Par Abdoulaye MBOW
Pensez-vous que la transparence est de rigueur dans la distribution de l’aide alimentaire d’urgence ?
La situation actuelle montre à suffisance que même avec des facilités de faire des achats en dehors du Code des marchés, les structures gouvernementales sont non seulement incapables de garantir la transparence, mais ils ne sont dignes de la confiance des citoyens. Nous rappelons que le 19 mars 2020 par décret n°2020-781, le Président de la République avait extirpé du Code des marchés les travaux, fournitures et services relatifs à la lutte contre le covid-19. Nous constatons qu’il y a un abus patent dans le cadre de gestion de l’aide alimentaire.Dès la publication de l’avis de commande d’urgence pour sélectionner des prestataires de transport de marchandises, nous avions attiré l’attention de l’Etat sur les risques de surfacturation, de discrimination, de favoritisme et éventuellement de rétro-commission, liés aux critères à remplir par lesdits prestataires. Nous avions dit que le fait de demander aux soumissionnaires de disposer au moins 50 camions pour le transport de marchandises, encourageait la malversation et le détournement de deniers publics. La situation actuelle semble confortée nos doutes de la semaine dernière concernant la gestion de l’aide alimentaire. En plus, l’avis d’attribution publié par le ministère du Développement communautaire ne renseigne en rien sur le nombre de tonnes de riz à fournir par chaque soumissionnaire retenu. L’avis d’attribution ne donne aussi aucune information sur le prix de la tonne de riz proposé par les quatre attributaires. Le ministère est aussi muet sur les entreprises qui avaient soumissionné pour fournir du riz. Le ministère du Développement communautaire ne doit pas oublier que l’achat public doit toujours rimer avec la transparence, l’équité, la liberté et l’égalité. Le processus est très nébuleux et chaotique. Les Sénégalais ne méritent pas cette situation. Nous pensons que le président de la République doit rappeler à l’ordre la gestionnaire de l’aide alimentaire. Nous allons droit au mur si l’on ne prend garde. Et si ces pratiques continuent, nous assisterons à d’innombrables détournements de deniers publics.
Le marché attribué à des concessionnaires comme Diop Sy pour le transport des denrées, écarte-t-il tout soupçon de népotisme pour ne pas dire de corruption ?
On ne peut voter la loi et se permettre de la violer allègrement. M. Diop Sy est député et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale est tout à fait clair à ce propos. Être député et être chef d’entreprise est incompatible. Dans la note de présentation de l’Ude, il est bien mentionné que M. Diop Sy est Directeur général de l’entreprise. À ce titre, il ne peut pas gagner des marchés publics. Même s’il se retrouvait dans une situation de délégation de pouvoirs, son lien direct avec l’entreprise et ses fonctions de député, l’écartent de la commande de marchés publics, sans compter le fait que M. Diop est bénéficiaire économique de la boîte. Il l’a toujours revendiqué d’ailleurs. En plus, il est inconcevable que le riz soit transporté dans des bacs qui transportent des ordures ou d’autres déchets. C’est entièrement contraire à l’hygiène publique. En outre, le ministère du Développement communautaire devrait aussi communiquer sur les autres soumissionnaires et les prix qu’ils ont proposés, sans compter l’offre gratuite proposée par d’autres transporteurs. Le soupçon de corruption, de népotisme, de surfacturation et de gabegie est bien réel.
Que faire face à une telle situation ?
Il urge que le président de la République mette en place le Comité de pilotage pour le suivi de la Force covid-19. Mais aussi, que les ministères de la Santé et celui du Développement communautaire publient leurs Plans d’investissement d’urgence dont le président de la République avait demandé leur élaboration lors du Conseil des ministres du 8 avril 2020. L’intervention du président de la République pour recadrer cette opacité est inévitable, surtout pour ces moments de lutte contre le covid-19.