prochaine. La chute de la monnaie iranienne, qui s’est accélérée ces dernières semaines, a aggravé la situation avec la hausse du prix des produits de consommation pratiquement toutes les semaines, rapporte notre correspondant à Téhéran, Siavosh Ghazi.
Le président Pezeshkian mais aussi le président du Parlement ont affirmé dès ce lundi 29 décembre l’importance du dialogue avec les manifestants. Des représentants des commerçants du bazar ont été reçus par le président, qui a annoncé la suspension de certaines taxes et impôts décidés dans le projet du budget pour la prochaine année.
De son côté, le Parlement a promis que la hausse des salaires ne sera pas limitée à seulement 20 %, comme cela avait été décidé par le gouvernement dans un premier temps.
Dans le même temps, les forces de l’ordre semblent, jusqu’à maintenant, vouloir faire preuve de retenue, bien que des policiers aient fait usage de gaz lacrymogène ou tiré des balles de paintball à quelques endroits. Sur une vidéo par exemple, on voit la foule faire reculer des policiers anti-émeutes sans qu’ils résistent. Mais si le mouvement prend de l’ampleur, on ne sait pas pour le moment si les forces de l’ordre feront preuve de la même retenue.Mercredi matin, le procureur général de la République islamique a affirmé que le pouvoir judiciaire fera preuve de « fermeté » si les manifestations sont instrumentalisées à des fins de « déstabilisation ». « Du point de vue judiciaire, les manifestations pacifiques pour la défense des moyens de subsistance (…) sont compréhensibles, a déclaré Mohammad Movahedi-Azad, cité par la télévision d’État. Toute tentative visant à transformer les manifestations économiques en un outil d’insécurité, de destruction des biens publics ou de mise en oeuvre de scénarios conçus à l’étranger sera inévitablement suivie d’une réponse légale, proportionnée et ferme. »
« Nous sommes au bout du rouleau »
Amir est un retraité de 81 ans qui vit avec sa femme. Ancien ingénieur, il a travaillé pendant plus de 35 ans et a pris sa retraite il y a 20 ans. Il se dit à bout de souffle. « Dans la situation actuelle, mon salaire est l’équivalent de 150 dollars. Heureusement, je suis propriétaire et mes enfants sont partis. Nous vivons à deux avec ma femme. Nous sommes au bout du rouleau, confie-t-il. À chaque instant, non pas chaque jour ou chaque année, notre vie se rétrécit. Je pleure pour ces jeunes. Ils ont un avenir très très noir. Sans aucun espoir ni perspective. Nous sommes dans une impasse très très dure. »
La situation est encore plus difficile pour les jeunes. Bahram est un petit commerçant ambulant du petit bazar de Téhéran qui vend des légumes de luxe. « Ces dernières années, la situation est devenue très difficile. Le pouvoir d’achat des gens est en baisse à cause des sanctions et de la situation économique. Problème pour se marier, avoir un logement, un travail, une voiture. Tout ce qui est nécessaire pour avoir une vie normale », explique l’Iranien.
Lors des mouvements de protestation de 2022 après la mort en détention de Mahsa Amini, arrêtée pour mauvais respect du voile, ou encore en 2019 après la hausse du prix du carburant, des centaines de manifestants avaient été tués et des milliers de personnes arrêtées.
