La riposte nationale contre le covid-19 en question (Mamadou SY Albert)

La riposte nationale contre le covid-19 fait son bonhomme de chemin. Elle entre dans une phase critique. Les controverses se multipliant au centre de l’aide alimentaire, de la fonction centrale du Comité de suivi et l’irruption de la chaîne de transmission dans de nombreuses zones urbaines et rurales militent en faveur d’un réajustement, voire d’un affinement de la stratégie sénégalaise. Les dysfonctionnements et la suspicion constituent une menace sérieuse à la préservation de la mobilisation nationale contre la pandémie.

Les dispositifs institutionnels souffrent de l’absence d’une synergie des forces sociales et politiques pour impulser une véritable bataille patriotique sur plusieurs fronts de combats à la hauteur des enjeux de la menace sanitaire, sociale et économique plus que jamais pressante à l’intérieur du pays et à Dakar.

Le Président de la République en exercice, Macky Sall, a déclaré solennellement la guerre au covid-19. C’est un engagement politique important dans le contexte de la crise sanitaire, sociale et économique sans précédent dans l’histoire post- coloniale du Sénégal. Le pays est effectivement mis en danger par un virus ravageur. La déclaration de guerre cristallise certainement ce moment symbolique marquant le début d’un long processus contre une pandémie secrétant des impacts multiformes. Il est temps de jeter un regard critique sur le processus de la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre le virus. La riposte contre le covid-19 se compose de plusieurs volets. Le programme de résilience économique et sociale représente la composante centrale de cette stratégie. La création du Comité de suivi complète, entre autres mesures, le dispositif institutionnel.

La déclaration de guerre a moins fait prendre conscience aux Sénégalais de l’ampleur de la gravité de la situation sanitaire et économique, et les risques se dessinant à court et moyen terme. L’impératif d’un changement des comportements collectifs et individuels semble progressivement admis et intégré par les populations. La fermeture des mosquées, des grands marchés à hauts risques sanitaires et le respect des gestes «barrière» traduisent un impact positif de la stratégie offensive de lutte contre la pandémie.

L’aide alimentaire, les mesures de soutien aux opérateurs économiques privés, aux Sénégalais de l’étranger ont favorisé le renforcement de l’unité nationale. Ces résultats probants en termes de mobilisation sociale et d’élan solidaire reflètent l’entrée effective du Sénégal dans la troisième guerre contre un ennemi planétaire aux multiples facettes. C’est là un changement notable des comportements et des habitudes ancrées dans la culture sénégalaise. Les résultats sanitaires sont également relativement satisfaisants. Le corps médical a fait des résultats significatifs, si on en mesure par les résultats médicaux : prise en charge des patients, une bonne couverture du territoire national et une bonne politique de sensibilisation et de communication sociale graduelle.

Le Sénégal inspire confiance par ses capacités techniques à bâtir une stratégie de guerre sanitaire. Le soutien de toutes les composantes de la société sénégalaise au corps médical et à la volonté présidentielle de conduire la résistance nationale constitue des indicateurs de mesure de la réussite.

Depuis quelques semaines, certains volets de la stratégie gouvernementale nourrissent toutefois des critiques et des suspicions légitimes singulièrement des acteurs de la société civile. L’aide alimentaire en constitue un exemple. Le choix des opérateurs privés assurant le transport des vivres n’a pas obéi à des critères de transparence, d’équité et de bonne gouvernance. C’est un ressentiment fort partagé par l’opinion publique. Les appels d’offres n’ont pas ainsi respecté les procédures de la passation des marchés publics. Le climat de suspicion grandissant dans la gestion opaque de la distribution des vivres interroge très fortement la responsabilité gouvernementale et celle de la tutelle ministérielle. Les volets aide alimentaire, sanitaire et soutiens aux acteurs sociaux et économiques doivent être traités conduits dans la transparence, conformément à l’esprit de la bonne gouvernance des affaires publiques.

La mise en place tardive du Comité de suivi suscite également des questionnements quant à sa fonction centrale dans la stratégie de la riposte et sa place dans la mise en œuvre de la stratégie nationale, son évaluation future et les perspectives à court et moyen terme. Le comité ne devrait guère se réduire à un cadre formel de faire-valoir politique des orientations du président de la République, à l’instar des expériences des structures chargées de mener le dialogue politique et/ou le dialogue national. Le Sénégal doit sortir du cycle infernal des clivages partisans, de la suspicion et du jeu des intérêts égoïstes de groupes et de clans. La fonction du Comité de suivi dans la gouvernance de la stratégie de lutte contre le coronavirus sera déterminante dans la réussite de la stratégie du Sénégal. Ce Comité devrait être un des chaînons décisifs pour conduire toutes les actions de l’État, des partenaires techniques et financiers. Il doit renforcer le consensus politique national. Le Comité de suivi peut et doit être au cœur de l’exécution du Programme de résilience économique et sociale, du contrôle de la mise en œuvre de tous les volets de la stratégie. Il devrait également mener la réflexion sur l’après covid-19.

Ces questions ayant trait à l’exigence de transparence dans l’exécution des différents volets et à la bonne gouvernance de la riposte, interpelle au premier chef le Président de la République, Macky Sall.

 

 

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