Le débat sur la transparence dans la gestion des ressources extractives prend une tournure judiciaire. Le mouvement Gueum Sa Bopp – Les Jambaars a annoncé, hier, sa décision de saisir le Pôle judiciaire financier (PJF) à la suite des révélations contenues dans le Rapport ITIE 2024, document public endossé par l’État du Sénégal.

À la suite des révélations contenues dans le Rapport ITIE 2024, le mouvement Gueum Sa Bopp saisit le Pôle Judiciaire Financier d’une plainte contre le Premier ministre Ousmane Sonko, le ministre de l’Énergie Biram Souley Diop et le directeur général de PETROSEN

Selon le mouvement citoyen, ce rapport, censé garantir la transparence et la redevabilité dans la gestion des ressources minières, pétrolières et gazières, met en évidence des « manquements systémiques » engageant directement la responsabilité de l’exécutif au plus haut niveau. La plainte annoncée cible, au regard de leurs responsabilités institutionnelles : Ousmane Sonko, Premier ministre, en tant que chef du Gouvernement et garant de la cohérence de l’action publique ; Biram Souley Diop, ministre des Mines et de l’Énergie, autorité de tutelle du secteur extractif ; Talla Guèye, directeur général de PETROSEN, bras opérationnel de l’État dans la gestion des hydrocarbures.

Bougane et ses camarades précisent qu’il ne s’agit ni d’un procès politique ni d’un règlement de comptes, mais de « l’exercice d’un droit citoyen face à des faits documentés »

Dans la même veine, Gueum Sa Bopp précise qu’il ne s’agit ni d’un procès politique ni d’un règlement de comptes, mais de « l’exercice d’un droit citoyen face à des faits documentés », dont seule la justice est habilitée à apprécier la qualification pénale.

En cause, des milliards non réconciliés dans ledit rapport de l’Itie 2024

Au cœur de la controverse figure un chiffre : 2,48 milliards de francs CFA. Le Rapport ITIE 2024 révèle en effet que le rapprochement des revenus extractifs pour l’année 2024 n’a couvert que 91,89 % des flux, laissant subsister un écart non réconcilié qualifié de « non significatif » au sens technique de la norme ITIE.

Le Rapport ITIE 2024 révèle en effet que le rapprochement des revenus extractifs pour l’année 2024 n’a couvert que 91,89 % des flux, laissant subsister un écart non réconcilié qualifié de « non significatif » au sens technique de la norme ITIE

Une appréciation que rejette catégoriquement Gueum Sa Bopp. Pour le mouvement, « aucun État sérieux ne peut banaliser la disparition comptable de plusieurs milliards de francs CFA dans un secteur aussi stratégique ». Plus inquiétant encore, près de 7 % des paiements déclarés proviennent de formulaires non certifiés, en violation des exigences minimales de fiabilité prévues par les standards internationaux.

Le mouvement politique dénonce, parlant de Sangomar, un symbole d’une gouvernance défaillante

Le champ pétrolier de Sangomar, entré officiellement en production en juin 2024, cristallise les critiques. Le Rapport ITIE établit que la part de production revenant à l’État sénégalais n’a été retracée dans aucune déclaration pour l’année 2024, malgré le démarrage effectif de l’exploitation. Des incohérences entre les données communiquées par PETROSEN et l’opérateur Woodside Energy, notamment sur les volumes de Profit Oil, renforcent le soupçon d’opacité. Plus troublant encore, les recettes issues de cette production n’apparaissent qu’en 2025, alors que la commercialisation est intervenue dès 2024.Pour Gueum Sa Bopp, cette incapacité de l’État à retracer sa propre part de production « constitue une faille grave de gouvernance », susceptible d’une qualification pénale. Le rapport confirme également une pratique déjà épinglée par la Cour des comptes : des paiements effectués par Woodside en 2024 ont été encaissés en 2024, mais comptabilisés en 2023. Une manipulation des exercices budgétaires qui, selon le mouvement, porte atteinte au principe fondamental de sincérité des comptes publics et alimente le soupçon d’une gestion opportuniste des chiffres.

Cadastre minier et bénéficiaires effectifs : le flou persistant

Autre point noir relevé : le cadastre minier, arrêté au 31 décembre 2024, est jugé incomplet et incapable d’identifier clairement l’ensemble des titres, renouvellements et transferts. Une opacité lourde de conséquences dans un pays où les questions foncières restent hautement sensibles. S’y ajoute une transparence inachevée sur les bénéficiaires effectifs. Malgré l’existence d’un registre, le Rapport ITIE 2024 souligne l’absence d’informations essentielles, telles que les pourcentages de détention, les modalités de contrôle ou l’identification des personnes politiquement exposées, affaiblissant la lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption.

« Tout est connu, rien n’est corrigé », regrette Bougane 

Pour Gueum Sa Bopp, le constat est sans appel. Les mêmes recommandations reviennent année après année : fiabilisation des déclarations, traçabilité des revenus pétroliers, complétude du cadastre, transparence sur les bénéficiaires effectifs. « Tout est connu. Tout est documenté. Mais rien n’est structurellement corrigé », dénonce le mouvement, qui évoque désormais un « déficit manifeste de volonté politique ».

Face à la gravité et à la répétition de ces manquements, la saisine du Pôle judiciaire financier apparaît, selon ses responsables, comme une étape nécessaire. Le Rapport ITIE 2024 sera produit comme pièce centrale du dossier. « La transparence ne se proclame pas, elle se démontre », conclut le mouvement. Une affaire qui pourrait relancer, avec fracas, le débat national sur la gouvernance des ressources pétrolières et gazières du Sénégal.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *