Ibrahima Fall : «Des attributions de terres sans l’aval de la mairie à Yoff »

Sans détour, l’adjoint au maire de Yoff, Ibrahima Fall, reconnaît que cette commune à longue façade maritime est également impactée par la prédation autour du domaine public. Il rejette cependant la faute sur les services de l’Urbanisme et des Domaines qui diligentent les attributions de terres sans associer les mairies. Les conflits de compétence font le lit de l’impunité. Décryptage.

 

Par Mohamed NDJIM

 

Comment la commune de Yoff, qui dispose d’une longe façade maritime, gère-t-elle la prédation autour du domaine public ?

 

Vous nous offrez là une opportunité de nous exprimer et de faire le point sur cette problématique, surtout au niveau de notre façade maritime. C’est une façade qui va de Diamalaye, de la Cité Diamalaye jusqu’au Virage en allant vers Ngor. C’est quand même une façade très large qui parfois est confrontée à certaines difficultés. La plupart des occupations que nous avons sur cette façade sont des occupations à titre précaire et révocable. Ce sont des gens qui font dans la culture, les activités de plaisance ou encore la restauration qui occupent parfois la plage. Ce sont des occupations à titres précaires et révocables. Ce type d’occupations vraiment ne pose pas de problèmes. Là où nous avons des problèmes bien sûr, c’est au niveau des lotissements qui se trouvent au niveau du littoral. Heureusement que la mairie de Yoff n’a jamais fait une attribution dans le domaine du littoral. On n’a jamais fait d’attribution. D’ailleurs, nous ne participons pas aux Commissions de contrôle des opérations domaniales (Ccod) qui font les attributions, nous ne participons pas à ces Ccod. Nous n’avons jamais délibéré sur ce foncier. Le problème qui se pose vient des services de l’urbanisme et des domaines qui, en relation bien sûr avec l’autorité administrative (préfecture, sous-préfectures, Ndlr) organisent les commissions de contrôle des opérations domaniales sans la présence de l’autorité municipale. Ils font des attributions, et à partir de ces attributions les gens peuvent détenir des titres de propriété par bail ou titre foncier. À partir de ce moment, les détenteurs de titres de propriété se présentent devant l’autorité municipale pour solliciter une autorisation de construction. Le problème c’est que nous n’avons pas été associés à l’attribution des terres, et on nous demande de délivrer une autorisation de construction. La loi nous encadre, parce que la loi dit que dans les vingt-huit jours vous devez donner une autorisation de construction sur la base du titre de propriété octroyé par les services des domaines, du feu vert des services de l’urbanisme, des services du cadastre et des services du ministère de l’Environnement. C’est sur cette base qu’on nous demande d’autoriser les constructions.

 

Peut-on parler de conflit de compétences entre les différents démembrements de l’État ?

 

Si la mairie était associée au début du processus, on pourrait quand même dire notre mot, dire le mot de la population. Souvent on n’est pas associés, et à la dernière phase on nous demande de signer les autorisations de construire. La loi nous encadre, nous demande de signer sous 28 jours les autorisations. Si vous ne le faites pas, l’individu a le droit de considérer qu’il a son dossier d’autorisation et peut commencer à construire. Ou bien il peut ester en justice contre vous, ou bien l’autorité administrative peut se substituer au maire pour donner une autorisation. Voilà ce que dit la loi. L’équipe municipale dirigée par le maire Abdoulaye Sarr est en place depuis 2014, il y a eu beaucoup d’attributions qui ont été faites dans la zone sans notre aval, sans que nous ne soyons associés. Depuis 2014, on n’a jamais été associés aux attributions qui se font dans notre périmètre communal. Mais le problème, c’est qu’au bout du circuit on nous demande de produire une autorisation qui, même si on refuse, peut être délivrée par l’autorité administrative.

 

Est-ce que les mairies ne perdent pas, via ce procédé, le contrôle de leur foncier ?

 

Je pense qu’il faut revoir tout ça. Il faut revoir toute cette problématique, associer les maires lorsqu’on fait des attributions. C’est surtout cela le problème. Parce que s’il est associé au processus, le maire peut attirer l’attention des services du ministère de l’Urbanisme et des Finances sur le fait que cette zone qu’ils veulent occuper est une zone qui n’est pas habitable. Si elle était associée en amont, la mairie pourrait attirer l’attention lorsqu’il y a empiètement sur le domaine public maritime. Malheureusement, on est au bout de la chaîne, on nous demande de produire un acte de construction, et souvent les gens qui construisent brandissent l’acte de construction signé par le maire.

 

Le maire ne devrait-il pas refuser de délivrer des autorisations de construire sur le domaine public maritime ?

 

Non le maire est obligé. Si le maire ne délivre pas l’autorisation de construire au bout de 28 jours, le préfet peut se substituer et signer à sa place. D’ailleurs, les gens qui détiennent ces titres de propriété se permettent de construire 28 jours après le dépôt de la demande d’autorisation de construire et personne n’y peut rien.

 

Y-a-t-il des occupations illégales sur le domaine public maritime à Yoff ?

 

Bien sûr. Notamment dans la partie littorale de Diamalaye en allant vers la cité Djily Mbaye. Toute cette partie littorale ne devrait pas être occupée. Le principe retenu c’est qu’il ne devrait y avoir aucune construction entre Diamalaye et le littoral. Pourtant, on y a construit la cité Poste qui était dans le domaine maritime. À côté de Djily Mbaye vers la plage, il y a des constructions, il y en a vers la station d’épuration. Malgré tout, il faut retenir que lorsqu’Abdoulaye Diouf Sarr est venu au niveau de la mairie de Yoff, il a refusé de délivrer ces autorisations de construction. Depuis 2014, je pense qu’il n’y a que deux ou trois autorisations qui ont été signées. Ces autorisations n’ont même pas été signées, mais ces gens ont commencé à construire au-delà du délai de 28 jours. Qu’est-ce qu’on pouvait faire ? Depuis 2014, la mairie de Yoff a refusé de signer des autorisations à tous les gens qui ont des baux sur le littoral. Si la mairie signait systématiquement les autorisations, le littoral, surtout le littoral de Diamalaye en allant vers Djily Mbaye, allait être occupé par des promoteurs à n’en plus finir ; parce qu’il y a tellement de promoteurs qui sont dans cette zone et qui font de la spéculation.

 

Comment faire pour stopper l’hémorragie ?

 

Je pense qu’il faut exproprier toutes ces personnes qui empiètent sur le domaine public maritime, demander au président de la République d’exproprier tous ces gens, de leur trouver une alternative et de reprendre la plage, tout ce littoral, pour l’offrir à la jeunesse.

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